Un appel retentissant, né de la frustration collective, vient de franchir un seuil historique. La pétition "Stop Killing Games", lancée il y a un peu plus d'un an, a dépassé ce jeudi 3 juillet 2025 le million de signatures. Un cap symbolique, mais surtout politique, qui va contraindre les instances européennes à se pencher sur un problème épineux : l'obsolescence programmée des jeux vidéo, rendue possible par la fermeture des serveurs. Qui est derrière cette initiative ? Et quel impact réel sur l'avenir du jeu vidéo ?

The Crew 3 1

"Stop Killing Games" : genèse d'une mobilisation sans précédent 

L'histoire de "Stop Killing Games" commence le 24 avril 2024. Son instigateur ? Ross Scott, un créateur de contenu derrière la chaîne YouTube Accursed Farms. Cette initiative est une réponse directe à une décision qui a indigné la communauté des joueurs : la fermeture des serveurs du jeu The Crew par Ubisoft en mars 2024. Le coup est dur : ce titre, bien que majoritairement solo dans son expérience, est devenu totalement injouable pour ceux qui l'avaient pourtant acheté. Ce cas n'est pas isolé ; il a cristallisé une frustration grandissante face à la pratique des éditeurs qui, en désactivant les serveurs, privent les consommateurs de l'accès à des jeux qu'ils ont légitimement acquis, remettant en question la notion même de propriété numérique. La pétition, déposée dans le cadre de l'Initiative Citoyenne Européenne (ICE), demande aux éditeurs de garantir que les jeux restent jouables après la fin de leur support, par des modes hors-ligne ou la création de serveurs privés.

Stop Killing Games

Une vague de soutien impressionnante à travers l'Europe ?

Le mouvement a pris une ampleur fulgurante, grâce notamment au soutien de nombreux médias spécialisés et d'influenceurs majeurs. Des personnalités comme PewDiePie, Mark Kern ou Conkerax, très engagés pour cette cause, ont largement contribué à sa visibilité. Sur le front européen, la croissance a été spectaculaire. Le site de suivi "Stop Killing Games Tracker" a enregistré près de 500 000 signatures en une seule semaine, entre fin juin et début juillet 2025. Le compteur global affiche désormais plus d'un million de signatures, mais Ross Scott tempère : il appelle à ne pas relâcher l'effort. Pourquoi ? Environ 20 à 30 % des signatures pourraient être invalidées lors de l'audit européen, pour cause de doublons, d'erreurs de saisie ou de signatures provenant de non-Européens. Des indicateurs sur X montrent néanmoins un engagement très fort : la France a par exemple atteint son quota minimum de signatures dès le 26 juin 2025, suivie par d'autres pays comme l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne qui ont également dépassé leurs seuils respectifs.

Quel chemin vers une régulation européenne ?

Atteindre le million de signatures n'est pas qu'un symbole ; c'est une étape cruciale du processus d'Initiative Citoyenne Européenne. Ce seuil valide l'ampleur du soutien populaire, obligeant la Commission européenne à se saisir officiellement du sujet. Le processus prévoit une présentation formelle de l'initiative devant des membres de la Commission, suivie d'un délai de six mois pour que l'exécutif européen produise une réponse. Cette réponse n'est pas garantie : elle peut être législative (proposant une nouvelle loi) ou non législative (actions différentes ou application des lois existantes), mais elle devra toujours être justifiée. Les partisans du mouvement ont d'ailleurs formulé la pétition de manière suffisamment flexible pour donner une marge de manœuvre aux éditeurs et éviter les interprétations trop restrictives. Le but est de résoudre le problème de la "destruction des jeux vidéo" tout en laissant de la liberté aux acteurs de l'industrie. La mobilisation, elle, ne faiblit pas : les organisateurs visent désormais 1,5 million de signatures pour se prémunir d'éventuelles invalidations lors des vérifications nationales. Une telle législation, si elle voit le jour, pourrait transformer durablement le secteur.

Ubisoft

L'impact de Stop Killing Games : redéfinir la propriété numérique ?

Le succès de "Stop Killing Games" dépasse largement la simple question de l'accès aux jeux. Il s'agit en fait d'un combat majeur pour redéfinir les droits des consommateurs à l'ère numérique. Contrairement à d'autres médias (livres, films), les jeux vidéo, surtout ceux qui dépendent de serveurs en ligne, risquent de disparaître à jamais lorsque les éditeurs cessent leur support. Si la pétition aboutit à une législation européenne, cela pourrait contraindre les éditeurs à fournir des solutions concrètes : des patchs permettant un mode hors-ligne, ou la possibilité pour les communautés de créer des serveurs privés. Une telle loi représenterait une avancée colossale, non seulement pour les joueurs actuels, mais aussi pour la préservation du patrimoine culturel et artistique que représentent les jeux vidéo pour les générations futures. De plus, une législation pionnière en Europe aurait un effet d'entraînement certain, influençant d'autres régions du monde sous la pression du marché.

Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que la pétition "Stop Killing Games" ?

C'est une Initiative Citoyenne Européenne lancée par Ross Scott en avril 2024. Elle demande aux éditeurs de jeux vidéo de garantir que les titres achetés par les consommateurs restent jouables, même après la fermeture des serveurs, notamment via des modes hors-ligne ou la création de serveurs privés.

Pourquoi cette pétition a-t-elle été lancée ?

Elle est née de la frustration des joueurs face à l'obsolescence numérique des jeux. Le cas emblématique fut la fermeture des serveurs de The Crew par Ubisoft en mars 2024, rendant le jeu injouable même pour ceux qui l'avaient acheté, ce qui remet en question la notion de propriété numérique.

Quel est l'objectif d'un million de signatures pour une Initiative Citoyenne Européenne ?

Atteindre le million de signatures, avec un seuil minimum dans au moins sept pays de l'UE, est la condition pour que la Commission européenne soit officiellement saisie du sujet. Cela ouvre la voie à une présentation formelle de l'initiative et une réponse officielle de la Commission dans un délai de six mois, pouvant potentiellement mener à une action législative.