C'est le cabinet d'experts britannique Large & Associates, mandaté par l'ONG Greenpeace qui dresse un bilan alarmiste des récents survols des centrales nucléaires françaises par des drones civils.

drone campus floride   Le rapport remis ce lundi à Manuel Valls, Ségolène Royal ainsi qu'aux autorités de sureté nucléaire met ainsi en avant des "vulnérabilités".

Le contenu du rapport est en grande majorité classé secret, mais John Large, l'expert britannique en charge de l'étude a partagé quelques points abordés avec le Nouvel Obs. Il fait ainsi " état de l'extrême fragilité des centrales françaises face à la menace terroriste", et pour cause, la plupart des installations datent des années 60 ou 70, une période à laquelle " la menace terroriste n'était pas prise en compte".

En outre, les protocoles de sécurité ne se seraient pas adaptés aux nouvelles technologies. Jusqu'ici, les centrales focalisaient leur attention sur les petits avions privés qui pouvaient entrer dans la "bulle" de confidentialité des sites, sans se préoccuper de la multiplication des drones dans cet espace aérien réservé.

Pour l'expert, l'absence de riposte de l'État français et des autorités est une erreur. Le gouvernement aurait ainsi largement minimisé les risques de ces survols, stipulant qu'ils n'étaient sans doute pas liés à une quelconque prévision d'attaque terroriste, et que les survols, même s'ils étaient condamnables, relevaient de la simple curiosité.

Une façon pour les autorités de rassurer les Français, mais aussi d'avouer indirectement l'impuissance du gouvernement à canaliser ces actes ainsi qu'à retrouver les auteurs des survols. L'expert va jusqu'à susciter les inquiétudes : " Tout cela a un parfum d'accident de Tchernobyl, dont, souvenez-vous, les retombées radioactives s'étaient arrêtées à la frontière."

Il faut dire que lorsqu'il s'agit de nucléaire, les autorités optent systématiquement pour la langue de bois. Ainsi, Ségolène Royal déclarait au début du mois de novembre que " le survol des centrales, même s'il est interdit, ne fait peser aucun risque sur ces centrales qui sont construites pour résister à des secousses sismiques et même aux chutes d'avion sur une centrale."

Alors quel moyen technique efficace peut être mis en place ? Le brouillage des fréquences utilisées par les pilotes pour contrôler les drones parait peu probable. Non seulement, certains drones disposent d'un mode de programmation par GPS qui leur permet d'effectuer une ronde seuls, avant de revenir à leur point de départ, mais " on a réalisé que ces brouillages perturbaient certaines composantes de nos centrales, qu'il n'était pas prudent de les prolonger !". Équiper les sites nucléaires de mesures antiaériennes parait également peu probable : entre aveu de faiblesse et couts d'équipement titanesques, la mesure devrait être difficilement acceptée par le grand public.

Toujours sur un ton alarmiste, l'expert évoque des risques bien réels et évoque des scénarios types. Des drones pourraient ainsi effectuer des repérages et une action ciblée sur les pompes d'alimentation entrainer la privation de la centrale d'une source d'eau froide, utilisée pour refroidir les réacteurs. Sans eau pour refroidir le processus, la fusion du réacteur est possible, rendant la situation incontrôlable et amenant jusqu'à l'incident nucléaire.

Depuis le mois de novembre, la gendarmerie particulièrement active autour des sites nucléaires a désormais le droit de tirer à vue sur les drones qui entreraient dans l'espace aérien protégé.

Après un bilan public alarmiste de la situation, reste à savoir quels autres points sont abordés de façon secrète dans le rapport communiqué au gouvernement. Les déclarations de John Large pourraient avoir été édulcorées face à une réalité encore bien plus inquiétante. Gardons toutefois en tête qu'à l'origine, c'est Greenpeace qui a mandaté l'étude, l'ONG se revendiquant depuis des années contre le nucléaire, le choix du cabinet n'a sans doute pas été laissé au hasard, et le timing parait idéal pour faire passer le message... De là à sous-entendre que les survols ont été réalisés au titre d'une campagne-choc antinucléaire, il n'y a qu'un pas.

Source : Nouvel Obs