L'enquête menée par le NTSB sur le naufrage du submersible Titan, qui a coûté la vie à cinq personnes lors d'une expédition vers l'épave du Titanic, a atteint son terme avec la publication d'un rapport cinglant.

Cette tragédie, qui a tenu le monde en haleine durant plusieurs jours avant la découverte des débris en juin 2023, trouve désormais une explication technique officielle.

L'organisme américain met directement en cause la conception même du vaisseau sous-marin opéré par OceanGate. Le rapport de 87 pages souligne que le processus d'ingénierie pour le Titan était "inadéquat", aboutissant à la construction d'un compartiment passager en composite de fibre de carbone qui présentait de "multiples anomalies".

La défaillance structurelle : un désastre annoncé

Le NTSB établit que cette ingénierie défaillante n'a pas permis au vaisseau d'atteindre les exigences minimales de force et de durabilité pour de telles plongées en grande profondeur.

Plus grave encore, le rapport révèle que le submersible a subi des dommages dès sa 80e plongée et à nouveau après la 82e, sans qu'OceanGate, l'opérateur basé dans l'État de Washington, n'en prenne la pleine mesure.

OceanGate Titan

La société n'aurait pas seulement manqué de tester adéquatement l'engin, elle aurait aussi mal interprété les données de surveillance en temps réel. Le système de surveillance était ainsi incapable de sonner l'alarme face à la détérioration progressive de la coque en fibre de carbone, qui a continué de se dégrader jusqu'à la défaillance catastrophique lors de la 88e et dernière immersion.

Les capteurs de détection de contrainte n'ont pas fonctionné comme prévu, laissant les équipes ignorer les signes précurseurs critiques. Cette analyse vient étayer un premier rapport accablant de l'US Coast Guard (USCG) publié plus tôt cette année, qui avait déjà qualifié l'incident de "prévisible".

L'USCG avait pointé du doigt les "procédures de sécurité fondamentalement défectueuses" d'OceanGate. En croisant les deux enquêtes, un portrait clair se dessine : celui d'une culture d'entreprise où les avertissements de sécurité étaient régulièrement ignorés, voire activement étouffés, notamment par le PDG et cofondateur, Stockton Rush, qui faisait partie des cinq victimes.

Des alertes ignorées et un PDG mis en cause

Le rapport de l'USCG, corroboré par les témoignages recueillis par le NTSB, mettait en lumière la responsabilité personnelle de Stockton Rush. Il aurait été maintes fois alerté sur les risques inhérents à la conception expérimentale du Titan, mais aurait délibérément écarté ces préoccupations, allant jusqu'à menacer de poursuites ou de licenciement ceux qui exprimaient des doutes sur la sécurité.

Titan submersible OceanGate accident

L'enquête révèle des "disparités flagrantes" entre les protocoles de sécurité théoriques de la compagnie et leur application pratique. Un ancien technicien a même raconté que face à la possibilité de réglementations de la Garde côtière, Rush aurait déclaré qu'il "achèterait un membre du Congrès" pour contourner le problème.

La conception du Titan, notamment l'utilisation d'un composite de fibre de carbone pour le corps principal du submersible, était considérée comme un choix risqué par de nombreux experts du secteur, qui lui préféraient les matériaux plus traditionnels comme le titane ou l'acier. 

Recommandations de sécurité : vers une nouvelle régulation ?

Au-delà de l'analyse des causes de l'implosion, le NTSB émet plusieurs recommandations visant à combler les lacunes réglementaires internationales. L'organisme de sécurité américaine a constaté que les normes actuelles, tant aux États-Unis qu'à l'international, étaient insuffisantes pour encadrer des opérations comme celles d'OceanGate.

Le rapport recommande notamment à l'US Coast Guard de former un panel d'experts pour étudier les opérations des "vaisseaux à pression occupés par l'homme", c'est à direune catégorie incluant le Titan, et d'utiliser ces conclusions pour créer et appliquer de nouvelles réglementations américaines.

Ces recommandations visent à éviter que de tels drames ne se reproduisent, en imposant une supervision et des standards de conception et de maintenance bien plus stricts. L'objectif est également de diffuser ces nouvelles découvertes techniques auprès de l'ensemble de l'industrie, qui a vu une expansion des explorations financées par des fonds privés ces dernières années.

Les nouvelles réglementations pourraient ainsi avoir un impact majeur sur les expéditions sous-marines futures et la manière dont elles sont gérées.

Outre Stockton Rush, l'implosion a emporté l'explorateur français Paul-Henri Nargeolet, le millionnaire britannique Hamish Harding, l'homme d'affaires pakistanais Shahzada Dawood et son fils de 19 ans, Suleman.

OceanGate a définitivement cessé ses activités peu après la tragédie, une fermeture qui souligne la fin brutale de cette ère d'exploration sous-marine non conventionnelle. La question de l'encadrement des explorations privées en eaux profondes reste donc plus que jamais d'actualité.