Que l’on cherche à retrouver l’élan d’une relation stable, à élargir ses horizons ou à rencontrer une femme âgée, les plateformes en ligne se présentent comme des intermédiaires efficaces. Mais cette accessibilité accrue soulève un autre enjeu majeur : la protection des données personnelles dans un environnement où l’intimité devient une donnée exploitable.
Une collecte massive de données personnelles
Créer un compte sur une app de rencontre, c’est accepter de céder beaucoup d’informations : s’inscrire sur une application de rencontre, c’est fournir un volume important d’informations personnelles. Ce processus paraît anodin, il s’effectue souvent en moins de deux minutes, mais il engage l’utilisateur bien au-delà de la simple création d’un profil. Voici quelques exemples de données fréquemment recueillies lors de l’inscription ou de l’utilisation :
- Données d’identité : nom, prénom, date de naissance, genre
- Informations visuelles : photos de profil, parfois vidéos ou stories
- Données sensibles : orientation sexuelle, croyances religieuses, opinions politiques, statut sérologique ou vaccinal
- Comportements et préférences : profils consultés, type de personnes likées, fréquence d’utilisation, durée des sessions
- Géolocalisation : position précise ou relative, historique des lieux visités
- Informations techniques : adresse IP, modèle de téléphone, système d’exploitation, identifiants publicitaires
Ces données sont utilisées pour affiner les suggestions, nourrir les algorithmes de compatibilité, et personnaliser les interfaces. Mais elles servent aussi d’actifs commerciaux. Plusieurs rapports ont montré que des plateformes populaires transmettaient des informations à des tiers à des fins publicitaires, souvent sans consentement clair ni contrôle réel de l’utilisateur.
Le RGPD encadre strictement l’usage de ces données en Europe, imposant notamment la transparence, le droit à l’oubli et le recueil explicite du consentement. Pourtant, dans les faits, de nombreuses applications exploitent des failles juridiques ou déplacent leurs serveurs hors d’Europe pour échapper à certaines obligations. Résultat : même après avoir supprimé un compte, il n’est pas rare que les données restent accessibles, voire revendues à des intermédiaires peu identifiables.
Géolocalisation
La fonction de géolocalisation est souvent activée par défaut. Elle permet d’afficher des profils proches, ce qui semble logique dans le cadre d’une rencontre locale. Toutefois, elle constitue aussi un risque : en croisant les informations, un individu malintentionné peut reconstituer votre emplacement précis.
Certains chercheurs en cybersécurité ont démontré qu’il était possible, à partir de simples déplacements sur une carte ou de calculs de distances affichées, de retrouver l’adresse exacte d’un utilisateur. Ce type de vulnérabilité a déjà été documenté chez plusieurs applications, y compris des services majeurs qui comptent des millions d’abonnés.
Risques liés à l’authentification et à l’identité
Certaines plateformes permettent de se connecter via des comptes Facebook, Google ou Apple. Ce mécanisme, censé simplifier l’inscription, facilite en réalité la transmission de données entre services. En reliant votre profil de rencontre à d’autres plateformes, vous ouvrez la porte à des recoupements d’informations : centres d’intérêt, contacts, événements fréquentés.
À cela s’ajoute la question des faux profils. Des bots, des escrocs ou des individus cherchant à extorquer des informations personnelles utilisent régulièrement ces apps. Les usurpations d’identité y sont fréquentes. Une vigilance de chaque instant est nécessaire pour repérer les signaux faibles : demandes d'argent, incohérences, transferts vers d'autres canaux (comme WhatsApp ou Telegram) trop rapides.
Précautions à adopter
1. Ne pas partager trop d’informations
Les détails, comme votre adresse, votre lieu de travail exact, ou vos habitudes (horaires, trajets quotidiens) ne doivent jamais apparaître dans votre profil ou dans les premières conversations. Limiter ce que vous exposez, même indirectement, réduit considérablement les risques.
2. Désactiver la géolocalisation précise
Certaines apps proposent des réglages pour flouter votre position ou simplement afficher une ville plutôt qu’un point GPS précis. Il est conseillé de toujours désactiver la géolocalisation en temps réel, surtout en phase de découverte.
3. Éviter les connexions via d’autres comptes
Créer un compte avec une adresse email dédiée permet de mieux compartimenter ses identités numériques. Utiliser un mot de passe fort et, si possible, l’authentification à deux facteurs (2FA), ajoute une couche de sécurité.
4. Se méfier des échanges rapides hors de l’application
Les escrocs essaient souvent de déplacer la conversation vers des canaux plus difficiles à tracer. Il vaut mieux rester sur l’app tant que l'identité de l'autre n’est pas vérifiable. Si une personne insiste pour obtenir votre numéro ou vous redirige vers un lien externe, interrompez l’échange.
5. Lire les conditions d’utilisation, même en diagonale
Cela peut paraître fastidieux, mais un simple passage dans la section "politique de confidentialité" permet souvent de comprendre ce que l’application fait des données. Certaines indiquent explicitement qu’elles les partagent à des tiers ou qu’elles conservent les messages échangés, même supprimés.
6. Vérifier les autorisations de l’application dans les réglages du téléphone
Sur Android comme sur iOS, il est possible de contrôler ce que chaque application peut faire : accès à l’appareil photo, au micro, à la localisation ou aux contacts. Limiter ces autorisations empêche les apps d'extraire plus d’informations que nécessaire.
7. Utiliser un VPN lors des connexions sur réseaux publics
Lorsque vous utilisez l’application sur un Wi-Fi ouvert (cafés, hôtels, gares), un VPN empêche l’interception de vos données. C’est une protection simple contre l’écoute réseau ou les tentatives de piratage locales.
Ce que peuvent faire les apps… mais ne font pas toujours
Peu d’applications intègrent des outils de contrôle avancés. Certaines permettent de signaler un profil ou de masquer sa présence, mais ces options sont souvent enterrées dans les paramètres. Très peu offrent un vrai tableau de bord de gestion des données, à l’image de ce que font certaines banques ou plateformes professionnelles.
Les utilisateurs devraient pouvoir supprimer complètement leurs informations, choisir précisément les données partagées, et connaître l’historique de leurs activités. Mais la réalité reste loin de cet idéal.
En résumé
Utiliser une application de rencontre n’est pas une démarche anodine. Cela implique une exposition volontaire dans un espace numérique parfois peu sécurisé. Protéger sa vie privée ne consiste pas à se couper des autres, mais à maîtriser ce qu’on montre, à qui, et à quel moment. Les services de rencontre numérique peuvent être efficaces, à condition de savoir poser des limites claires, dès le départ.