Un engin gris, massif, profilé comme un avion mais naviguant à quelques mètres de la surface de l’eau : le Bohai Sea Monster ne ressemble à rien de connu dans les arsenaux modernes.

Ce nouvel ekranoplan chinois, aperçu pour la première fois sur la mer de Bohai, intrigue et fascine les experts militaires du monde entier. Avec ses quatre moteurs à réaction montés haut sur les ailes, sa carlingue de bateau volant et son camouflage militaire, il incarne la fusion parfaite entre avion, navire et aéroglisseur.

La Chine, qui investit déjà massivement dans l’aviation amphibie avec l’AG600, semble déterminée à s’imposer comme pionnière du transport maritime de nouvelle génération. Mais pourquoi ressusciter une technologie soviétique oubliée depuis la guerre froide ? 

Un monstre marin entre avion et navire : l’ekranoplan réinventé

L’ekranoplan, ou véhicule à effet de sol, surfe sur un coussin d’air entre ses ailes et la mer, lui permettant de filer à basse altitude, hors de portée des radars classiques.

Le Bohai Sea Monster pousse le concept à l’extrême : quatre moteurs à réaction, une queue en T avec deux dérives, des flotteurs d’extrémité, et une soute latérale pour le fret ou les troupes.

Ekranoplan Bohai Sea Monster à l'essai en Chine
(credit : @Hurin92)

Ce n’est ni un bateau, ni un avion, ni un simple aéroglisseur, mais un hybride pensé pour la rapidité, la furtivité et la polyvalence. Son camouflage gris et ses lignes imposantes laissent peu de doute : Pékin vise avant tout un usage militaire, notamment pour des missions amphibies, du transport de troupes ou de matériel, voire la récupération d’équipages en mer.

Pourquoi la Chine mise-t-elle sur l’effet de sol ?

L’intérêt pour l’ekranoplan ne date pas d’hier : dans les années 1960-80, l’URSS faisait déjà trembler l’OTAN avec ses monstres volants comme le Caspian Sea Monster. Mais après la chute du bloc soviétique, la technologie est tombée dans l’oubli… jusqu’à aujourd’hui.

La Chine relance le concept pour répondre à ses besoins stratégiques : traverser rapidement le détroit de Taïwan, ravitailler ses garnisons sur les îles disputées de la mer de Chine méridionale, ou contourner les blocus maritimes.

Grâce à sa vitesse et sa capacité à voler sous les radars, l’ekranoplan pourrait révolutionner la logistique militaire et donner à Pékin un avantage décisif dans les opérations « gris » ou conventionnelles. Certains analystes voient déjà dans le Bohai Sea Monster le chaînon manquant entre l’hélicoptère lourd et le navire de débarquement.

Un défi technologique… et stratégique

Si le Bohai Sea Monster attire autant l’attention, c’est aussi parce qu’il marque la plus grande avancée mondiale dans le domaine depuis la fin de la guerre froide. La Chine n’a pas seulement copié les anciens modèles soviétiques : elle a recruté des ingénieurs russes, modernisé les matériaux (composites, structures allégées), et adapté la motorisation.

Les images révèlent un appareil abouti, prêt pour des essais grandeur nature. Pourtant, la technologie n’est pas sans limites : l’ekranoplan reste tributaire des conditions de mer (vagues inférieures à 1,25 m), et son efficacité dépendra de l’environnement opérationnel. Mais dans les eaux calmes du littoral chinois, il pourrait bien devenir l’atout surprise de la marine de l’Armée populaire de libération.

Il pourrait être utilisé pour du transport rapide de troupes et de matériels sur de longues distances sans dépendre de ports ou de pistes d'atterrisage. La colonisation des îles disputées aux Philippines et d'autres pays en Mer de Chine pourrait s'en trouver accélérée.

Concept d'Ekranoplan Liberty Lifter américain évoluant juste au-dessus de l'eau

Un tel engin pourrait aussi facilement contourner les défenses navales classiques et jouer de sa furtivité et de sa vitesse pour surprendre les forces adverses sans leur laisser le temps de réagit.

Autant de raisons qui expliquent pourquoi la Chine accélère sur ce terrain, alors que les États-Unis planchent eux aussi sur leur propre projet d’ekranoplan « Liberty Lifter ». La course à la suprématie maritime ne fait que commencer.

Vers une nouvelle ère pour la guerre navale ?

Le Bohai Sea Monster pourrait bien changer la donne dans la région Asie-Pacifique. En combinant la rapidité d’un avion, la capacité d’emport d’un navire et la discrétion d’un aéroglisseur,

il offre à la Chine une flexibilité inédite pour ses ambitions maritimes. Les experts s’attendent à voir émerger d’autres modèles, toujours plus grands et sophistiqués. Reste à savoir si cette technologie s’imposera face aux défis logistiques, techniques et… météorologiques.