Le télescope spatial James Webb a obtenu la vue infrarouge la plus nette jamais réalisée du jet de matière émanant du trou noir supermassif M87*. Cette observation inédite révèle de nouveaux détails sur sa structure, sa composition et met en lumière pour la première fois son insaisissable contre-jet, ouvrant une nouvelle fenêtre sur la physique des galaxies.
Située à environ 55 millions d'années-lumière, la galaxie elliptique géante M87 est une cible d'étude privilégiée pour les astronomes. Cataloguée pour la première fois au 18ème siècle par Charles Messier, elle abrite en son centre M87*, le premier trou noir supermassif à avoir été photographié directement en 2019. C'est ce colosse qui alimente un jet de matière colossal, un véritable laboratoire naturel pour étudier les phénomènes physiques les plus extrêmes de l'univers.
Une image infrarouge d'une précision inégalée
L'équipe menée par Jan Röder de l'Institut d'Astrophysique d'Andalousie a utilisé l'instrument NIRCam du JWST pour sonder le jet dans quatre bandes infrarouges. Le défi était de taille : isoler la faible lueur du jet de la lumière écrasante des étoiles et de la poussière de la galaxie.
Les détails ont été diffusés dans un article de la revue Astronomy & Astrophysics.
Grâce à un traitement méticuleux des données, soustrayant la lumière parasite, les chercheurs ont assemblé le portrait infrarouge le plus détaillé jamais obtenu. Ce travail a révélé que le jet brille par rayonnement synchrotron, une lumière émise par des particules chargées spiralant dans des champs magnétiques.
Le contre-jet enfin révélé
La grande nouveauté de cette observation est la détection claire du contre-jet, le jumeau du jet principal s'échappant dans la direction opposée. Ce dernier est extrêmement difficile à observer car il s'éloigne de nous à une vitesse proche de celle de la lumière.
Conformément à la théorie de la relativité d'Einstein, sa lumière nous apparaît donc beaucoup plus faible. Les images du JWST le montrent sous la forme de deux filaments reliés par un point chaud, à environ 6000 années-lumière du trou noir, confirmant les observations faites précédemment en ondes radio.
Décortiquer la structure du jet principal
Le télescope Webb a également permis de zoomer sur la structure complexe du jet principal. Près du noyau de la galaxie, il adopte une forme hélicoïdale. Des "nœuds" lumineux, comme la structure HST-1 nommée d'après le télescope Hubble qui l'a découverte, témoignent des zones où la matière est violemment accélérée.
L'image du JWST montre même que HST-1 est divisé en deux sous-structures distinctes, suggérant des chocs et une dynamique de particules complexes à proximité du trou noir. Ces motifs ne sont pas sans rappeler les structures en forme de diamant que l'on observe dans les gaz d'échappement des moteurs de fusée.
Ces nouvelles données fournissent une référence pour toutes les futures études des jets extragalactiques en infrarouge. En comprenant comment ces jets accélèrent la matière et la propagent dans l'espace intergalactique, les astronomes peuvent mieux modéliser l'influence des trous noirs supermassifs sur leur galaxie hôte, notamment sur la régulation de la formation d'étoiles.