Des chercheurs du MIT remettent en cause un siècle de théories sur les batteries lithium-ion. Leur nouveau modèle, CIET (coupled-electron ion transfer), explique que la vitesse de charge dépend d'un transfert simultané ion-électron. Cette découverte ouvre la voie à la conception rationnelle de batteries plus rapides et plus durables pour nos smartphones et voitures électriques.

Pour beaucoup, le fonctionnement d'une batterie lithium-ion reste une boîte noire. Pourtant, au cœur de chaque smartphone ou véhicule électrique se joue une réaction chimique fondamentale : l'intercalation, soit le processus par lequel les ions lithium s'insèrent dans une électrode solide.

La vitesse de cette réaction dicte la puissance et le temps de charge de la batterie. Jusqu'à présent, un dogme scientifique freinait les avancées.

Un modèle centenaire à bout de souffle ?

Pendant des décennies, les scientifiques se sont appuyés sur le modèle de Butler-Volmer pour expliquer la vitesse de cette réaction. Ce modèle, vieux de près d'un siècle, a longtemps servi de boussole théorique, avec ses imperfections.

En pratique, les données expérimentales peinaient à correspondre aux prédictions. Les mesures des taux d'intercalation variaient de manière spectaculaire d'un laboratoire à l'autre, parfois par un facteur d'un milliard.

Cette incohérence a longtemps laissé les ingénieurs dans le flou, les contraignant à une optimisation par tâtonnements plutôt que par une conception scientifique rigoureuse.

La danse synchronisée de l'ion et de l'électron

Face à ce qui ressemblait à une impasse, l'équipe du MIT a changé de perspective. Grâce à une technique électrochimique de pointe appliquant de brèves impulsions de tension, ils ont mesuré avec une précision inédite les taux d'intercalation sur plus de cinquante combinaisons d'électrodes et d'électrolytes, incluant des matériaux clés comme le NMC des véhicules électriques.

MIT intercalation CIET batterie lithium ion

Les résultats, bien plus lents que prévu, ne collaient pas avec l'ancienne théorie. Ils ont alors élaboré un nouveau cadre : le transfert couplé ion-électron (CIET). L'idée est simple mais change tout : un ion lithium ne peut pénétrer l'électrode que si, au même instant, un électron est transféré depuis l'électrolyte. Ce n'est plus une course solo, mais une danse parfaitement synchronisée qui dicte le rythme.

De la théorie à la pratique : vers une conception rationnelle

Cette nouvelle compréhension a des implications majeures et immédiates. Premièrement, elle ouvre la voie à une recharge plus rapide. En modifiant la composition de l'électrolyte pour faciliter ce transfert simultané, il devient possible d'abaisser la barrière énergétique de la réaction et donc d'accélérer drastiquement le processus. Fini le bricolage, place à l'ingénierie ciblée.

MIT batterie li ion etude acoustique

Le MIT sait aussi écouter les bruits des batteries pour estimer leur dégradation

Deuxièmement, cette maîtrise promet une durée de vie accrue. Une intercalation plus efficace et contrôlée permet de minimiser les réactions secondaires parasites, celles où des électrons "s'échappent" de l'électrode et dégradent progressivement la batterie.

En renforçant la réaction principale, on préserve la santé de l'accumulateur sur le long terme. Cette avancée, publiée dans la prestigieuse revue *Science*, fournit enfin les outils conceptuels pour concevoir rationnellement les batteries de demain, un enjeu critique pour la transition énergétique.