Un cap historique a été franchi : en mai et juin 2025, l’énergie solaire s’est hissée au sommet du mix électrique européen, s'imposant comme la première source d’électricité du continent devant le gaz, le nucléaire et le charbon.
Ce tournant, encore inédit il y a quelques années, marque une bascule dans la transition énergétique qui ne relève plus du discours futuriste, mais bien du présent concret chiffré.
Une progression spectaculaire du solaire dans le mix européen
Selon les dernières données collectées à l’échelle européenne, le solaire a produit à lui seul 22,1% de l’électricité consommée en Europe, devant le nucléaire (21,8%) et l'éolien (15,8%).
Le soleil particulièrement présent au printemps, combiné à la hausse annuelle des capacités installées, expliquent cet élan. L’Europe bénéficie depuis plusieurs années d’une montée en puissance continue de ses parcs photovoltaïques, avec une accélération nette en 2023 et 2024.
"C’est la première fois dans l’histoire de l’UE que le solaire occupe la première place du mix électrique", souligne le centre de réflexion spécialisé Ember. Ce rare alignement entre conditions climatiques et investissements sectoriels traduit une bascule symbolique mais aussi stratégique.
À noter : 13 pays de l’Union européenne ont vu leur part de solaire atteindre des niveaux records de production ce printemps, dont la France, l'Allemagne, l’Espagne, la Belgique et l'Irlande, entre densification des infrastructures et ensoleillement généreux.
Pourquoi le solaire prend (enfin) l’avantage
Le bond enregistré par le solaire européen ne relève pas du hasard — il est largement le fruit d’une politique énergétique volontariste. Depuis 2022, les investissements dans les énergies renouvelables se sont accélérés au sein de l’Union, avec une priorité forte donnée au photovoltaïque, considéré comme plus rapide à déployer que l’éolien terrestre ou offshore.
En parallèle, la baisse continue des coûts des panneaux solaires, technologiques comme industriels, a permis aux États membres d'étendre leurs capacités de production sans exploser les budgets publics. Résultat : de vastes fermes solaires apparaissent désormais dans des zones jusque-là peu exploitées, comme l'Europe de l'Est ou le centre de la France.
Cette évolution s'appuie aussi sur un contexte favorable : les tensions sur le gaz russe depuis 2022 ont renforcé l’attrait pour les énergies locales et non carbonées. C’est une des raisons pour lesquelles de plus en plus de pays accélèrent la décarbonation de leur mix, à l’image des Pays-Bas ou du Portugal. Par ricochet, le solaire devient un levier central pour garantir autonomie et stabilité du réseau.
Évidemment, cela ne signifie pas que le solaire peut déjà tout faire. Il reste intermittent : la production varie fortement selon l’ensoleillement et les saisons et l'énorme coupure du réseau électrique en Espagne et au Portugal au mois de juin rappelle le besoin de résilience du réseau pour faire face aux variations d'approvisionnement.
Mais son rôle devient suffisamment structurant pour impacter les équilibres globaux. Une dynamique qui n’était pas encore d’actualité il y a quelques années mais qui doit déjà composer avec le regain d'intérêt pour le nucléaire, aux premières loges pour approvisionner les datacenters IA avec une énergie continue et bas carbone.
Un changement qui pose aussi de nouveaux défis
Ce basculement vers le solaire comme source n°1 d’électricité ne signifie pas que le travail est terminé — loin de là. Cette position reste ponctuelle et fortement saisonnière. La vraie question est de savoir si la tendance pourra se prolonger sur l’année complète, ou même sur l’hiver, où le solaire produit moins de 5 % du courant européen.
Autre enjeu majeur : l’adaptation des réseaux électriques. Car produire beaucoup de solaire, c’est aussi devoir absorber des pointes de production — comme à midi — et des creux — tôt le matin ou en soirée. Cela suppose des systèmes de stockage renforcés et des réseaux bien plus flexibles qu’aujourd’hui.
De plus, des disparités régionales importantes subsistent. Certains pays comme la Pologne ou la Hongrie restent encore très centrés sur le charbon et n’affichent pas les mêmes performances que l’Espagne ou l’Italie côté solaire. Ce déséquilibre peut créer des tensions dans la gestion du marché intérieur de l’énergie.
Enfin, ce pic de production, bien que réjouissant, ne règle pas certaines faiblesses structurelles. Le solaire seul ne suffit pas à couvrir toutes les situations. Il vient compléter un mix qui conserver encore du nucléaire, de l’éolien et, pour un temps, d’un peu de gaz. Bref, ce record est un jalon, mais pas encore une ligne d’arrivée.
Et maintenant, cap sur l'été (et après)
Les mois d'été qui arrivent pourraient voir le record du printemps être dépassé, notamment si le soleil continue d’être au rendez-vous. Dans le même temps, la production d'électricité en éolien a connu de nouveaux records sur le mois de juin après un début d'année faible. Il reste à voir si le vent sera toujours de la partie.
Et tandis que les énergies renouvelables sont à la fête, les énergies fossiles reculent mais restent à des niveaux élevés. Pour le charbon, par exemple, c'est principalement dû au fait que des centrales thermiques ont dû compenser la faiblesse de la production éolienne et hydroélectrique en début d'année.
Le cabinet Ember note ainsi que les énergies fossiles ont généré 13% d'électricité en plus au premier semestre 2025 par rapport à la même période un an auparavant, toujours dans cette optique de compensation de certaines énergies renouvelables en défaut de production.
Globalement, la production d'électricité est en hausse de 2,2% en Europe, soit 1,313 TWh consommés, avec cinq des six premiers mois de l'année en hausse par rapport à 2024.