La traque de la matière noire, cette composante énigmatique qui constituerait la majorité de la matière de l'univers, continue de fasciner les scientifiques. Des chercheurs de l'Université d'Amsterdam, affiliés à l'Institut de Physique et au centre d'excellence GRAPPA, ont publié dans la prestigieuse revue Physical Review Letters une étude ouvrant de nouvelles pistes.
S'écartant des explications s'appuyant sur le modèle newtonien, Ils y présentent un modèle entièrement relativiste capable de décrire avec une précision inédite comment la matière environnante, et plus particulièrement la matière noire, influence les signaux émis par la danse cosmique de deux trous noirs.
Des empreintes cosmiques au cœur des galaxies
Leur travail se concentre sur des systèmes binaires spécifiques, particulièrement prometteurs pour les observations futures. On les nomme EMRI, pour « Extreme Mass-Ratio Inspirals ».
Ces systèmes sont constitués d'un objet compact, comme un trou noir stellaire, orbitant très près d'un trou noir supermassif, des millions de fois plus lourd, typiquement situé au centre d'une galaxie. En se rapprochant inexorablement, le plus petit objet émet un signal continu et prolongé.
Cette émission prend la forme d'une empreinte cosmique unique, se déroulant sur des centaines de milliers de cycles orbitaux. En analysant la forme de ces ondes gravitationnelles, les scientifiques peuvent en déduire des informations capitales sur l'environnement immédiat du trou noir supermassif.
C'est là que l'enjeu de la détection de la matière noire prend tout son sens, car celle-ci est supposée s'accumuler massivement dans ces régions.
Au-delà de Newton : une approche entièrement relativiste
L'avancée majeure de cette nouvelle étude est de combler une lacune importante dans les modèles théoriques existants. Jusqu'à présent, la plupart des travaux se basaient sur des descriptions simplifiées, utilisant souvent des approximations newtoniennes de la gravité.
L'équipe d'Amsterdam propose le premier cadre d'analyse complet, entièrement fondé sur la théorie de la relativité générale d'Einstein, pour décrire ces interactions complexes.
Ce nouveau formalisme permet de calculer comment les concentrations denses de matière modifient l'orbite de l'objet compagnon et, par conséquent, laissent des signatures distinctives dans les ondes émises.
Les auteurs se sont particulièrement intéressés aux « pics » de matière noire qui pourraient se former autour des trous noirs massifs. Leurs calculs démontrent que de telles structures laisseraient des signatures mesurables dans les signaux qui seront un jour captés par de futurs détecteurs très performants.
LISA à l'horizon : préparer le terrain pour 2035
Cette recherche théorique pave ainsi la voie pour la future mission spatiale LISA (Laser Interferometer Space Antenna) de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), prévue pour 2035.
Cet observatoire spatial sera spécifiquement conçu pour détecter les ondes gravitationnelles de basse fréquence, comme celles émises par les EMRI. Sans des modèles prédictifs aussi précis que celui qui vient d'être développé, l'interprétation des données collectées par LISA serait un véritable casse-tête.
Il s'agit donc d'une étape fondamentale dans un programme de recherche à long terme. L'objectif final est d'utiliser l'astronomie gravitationnelle comme un outil inédit pour cartographier la distribution de la matière noire à l'échelle galactique.
Au-delà de la simple détection, ces futures observations pourraient enfin nous éclairer sur la nature fondamentale de cette mystérieuse composante de notre cosmos.