Alors que Numéricâble est entré en négociations exclusives avec Vivendi concernant le rachat de SFR, l'État français n'a de cesse de critiquer ce choix, notamment concernant la question de la fiscalité de la société qui profite d'une situation originale avec une holding à Luxembourg, une entreprise cotée à Amsterdam et un président résidant en Suisse.
Si le redressement fiscal de Numéricâble avait été prononcé à hauteur de 36,6 millions d'euros ( correspondant au non-reversement de la TVA entre 2006 et 2010 ) avant que Vivendi ne pose son choix sur le câblo opérateur pour la vente de SFR, la situation ne manque pas d'attirer l'attention.
On évoquait également qu'une enquête du fisc avait été commandée par Bercy concernant le cas particulier de Patrick Drahi, patron de Numericable. Et cette fois il semblerait que les choses soient déjà bien lancées.
Il faut dire que le patron n'a pas manqué de provoquer le gouvernement lors de sa dernière conférence de presse en annonçant clairement ne pas souhaiter rapatrier son patrimoine en France comme l'avaient suggéré Fleur Pellerin et plusieurs ministres si le rachat de SFR était signé.
En outre, le patron avait indiqué habiter " en Suisse depuis 1999, avoir ouvert un siège social à Genève et y être resté 'avec ma femme et mes 4 enfants'", pas question pour lui de "déraciner" sa famille de sitôt.
Pourtant, il l'aurait toutefois fait à trois reprises entre 2001 et 2014. Lors de la constitution de la holding Altice, Patrick Drahi aurait ainsi déclaré une adresse à Zermatt. Puis il aurait changé d'adresse fiscale pour se diriger vers Rolle dans un canton proche en 2008, avant de changer à nouveau pour Cologny dans le canton de Genève en 2010.
Selon Hervé Israël, avocat fiscaliste chez Holman Fenwick Willan, ce changement d'adresse à trois reprises en 15 ans pourrait avoir des motivations fiscales. Car bien qu'en Suisse, chaque canton ne pratique pas le même taux d'imposition. D'autre part, le régime d'imposition réservé aux étrangers ( relatif au train de vie en Suisse) n'est limité qu'à 5 ans, autant de bonnes raisons de déménager selon l'avocat. Le constat est clair, Patrick Drahi déménagerait tous les 5 ans " pour remettre en quelque sorte le compteur à zéro".
Dans cette optique, l'excuse de Patrick Drahi et la volonté de ne pas " déraciner" sa famille ne font pas long feu, et le choix de sa résidence en Suisse serait clairement motivé par une fiscalité plus souple.
D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que les soupçons se portent sur le patron de Numericable. Il n'avait ainsi pas hésité à opter pour la nationalité israélienne lors du rachat de l'opérateur mobile Mirs et du cablô opérateur Hot pour les faire fusionner, en tant que résident Suisse, il avait déjà réussi à éviter les impôts sur ses revenus en Israël.
Reste a savoir vers quoi débouchera l'enquête menée par Bercy, et de quelles applications concrètes disposeront les pouvoirs publics pour forcer le PDG à rapatrier son patrimoine en France.