Face à la flambée des valorisations des entreprises de l'IA, la Banque d'Angleterre tire la sonnette d'alarme. Son comité de politique financière compare la situation à la bulle internet et prévient qu'une "correction brutale" des marchés est un risque croissant si les attentes démesurées autour de l'intelligence artificielle ne se concrétisent pas.
Depuis plusieurs mois, des centaines de milliards de dollars affluent pour bâtir l'infrastructure de l'intelligence artificielle de demain. Les accords se multiplient, comme ceux entre Nvidia, AMD et OpenAI, ou encore les annonces vertigineuses d'Oracle, propulsant les cours de bourse à des niveaux proches des sommets historiques. Cette euphorie a créé un paysage où les géants de la tech pèsent plus que jamais dans la balance.
Une concentration du marché qui rappelle de mauvais souvenirs
Le Comité de Politique Financière de la Banque d'Angleterre a officiellement mis en garde contre une situation de plus en plus précaire. Selon l'institution, les valorisations des entreprises axées sur l'intelligence artificielle apparaissent particulièrement "tendues". Le risque d'une correction brutale est d'autant plus grand que le marché est de plus en plus concentré.
Refroidissement en circuit fermé du datacenter Fairwater IA de Microsoft
Le constat est sans appel : les cinq plus grandes entreprises de l'indice américain S&P 500 représentent désormais près de 30 % de sa valeur totale. C'est une concentration record, supérieure à tout ce qui a été observé au cours des cinquante dernières années, y compris au pic de la bulle internet. Certains indicateurs, comme le ratio CAPE (Cyclically Adjusted Price-to-Earnings), atteignent des niveaux comparables à ceux de l'an 2000, juste avant l'éclatement.
Quels sont les facteurs de risque identifiés ?
Si les marchés financiers s'emballent, plusieurs grains de sable pourraient gripper la mécanique. La Banque d'Angleterre pointe plusieurs menaces concrètes qui pourraient pousser les investisseurs à réévaluer drastiquement leurs attentes. Le premier risque serait une déception quant aux progrès réels ou à l'adoption de l'IA par les entreprises, transformant l'engouement actuel en un simple feu de paille.
Un exemple récent venu d'Australie illustre bien ce décalage : le cabinet Deloitte a dû rembourser une partie d'un contrat gouvernemental après avoir admis avoir utilisé une IA générative pour produire un rapport truffé de fausses citations et de notes de bas de page fantômes. S'ajoutent à cela les goulots d'étranglement matériels, qu'il s'agisse de l'accès à l'énergie, aux données ou aux matières premières nécessaires à la fabrication des composants.
Bulle, extinction ou simple réajustement ?
Tous les analystes ne partagent pas la vision d'une bulle sur le point d'éclater. Le cabinet Gartner, par exemple, anticipe non pas une chute généralisée des investissements, mais un "événement d'extinction" parmi les créateurs de modèles d'IA.
Pour ses experts, le secteur ne va pas s'effondrer, mais plutôt se consolider. Les entreprises les moins solides ne feront pas faillite, mais seront absorbées par des concurrents plus grands via des fusions ou acquisitions.
Cette vision plus nuancée est toutefois contrebalancée par l'évolution du marché. Une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a récemment jeté un froid en montrant que 95 % des organisations n'obtenaient aucun retour sur leurs investissements dans l'IA générative.
Si cette tendance se confirme, le réveil pourrait être douloureux pour les acteurs technologiques dont les valorisations reposent entièrement sur des promesses de revenus futurs.
Dans ce contexte, un retrait soudain des investissements aurait des conséquences profondes. Selon le gestionnaire de fonds Ruchir Sharma, les dépenses liées à l'IA représentent déjà 40 % de la croissance du PIB américain cette année.
Un coup d'arrêt brutal ne se limiterait pas au secteur de la tech mais pourrait déstabiliser l'ensemble de l'économie mondiale, sur fond de tensions géopolitiques et de questionnements sur l'indépendance des banques centrales comme la Réserve fédérale américaine.