Désireux de remplacer SFR dans l'accord de mutualisation des infrastructures mobiles qui le lie à Bouygues Telecom, l'opérateur Orange passe à l'offensive et a déposé un recours auprès de l'Autorité de la Concurrence pour le dénoncer et demander sa suspension immédiate.
Selon le journal Les Echos, l'opérateur historique attaque sur plusieurs fronts en estimant d'une part que les deux opérateurs doivent attendre la publication de l'étude de l'Arcep sur la mutualisation avant de commencer à se rapprocher effectivement, et d'autre part qu'il faut attendre l'avis de l'Autorité de la Concurrence sur le rachat de SFR par Numericable dans la mesure où elle devrait imposer des conditions propres à modifier en profondeur l'équilibre du marché.
Pour Orange, cette double incertitude quant aux positions des régulateurs ne permet pas à SFR et Bouygues Telecom d'entamer le rapprochement de leurs infrastructures annoncé au mois de février 2014, ce qui implique de bloquer le processus le temps que les études soient publiées, soit au moins jusqu'à la fin de l'année puisque l'Autorité de la Concurrence souhaite examiner "en profondeur" le dossier du rachat de SFR.
Maintenir un jeu de la concurrence équitable
Orange se justifie en affirmant que l'accord est anticoncurrentiel du fait de sa grande portée : 57% du territoire et 80% de la population, et de son principe, qui conduit en fait chaque opérateur de la mutualisation à contrôler seul de grandes zones du territoire. Orange voit dans son déploiement un effet qu'il sera impossible de dénouer par la suite, ce qui ne va pas dans le seul du libre jeu de la concurrence.
Enfin, si l'accord de mutualisation ne concerne que les infrastructures, Orange craint une extension au partage des fréquences qui permettrait d'utiliser massivement la bande 800 MHz pour couvrir de larges portions de territoire avec moins d'antennes. Or, en s'étant concentré sur la bande 2,6 GHz, permettant plus de débit mais sur des portées inférieures, Orange n'aura pas les moyens de riposter.
Il y aussi la question de l'accès de Bouygues Telecom à la bande 2G 1800 MHz pour exploiter des services 4G et qui lui permet actuellement de proposer la plus large couverture 4G, que SFR pourrait convoiter pour ses besoins propres.
Des antennes convoitées
Le processus de mutualisation doit permettre aux deux opérateurs de se séparer de 7000 antennes qui sont censées être démontées mais que Free Mobile pourrait peut-être récupérer pour accélérer le déploiement de son propre réseau.
Cela constitue une "aubaine" sur laquelle Orange demande de la transparence car il pourrait éventuellement être intéressé par un rachat d'antennes.
L'opérateur historique sort donc de sa réserve observée tout au long du processus de choix du candidat au rachat de SFR et tente de faire sortir Bouygues Telecom d'un accord dont ce dernier évoquait lui-même un possible abandon.
D'où les répliques assez dures de SFR et Numericable rappelant que l'accord est signé sur 20 ans et que le changement de propriétaire de SFR ne constitue pas une clause de sortie. Et de rappeler que la pénalité de rupture de contrat risque de coûter très cher...jusqu'à 2 milliards d'euros.