Puisque les espèces disparaissent à un rythme rapide, en partie du fait de l'action humaine, pourquoi ne pas les faire "renaître" grâce à la génétique ? C'est le pari de certaines startups, dont Colossal Biosciences est parmi les plus connues avec ses projets de "déextinction" du mammouth laineux, du dodo ou plus récemment du loup sinistre géant.
En réalité, ces variations recréées à partir d'ADN fossile et combiné à celui d'espèces plus récentes ne ressuscite pas les espèces disparues mais en recrée de nouvelles reprenant certaines caractéristiques initiales.
Il reste à démonstrer que ces espèces recréées pourront être viables en milieu naturel, voire si elles pourront recoloniser des écosystèmes et s'y insérer sans conséquences imprévues.
Ressusciter le moa : fantasme old school ou prouesse imminente ?
La prochaine créature a renaître de ses cendres -ou de ses brins d'ADN- pourrait être le moa géant, ou Dinornis robustus, un oiseau géant terrestre. Disparu sous l’effet de la chasse humaine, son retour en Nouvelle-Zélande n’a jamais semblé aussi proche.
L’idée paraît tout droit sortie d’un scénario de science-fiction. Pourtant, la technologie de découpage de l'ADN CRISPR et les nouvelles stratégies de clonage génétique changent la donne. Peter Jackson, réalisateur néo-zélandais, confie vouloir précipiter ce retour pour voir renaître, devant ses yeux, cet emblème national.
Moa géant
(Par Joseph Smit — http://www.50birds.com/extan/gextanimals10.htm, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4383372)
Si certains scientifiques évoquent déjà une « ère des espèces ressuscitées », d'autres craignent une déroute éthique et écologique. Les laboratoires planchent sur la récupération de fragments d’ADN authentiques, parfois complétés grâce à des séquençages de parents lointains – certains gènes du moa géant se retrouvent aujourd’hui chez l’émeu ou le casoar.
Rien d’évident, mais la course est lancée. Faut-il vraiment s’attendre à voir, sous peu, un oiseau de trois mètres fouler à nouveau les plaines de Nouvelle-Zélande ? Beaucoup s’en amusent, d’autres s’interrogent : ressusciter le passé, ça veut dire quoi pour le futur ?
La science progresse, les polémiques enflent
Ce feuilleton scientifique ne manque pas de rebondissements. Certains chercheurs prédisent qu’il sera bientôt possible de recréer un embryon de moa géant en croisant l’ADN récupéré avec celui d’espèces encore vivantes, puis en utilisant des œufs d’émeu comme incubateurs.
Tandis que l’équipe néo-zélandaise peaufine ses protocoles, les interrogations demeurent. Pour les uns, le projet est une merveilleuse façon de réparer un pan de biodiversité perdu ; pour d’autres, il s’agit d’un défi inutile, voire risqué, pour l’écosystème et l’équilibre actuel. D’une voix acerbe, un chercheur s’emballe : « Le moa n’a pas disparu par hasard, ressusciter une espèce éteinte, c’est jouer aux apprentis sorciers ! »
Souris laineuse créée par Colossal Biosciences,
un avant-goût du mammouth laineux
La question de la légitimité s’invite partout : faut-il mobiliser autant de moyens pour ressusciter un géant d’autrefois, alors que tant d’espèces menacées vivent encore ?
Derrière les débats scientifiques se cache aussi un duel d’égos et de philosophies : entre farouche nostalgie et utopie biotechnologique. Ceux qui espèrent observer un moa géant bien vivant dans la brousse devront patienter... ou s’investir dans ce débat devenu purement mondial.
Entre rêve collectif et enjeux bien réels
Il n’y a pas que les biologistes qui rêvent d’un retour du moa. L’opinion publique néo-zélandaise s’enflamme : entre fierté nationale, inquiétude climatique et espoir de tourisme relancé, chacun y va de son commentaire.
Peter Jackson n’est pas le seul à donner de la voix, d’autres personnalités commencent à soutenir l’initiative. L’idée d’ériger un emblème vivant, disparu avant même la colonisation britannique, séduit autant qu’elle fait sourire. Certains voient dans ce projet de ressuscitation une revanche sur le temps, d’autres redoutent que l’emplacement de la biodiversité actuelle soit totalement bouleversé.
La création éventuelle d’un « moa 2.0 » par Colossal Biosciences questionne évidemment le sens même de la conservation. D’ailleurs, la liste des enjeux n’en finit pas : impact sur la faune locale, compatibilité avec le climat d’aujourd’hui, risques sanitaires inconnus…
Toutes ces questions, loin de figer le débat, le rendent plus passionnant. L’engouement n’est pas près de retomber. Les plus optimistes osent déjà imaginer des excursions guidées à la découverte d’une espèce mythique revenue du passé.
Selon les estimations et avec les financements obtenus, il faudrait de cinq à dix ans avant de pouvoir arriver à créer ce nouvel-ancien oiseau de plus de 3 mètres de haut. Il faudrait ensuite pouvoir le relâcher dans des zones de réensauvagement clôturées et observer comment il se comporte. L'imaginaire de Jurassik Park n'est pas bien loin.