Des scientifiques suisses du laboratoire FinalSpark cultivent des organoïdes cérébraux pour créer des "biocomputers". Cette technologie, surnommée "wetware", vise à créer des serveurs vivants bien moins énergivores que les systèmes actuels, ouvrant la voie à une nouvelle ère de l'informatique et de la recherche médicale.

Le concept peut sembler déroutant, mais il repose sur une ambition claire : utiliser des cellules vivantes comme unité de calcul pour pallier les limites du silicium, alors que l'industrie arrive aux fontières physiques de la matière.

Au cœur de cette approche se trouve la biocomputation, une discipline émergente qui promet de créer des centres de données vivants capables d'apprendre comme une intelligence artificielle, tout en consommant une fraction de l'énergie. Le laboratoire suisse FinalSpark, dirigé par le Dr Fred Jordan, est l'un des pionniers de ce domaine.

Qu'est-ce que le "wetware" ?

Oubliez le hardware et le software. Le nouveau terme à la mode est le "wetware", ou "matériel humide". Il désigne ces systèmes informatiques composés de matière biologique.

Le processus débute avec des cellules souches humaines, souvent dérivées de la peau, qui sont ensuite cultivées pour former de minuscules amas sphériques : les organoïdes.

Ces petites sphères blanches, qui ne sont en rien des cerveaux conscients, contiennent des neurones vivants, les briques fondamentales de notre propre système nerveux. Connectés à des électrodes, ils peuvent recevoir et émettre des signaux électriques, jetant les bases d'un ordinateur d'un genre nouveau.

Un défi de survie pour des ordinateurs vivants

Si un ordinateur classique n'a besoin que d'une prise de courant, maintenir un biocomputer en vie est une tout autre affaire. Le principal défi, comme le souligne Simon Schultz, professeur à l'Imperial College de Londres, est l'absence de vaisseaux sanguins dans ces cultures.

Sans un apport constant en nutriments, les organoïdes ne peuvent survivre longtemps. Malgré cet obstacle, FinalSpark a réalisé des progrès notables, parvenant à maintenir ses mini-cerveaux en vie jusqu'à quatre mois.

La fin de leur existence réserve parfois des observations troublantes, avec des pics d'activité intenses juste avant la mort, un phénomène qui rappelle ce qui est parfois observé chez l'humain.

Des applications concrètes au-delà de l'expérimentation

FinalSpark n'est pas seul sur ce terrain. En Australie, la start-up Cortical Labs a fait la une en parvenant à faire jouer ses neurones au jeu vidéo Pong. Aux États-Unis, l'université Johns Hopkins utilise des mini-cerveaux pour modéliser et étudier des maladies neurologiques comme Alzheimer ou l'autisme.

Pour les chercheurs, le but n'est pas de remplacer l'informatique à base de silicium, mais de la compléter. Le wetware pourrait trouver sa niche dans des tâches spécifiques tout en accélérant la recherche médicale et en réduisant le recours aux tests sur les animaux.