Depuis plusieurs décennies, la fusion nucléaire représente le rêve absolu d’une énergie quasi inépuisable et propre. Pourtant, sa concrétisation industrielle se heurte à des obstacles techniques majeurs.
Aujourd’hui, une nouvelle approche baptisée FLARE (Fusion via Low-power Assembly and Rapid Excitation) ouvre une piste différente des techniques par plasma ultrachaud ou par laser qui dans les deux cas, demandent une importante source d'énergie de départ.
Proposée par l'entreprise britannique First Light Fusion, cette technologie prétend rebattre les cartes et rendre la fusion commercialement viable en permettant la production de beaucoup plus d'énergie qu'elle n'en consommerait.
Le concept FLARE : Une rupture avec les modèles traditionnels
La méthode FLARE s’affranchit du schéma inertiel classique, qui vise une compression et un chauffage simultanés du carburant pour atteindre l’allumage. Ici, ces deux étapes sont dissociées : d’abord une compression maîtrisée, puis une ignition distincte venant déclencher la réaction de fusion, générant un surplus d’énergie.
Cette technique, appelée "fast ignition", repose sur des années de recherche en inertiel et sur la technologie propriétaire d’amplification contrôlée de First Light Fusion.
Selon les spécialistes, ce découplage diminue les pertes et améliore la confinement du carburant, tandis que l’ajout d’une source auxiliaire, comme un laser à pulsations courtes ou un système à impulsion, assure l’allumage.
Le dispositif fait appel à des cibles cylindriques à "poussoir opaque" pour une compression rapide avec faible énergie d’entrée et utilise un réacteur à piscine de lithium fluide qui absorbe les neutrons, protège les parois, et facilite la production de tritium.
La technologie FLARE bénéficie d’une reconnaissance scientifique. Le professeur Jeremy Chittenden, du Centre for Inertial Fusion Studies à l’Imperial College, note que l’adaptation sur des implosions cylindriques pourrait rendre la fusion accessible via une alimentation en basse tension beaucoup moins coûteuse que les systèmes lasers actuels.
Des gains énergétiques sans précédent, la clé de la viabilité
Le véritable enjeu repose sur la notion de gain énergétique : le rapport entre énergie récupérée et énergie injectée. Actuellement, le record mondial, réalisé au National Ignition Facility (NIF, États-Unis) en mai 2025, plafonne à 4.
Le gain énergétique de la fusion par laser du NIF, encore loin du seuil de rentabilité
First Light Fusion estime qu’il faudrait atteindre un rapport d'au moins 200 pour que la fusion devienne compétitive. Selon leurs simulations, la méthode FLARE peut tabler sur un gain de 1000 : un chiffre qui bouleverserait le marché...mais qui reste à prouver.
Cette performance projetée permettrait de diviser drastiquement les coûts de construction : un établissement expérimental reviendrait à un vingtième du coût du NIF.
De plus, le recours à des technologies existantes, des chaînes d’approvisionnement déjà opérationnelles et des systèmes plus simples (coûts réduits de dix fois par rapport aux précédents modèles fast ignition) ouvre la voie à une industrialisation rapide.
Accélération du déploiement : un secteur industriel inédit à l’horizon
First Light Fusion mise sur des partenariats commerciaux et la validation scientifique sur des infrastructures existantes pour franchir les étapes qui séparent le concept du démonstrateur.
Les gains projetés impliquent non seulement une réduction du coût initial mais aussi une nette simplification des processus réglementaires pour le déploiement des centrales de fusion.
L’entreprise parie sur un modèle ouvert : plutôt que de développer elle-même un réacteur, elle entend fournir sa technologie à des partenaires industriels et institutionnels.
L’optimisme affiché repose sur trois piliers complémentaires : l’ingénierie des cibles, la maîtrise de la puissance impulsionnelle et l’environnement de réaction en piscine de lithium.
Ensemble, ils dessinent une solution compatible avec l’intégration rapide et sécurisée sur des sites existants, ce qui devrait raccourcir les délais d’acceptation et de mise en œuvre.
Perspectives et enjeux : quelles conséquences pour le marché de l’énergie ?
L’avènement éventuel de la fusion nucléaire commerciale via FLARE transformerait certainement le paysage énergétique. L’énergie produite serait non seulement abordable, mais aussi décarbonée et quasi illimitée, une révolution susceptible d’émanciper de nombreux pays des carburants fossiles.
Toutefois, un ensemble de défis subsiste : il faut encore une validation expérimentale de chaque composant et être en mesure d'assurer un contrôle précis de la réaction de fusion en environnement industriel.
Les investissements attendus oscillent entre 100 et 200 millions de dollars pour le premier réacteur de démonstration espéré à l’horizon 2035, avec des évolutions possibles en fonction des collaborations nationales et internationales.