L'orbite basse est devenue une véritable décharge. Des millions de débris, des satellites morts aux simples éclats de peinture, filent à plus de 28 000 km/h au-dessus de nos têtes. Dans ce champ de mines spatial, la plupart des nations font des efforts pour limiter la pollution, en désorbitant leurs étages de fusées usagés. Toutes, sauf une. La Chine est devenue, et de loin, le principal contributeur à ce chaos orbital, une stratégie qui inquiète les experts et pourrait rendre certaines orbites tout simplement inutilisables.

Pourquoi la Chine est-elle pointée du doigt ?

Les chiffres sont sans appel. Ces deux dernières années, alors que le reste du monde s'efforce de respecter la règle des 25 ans (un débris doit se désorbiter en moins de 25 ans), la Chine a abandonné 21 des 26 plus gros débris dangereux mis en orbite. Depuis 2000, elle a accumulé plus de masse de fusées mortes en orbites longues que le reste du monde combiné. Cette tendance s'accélère avec le déploiement de ses méga-constellations Guowang et Thousand Sails, qui nécessiteront des centaines de lancements.

pollution spatiale debris

Les raisons sont à la fois techniques et économiques. Certaines de leurs fusées plus anciennes n'ont tout simplement pas la capacité de rallumer leur moteur pour une manœuvre de désorbitation. Pour les plus modernes, conserver du carburant pour cette manœuvre signifie emporter moins de satellites, un sacrifice commercial que Pékin ne semble pas disposé à faire systématiquement, bien qu'ils en aient la capacité, comme le prouvent les missions du lanceur Longue Marche 5.

Quel est le risque concret de cette pollution ?

Ce scénario catastrophe porte un nom : le Syndrome de Kessler. Théorisé par un scientifique de la NASA dans les années 70, il décrit une réaction en chaîne où une collision génère des milliers de nouveaux débris, qui à leur tour provoquent d'autres collisions, jusqu'à rendre une orbite entière impraticable. Nous n'y sommes pas encore, mais les signaux sont alarmants. Les satellites Starlink de SpaceX ont dû effectuer plus de 144 000 manœuvres d'évitement au premier semestre 2025, soit trois fois plus que les six mois précédents. C'est une alerte toutes les deux minutes. Selon les analystes de LeoLabs, nous serions déjà entrés dans les premières phases du syndrome sur certaines orbites critiques.

espace-debris

Une lueur d'espoir avec une coopération inédite ?

C'est dans ce contexte tendu qu'un événement inédit s'est produit : l'agence spatiale chinoise (CNSA) a contacté directement la NASA pour coordonner une manœuvre et éviter une collision. Un simple email, proposant "nous allons manœuvrer, ne bougez pas", mais qui marque une rupture historique. Jusqu'à présent, la communication était quasi inexistante, limitée par des restrictions légales américaines (l'amendement Wolf) et le manque de transparence de la part de la Chine.

Ce premier contact officiel, couplé à des échanges déjà existants entre des opérateurs de constellations chinois et des entreprises comme SpaceX ou OneWeb, suggère un changement de politique à Pékin. Face à une orbite de plus en plus saturée, la nécessité pragmatique de la coordination semble l'emporter sur le secret et la méfiance géopolitique.

Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que le Syndrome de Kessler ?

Le Syndrome de Kessler est un scénario théorique dans lequel la densité de débris spatiaux en orbite basse devient si élevée qu'une seule collision peut déclencher une cascade de collisions supplémentaires. Chaque impact crée une nuée de nouveaux débris, augmentant de manière exponentielle la probabilité de futurs impacts, jusqu'à rendre l'orbite totalement inutilisable pour des décennies, voire des siècles.

Pourquoi la Chine ne désorbite-t-elle pas tous ses étages de fusée ?

Plusieurs raisons expliquent cette pratique. D'une part, certains de leurs modèles de fusées plus anciens n'ont pas la capacité technique de rallumer leur moteur en orbite pour effectuer une manœuvre de descente contrôlée. D'autre part, même pour les fusées modernes, conserver une réserve de carburant pour la désorbitation réduit la masse de la charge utile (le nombre de satellites) qu'elles peuvent emporter. C'est un arbitrage économique : plus de satellites par lancement contre une orbite plus propre.

Les autres pays ne polluent-ils plus du tout l'espace ?

Si, mais dans une bien moindre mesure en ce qui concerne les nouveaux débris de grande taille. La plupart des agences spatiales et des entreprises occidentales (comme SpaceX) respectent désormais la "règle des 25 ans", qui impose de désorbiter leurs étages de fusée et leurs satellites en fin de vie en moins de 25 ans. La Chine est aujourd'hui le seul acteur majeur à continuer d'abandonner systématiquement en orbite des objets de plusieurs tonnes qui y resteront pour des décennies.