Alors que la France mise massivement sur l'intelligence artificielle pour son avenir économique, la facture énergétique de cette ambition pourrait s'avérer insoutenable. Dans un rapport publié ce 1er octobre, le think tank The Shift Project tire la sonnette d'alarme : la consommation électrique des data centers sur le territoire pourrait être multipliée par quatre d'ici 2035, pour atteindre 7,5 % de la demande nationale.
Une boulimie qui menace de créer un "conflit d'usage" sans précédent avec les autres secteurs de l'économie.
Pourquoi la consommation électrique des data centers explose-t-elle ?
La principale coupable de cette envolée énergétique est l'intelligence artificielle. L'entraînement et le fonctionnement des modèles d'IA sont extraordinairement gourmands en puissance de calcul, et donc en électricité. Cette tendance est exacerbée par la politique volontariste du gouvernement français, résumée par le "Plug, baby, plug" d'Emmanuel Macron, qui a annoncé 109 milliards d'euros d'investissements pour attirer les géants de la tech.
Le résultat est une multiplication des projets de data centers toujours plus colossaux, certains atteignant la puissance d'un réacteur nucléaire. Nous ne parlons plus de simples entrepôts de données, mais de véritables usines à calcul dont l'appétit semble sans limite.
Quel est le risque concret pour le réseau électrique français ?
Le rapport du Shift Project met en lumière un danger majeur : le "conflit d'usage". L'électricité qui sera nécessaire pour alimenter ces nouveaux data centers est la même que celle dont la France a désespérément besoin pour décarboner son économie. C'est l'électricité requise pour faire rouler les voitures électriques, remplacer les chaudières à gaz et électrifier les procédés industriels lourds.
En captant une part aussi massive de la production, les data centers pourraient tout simplement priver d'autres secteurs de l'énergie nécessaire à leur transition, ou obliger la France à revoir à la baisse ses ambitions climatiques.
Comment les autres pays européens gèrent-ils ce problème ?
Face à ce mur énergétique, d'autres pays ont déjà commencé à freiner. En Irlande, pionnière en Europe dans l'accueil de data centers, un moratoire sur les nouvelles implantations autour de Dublin a été décrété dès 2022, ces infrastructures représentant déjà 20 % de la consommation électrique nationale. Les Pays-Bas ont également gelé les autorisations près d'Amsterdam.
La France, à contre-courant, semble pour l'instant dérouler le tapis rouge sans conditions, une stratégie qui pourrait rapidement la confronter aux mêmes limites que ses voisins. Le Shift Project appelle donc à une politique d'implantation beaucoup plus raisonnée, pour éviter que la promesse de l'IA ne se transforme en cauchemar énergétique.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu'est-ce que le Shift Project ?
Le Shift Project est un think tank français qui œuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone. Reconnue pour son expertise sur les enjeux liant énergie et climat, l'association produit régulièrement des rapports et des analyses pour éclairer le débat public et influencer les politiques énergétiques.
Pourquoi l'intelligence artificielle consomme-t-elle autant d'électricité ?
L'entraînement d'un modèle d'IA comme ceux qui animent ChatGPT nécessite des calculs mathématiques extrêmement complexes, réalisés par des milliers de processeurs graphiques (GPU) fonctionnant simultanément pendant des jours ou des semaines. L'inférence, c'est-à-dire l'utilisation du modèle pour répondre à une requête, est également très énergivore. Cette consommation est démultipliée par les besoins en refroidissement des data centers qui abritent ces infrastructures.
La production d'électricité en France peut-elle suivre une telle augmentation de la demande ?
C'est tout l'enjeu. Augmenter la production électrique de manière décarbonée (via le nucléaire et les renouvelables) prend énormément de temps et coûte très cher. Si la demande des data centers explose plus vite que l'offre, la France pourrait se retrouver dans une situation de tension sur son réseau, voire être obligée de recourir à des centrales à gaz ou à charbon pour passer les pics, ce qui irait à l'encontre de ses objectifs climatiques.