Un projet secret mené par Huawei aurait permis à la Chine de développer un prototype fonctionnel de machine de lithographie EUV. Construit grâce à la rétro-ingénierie d'équipements ASML et l'aide d'anciens employés, ce Projet Manhattan technologique, comme le décrit l'agence Reuters pour en souligner l'importance stratégique, pourrait permettre à Pékin d'atteindre l'autonomie en matière de puces avancées bien plus tôt que prévu, bousculant l'équilibre géopolitique.
L'information, si elle se confirme, marque un tournant majeur dans la guerre technologique que se livrent Washington et Pékin. Depuis des années, les États-Unis et leurs alliés s'efforcent de bloquer l'accès de la Chine aux équipements de pointe, notamment ceux du géant néerlandais ASML, seul maître de la technologie EUV.
Cette stratégie visait à maintenir la Chine à une ou plusieurs générations de retard dans la course aux semi-conducteurs.
Un « Projet Manhattan » orchestré par Huawei
Au cœur de cette percée se trouve un consortium dirigé par le géant des télécoms Huawei. Le projet aurait mobilisé des milliers d'ingénieurs dans le plus grand secret.
Pour y parvenir, les équipes auraient procédé à une rétro-ingénierie minutieuse d'une machine ASML plus ancienne, avec pour objectif clair de se libérer totalement des chaînes d'approvisionnement occidentales.
La lithographie EUV d'ASML
Le recrutement d'anciens employés, notamment des ingénieurs chinois ayant travaillé pour ASML aux Pays-Bas, a été un facteur décisif. Ces experts, dotés d'une connaissance intime des systèmes, ont permis d'accélérer considérablement le processus. Le projet est si sensible que les participants travailleraient sous de fausses identités pour garantir une confidentialité maximale.
Les défis techniques et la course contre la montre
Le prototype, achevé début 2025, serait déjà opérationnel et capable de générer la lumière ultraviolette extrême nécessaire au processus. Cependant, il ne produit pas encore de puces fonctionnelles.
Le principal obstacle reste la maîtrise des systèmes optiques d'une précision extrême, un domaine où des entreprises comme la firme allemande Carl Zeiss excellent. La machine chinoise serait d'ailleurs bien plus volumineuse que les modèles d'ASML, une concession faite pour en augmenter la puissance.
Pour contourner les embargos, la Chine s'appuie sur des réseaux complexes d'intermédiaires pour se procurer des composants sur le marché de l'occasion. Des pièces issues d'anciens équipements ASML, mais aussi de fournisseurs comme Nikon ou Canon, seraient utilisées.
L'objectif officiel du gouvernement est de produire des puces commercialisables avec cette machine d'ici 2028, bien que des sources internes jugent un horizon 2030 plus réaliste.
Quelles conséquences pour l'équilibre mondial ?
Si la Chine parvient à ses fins, même en 2030, elle devancerait de plusieurs années les prévisions les plus optimistes des analystes occidentaux, qui tablaient sur une décennie de retard.
Christophe Fouquet, le PDG d'ASML, estimait encore récemment que la Chine aurait besoin de « très, très nombreuses années » pour maîtriser cette technologie. Cette avancée met en lumière les limites de la stratégie d'endiguement technologique menée par les États-Unis.
L'enjeu est colossal. La maîtrise de la lithographie EUV est la clé non seulement pour les smartphones et l'intelligence artificielle, mais aussi pour les applications militaires de pointe.
En atteignant l'autosuffisance, la Chine ne se contenterait pas de sécuriser ses propres besoins ; elle pourrait redéfinir les rapports de force technologiques et géopolitiques pour les décennies à venir, laissant en suspens la question de l'efficacité future des sanctions.
Il reste qu'à défaut des optimisations nécessaires, la production avec ce type de machine sera vraisemblablement onéreuse et à faible rendement, bien loin des critères économiques des équipements occidentaux.
Mais l'essentiel est ailleurs. Pour la Chine, c'est un moyen de ne pas rester bloqué à un noeud de gravure imposé par les Etats-Unis et de poursuivre sa quête d'indépendance technologique.