La révélation de l'expérience menée par Facebook sur certains des utilisateurs de son réseau social en vue d'évaluer leur réactivité émotionnelle a suscité la polémique dans la mesure où ces derniers n'ont pas été informés de leur rôle dans cette expérience.
Si Facebook s'est excusé pour l'aspect communication de cette petite expérience, la nature même du procédé n'est pas du tout remise en question, suggérant que le réseau social n'a pas l'intention de modifier autre chose que sa communication de crise.
Or, le Wall Street Journal évoque l'existence d'une division Data Science Lab au sein de Facebook qui s'est régulièrement adonnée à ce type d'expérimentation sur les utilisateurs de son réseau social sans demander leur consentement préalable.
Accepter les CGU revient à devenir cobaye
La division se composerait d'une quarantaine de chercheurs qui explorent les interactions entre utilisateurs et avec les quantité de données qu'ils introduisent chaque jour via leur compte. Et là où ce type d'expérience est censé nécessiter l'autorisation des "cobayes", Facebook se retrancherait derrière l'accord obligatoire des CGU à la création du compte pour considérer qu'ils sont de facto d'accord.
Il est en effet stipulé dans les conditions générales que Facebook peut utiliser les données de ses utilisateurs pour améliorer ses produits et services...et désormais à des fins de recherche. L'adage "si c'est gratuit, vous êtes le produit" n'a jamais été aussi pertinent.
Le Wall Street Journal pointe un autre élément problématique dans le fonctionnement du Data Science Lab : ce dernier mène ses expérimentations psychologiques quasiment sans contrôle. N'importe qui au sein de la division pouvait lancer une expérimentation sans supervision, rapporte un scientifique ayant travaillé pour Facebook en 2012-2013.
Ces expériences portent essentiellement sur des manipulations du comportement des utilisateurs et elles seraient si fréquentes que certains membres de l'équipe se seraient inquiétés voir certains cobayes être exploités dans plusieurs expériences simultanées, au risque de fausser les résultats.
Comme toujours dans ces cas, Facebook affirme avoir resserré le cadre du fonctionnement de son Data Science Lab et il affirme que les expérimentations hors routine sont soumises depuis le début de l'année à un panel d'experts.
Jusqu'où aller au nom de la science ?
Il n'empêche que la division a mené depuis 2007 des centaines d'expériences de manipulation des utilisateurs afin de rassembler des données sur leur comportement en fonction de certain stimuli, notamment pour évaluer la diffusion d'informations au sein du réseau social. Ce suivi est allé jusqu'à observer comment des messages politiques ont transité et touché le public sur le réseau social lors des élections américaines de 2010.
La plupart des membres du Data Science Lab sont d'éminents chercheurs dans de nombreux domaines allant de la psychologie au traitement des données qui trouvent là une source quasiment inépuisable d'informations et un terrain de recherche passionnant. Les observations découlant des expérimentations servent à l'occasion à publier des articles dans des revues scientifiques.
Il reste que les considérations éthiques ont été un peu la cinquième roue du carrosse, ce dont certains chercheurs se sont inquiétés. A juste titre.