Depuis des décennies, Mercure intrigue les astronomes par ses caractéristiques uniques dans le système solaire. Avec son gigantesque noyau métallique représentant près de 85% de son rayon et sa croûte anormalement mince, cette petite planète brûlante défie les modèles classiques de formation planétaire. Une équipe internationale menée par Patrick Franco, astrophysicien à de l’Observatoire national du Brésil propose désormais un scénario inédit qui pourrait résoudre ces énigmes.

Une collision entre deux mondes primitifs

La théorie avancée repose sur une hypothèse audacieuse : Mercure serait le résultat d'une collision frontale entre deux protoplanètes de taille similaire à Mars, survenue il y a environ 4,5 milliards d'années. "Ce type d'impact extrême pourrait expliquer à la fois la petite taille actuelle de Mercure et la disproportion de son noyau", explique Patrick Franco.

Selon les simulations informatiques, cette collision cataclysmique aurait vaporisé une grande partie des manteaux rocheux des deux corps célestes, ne laissant principalement que leurs noyaux métalliques fusionnés. Les débris résiduels se seraient ensuite réaccrétés pour former la Mercure que nous connaissons aujourd'hui.

Une explication à la rareté du manteau

Ce scénario résoudrait plusieurs mystères persistants :

  • La proportion anormalement élevée de métal dans la composition de Mercure
  • L'extrême minceur de sa croûte planétaire
  • L'abondance de soufre et de carbone à sa surface

Les températures colossales générées par l'impact (jusqu'à 10 000 K) auraient vaporisé les éléments les plus volatils, ne laissant que les composés les plus denses.

Des liens avec les météorites aubrites

Cette théorie rejoint les travaux récents sur les météorites aubrites, qui pourraient être des fragments du manteau originel de Mercure éjectés lors de la collision. "La composition chimique des aubrites correspond étrangement à ce que nous pourrions attendre des couches externes de la jeune Mercure", note Camille Cartier, responsable du projet IMPAcToR.

Si cette hypothèse se confirme, ces météorites rares constitueraient donc des échantillons uniques de la planète avant sa transformation radicale. Une perspective excitante pour les planétologues qui pourraient ainsi étudier indirectement la composition initiale de Mercure.

Implications pour la formation des planètes

Ce modèle bouleverse notre compréhension de la genèse des planètes telluriques. Il suggère que les impacts géants ont joué un rôle bien plus important qu'imaginé dans la configuration finale du système solaire interne. Mercure ne serait donc pas une "anomalie", mais plutôt le témoin extrême de processus violents communs aux premières phases de formation planétaire.

Les prochaines missions spatiales vers Mercure, comme BepiColombo, pourraient apporter des données cruciales pour valider ou infirmer cette théorie révolutionnaire. En attendant, cette hypothèse relance le débat sur les origines tumultueuses de notre voisinage cosmique.