Des chercheurs ont utilisé le supercalculateur El Capitan pour réaliser la plus grande simulation de dynamique des fluides jamais vue, modélisant l'échappement de multiples moteurs de fusée.

Dépassant le quadrillion (1015) de degrés de liberté, cette prouesse, finaliste du prix Gordon Bell, ouvre la voie à une conception de lanceurs plus sûre et efficace, remplaçant les tests physiques par la modélisation prédictive.

Le monde de l'aérospatial moderne, notamment avec des lanceurs comme la fusée loiurde Super Heavy de SpaceX, se tourne de plus en plus vers des configurations multi-moteurs.

LLNL simulation fluide rocket

Cette approche offre des avantages en termes de fabrication et de redondance, mais soulève un défi de taille : l'interaction complexe et potentiellement destructrice des panaches de gaz brûlants. Comprendre ce phénomène est crucial pour la sécurité des missions.

Une puissance de calcul sans précédent

Pour relever ce défi, une équipe menée par l'université Georgia Tech a mobilisé la pleine puissance du supercalculateur exascale El Capitan du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL), le plus puissant au monde parmi ceux dont les performances sont rendues publiques.

En utilisant l'intégralité de ses 11 136 nœuds et plus de 44 500 accélérateurs AMD Instinct MI300A, ils ont réalisé une simulation de dynamique des fluides (CFD) dépassant les 500 quadrillions de degrés de liberté.

L'expérience a ensuite été étendue sur le supercalculateur Frontier, franchissant le cap symbolique du quadrillion de degrés de liberté, un record absolu pour ce type de problème.

L'algorithme qui change la donne

La force brute matérielle ne suffit pas. Le succès de cette simulation repose sur une nouvelle technique de régularisation des ondes de choc baptisée Information Geometric Regularization (IGR).

El Capitan simulation dynamique fluides

Mise au point par des professeurs de Georgia Tech et de l'université de New York, cette méthode reformule le traitement des ondes de choc pour obtenir des résultats plus stables et efficaces.

Grâce à cet algorithme et au code open-source MFC, l'équipe a pu modéliser avec une fidélité inédite l'échappement de 33 moteurs-fusées, inspiré par le booster de SpaceX.

Pourquoi El Capitan était-il indispensable ?

L'architecture matérielle unique d'El Capitan a été un facteur déterminant. Chaque nœud est équipé de quatre APU AMD MI300A, où CPU et GPU partagent la même mémoire physique.

Cette conception à mémoire unifiée élimine les goulots d'étranglement liés aux transferts de données, un avantage crucial pour analyser les interactions complexes des gaz d'une fusée.

Selon Spencer Bryngelson, le responsable du projet, aucune autre machine au monde n'aurait pu exécuter ce problème à pleine résolution sans compromis.

Cette prouesse, finaliste pour le prestigieux prix ACM Gordon Bell, ne se limite pas aux lanceurs. Les performances sont éloquentes : une vitesse de calcul multipliée par 80, une empreinte mémoire réduite d'un facteur 25 et une consommation énergétique divisée par cinq par rapport aux méthodes précédentes.

Au-delà de l'aérospatial, la méthode IGR pourrait transformer la modélisation dans des domaines aussi variés que la prédiction du bruit des avions ou la dynamique des fluides biomédicaux, ouvrant un nouveau chapitre pour la simulation à grande échelle.