Lorsque la tablette iPad d' Apple a été lancée sur le marché, ouvrant la voie d'une catégorie de produits porteuse de nouveaux usages, elle a pu être vue comme le relais attendu entre l'édition papier et l'édition numérique.
Sa transportabilité, ses capacités multimédia, son interface tactile, sa connectivité sont autant d'arguments qui ont pu laisser penser qu'un autre mode de consommation des médias allait émerger. Qu'en est-il un peu plus de six mois après le lancement de la tablette, et alors que beaucoup d'autres s'apprêtent à débarquer ?
A l'occasion des 4èmes Assises de la Convergence des médias, une table ronde a été organisée pour un faire un point sur cette transformation annoncée. Et il faut bien constater que si les tablettes présentent effectivement un potentiel à exploiter, on ne peut véritablement parler d'engouement de la profession pour ce support.
La transition vers le numérique est de toute façon en marche
Certes, comme l'a rappelé Eric Hazan, du cabinet McKinsey, le secteur des médias est en phase de transition et cherche ses marques entre édition papier et édition numérique. Les rédactions, souvent distinctes jusqu'à présent, sont de plus en plus fusionnées, même si le chiffre d'affaires tiré du numérique n'est encore que de 20% aux Etats-Unis et de 11% en Europe.
Cependant, ces chiffres devraient évoluer sensiblement dans les 10 prochaines années pour tendre vers les 60% de chiffre d'affaires généré par le numérique aux Etats-Unis, contre 45% dans le cas des éditeurs européens.
Face à cette évolution, les tablettes ont un rôle à jouer, d'autant plus que la consommation de contenu s'apparente beaucoup plus à celle du papier qu'à la consommation Web depuis un ordinateur. Cependant, les tablettes, qui restent encore des produits onéreux et donc à diffusion limitée, ne devraient pas occuper tout l'espace des médias numériques, mais constituer plutôt un canal complémentaire.
Les acteurs de l'édition veulent plus de liberté
C'est ce qu'a partiellement confirmé Francis Morel, président du SPQN ( Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale ) et du groupe Le Figaro, en indiquant que les tablettes offraient la possibilité d'un autre développement, avec un confort de lecture appréciable mais qu'elles n'étaient pas la révolution que certains annonçaient.
Ce qui gêne les éditeurs, c'est l'intervention d'acteurs intermédiaires ( Google, Apple ) leur dictant certaines conditions. Dans le cas du couple iPad / App Store, l'échelle fixe des prix possibles ( 0,79 €, 1,59 €, 2,39 €... ) constitue par exemple pour eux un sérieux frein pour développer leur modèle économique et favoriser la création.
L'initiative de la formation du GIE ( Groupement d'intérêt économique ) E-Presse Premium, constitué de 8 titres de presse auquel s'est associé Orange ( par sa branche de fourniture de contenus ) est un autre exemple de cette volonté de pouvoir faire front face aux géants américains imposant des conditions aliénantes.
Mais, vu de l'extérieur, ces prises de position montrent aussi la volonté de plaquer le modèle économique existant, avec quelques adaptations mineures, à ce nouveau support afin de l'intégrer au plus vite parmi les canaux de distribution existants. Autrement dit, retrouver peu ou prou les mêmes contenus que sur la version papier, agrémentés de quelques éléments multimédia.
Une évolution plus qu'une révolution
Pourtant, on l'a vu, se contenter de proposer sur tablette la version PDF de la version papier d'un journal est tout sauf satisfaisant et les dernières évolutions des applications de lecture des différents journaux ont fait un effort d'ergonomie pour faciliter la consultation du contenu. Mais n'y a-t-il pas moyen d'aller plus loin et de proposer quelque chose de plus consistant, sachant les possibilités multimédia et de connectivités des tablettes, qui permettrait justement de développer un véritable goût pour cette édition numérique ? Cela ne semble pas être un sujet de préoccupation face à la nécessité de positionner d'abord le cadre économique.
Pour Guillaume Monteux, président de la plate-forme de syndication de contenus MiLibris ( choisie par Orange pour son offre Read & Go ), la question est de savoir comment mettre en valeur les contenus, au-delà de l'impression papier.
Il voit ainsi trois " vies " de l'information : l'édition papier, le site Web et les supports numériques. L'exemple du magazine Wired donne une idée de la potentialité des tablettes : la version papier tire à environ 80 000 exemplaires par mois mais la version numérique sur iPad permet d'ajouter 30 000 à 35 000 versions payantes supplémentaires.
Bruno Patino, directeur de France 5, rappelle pour sa part que la tablette ne fait pas tout et qu'il y a encore du travail pour rendre l'expérience d'accès et de lecture des contenus acceptable. La tablette agit surtout comme un agent de " désindustrialisation de l'édition ", qui n'impose plus de passer par les rotatives pour assurer la diffusion.
Selon cette vision, la tablette n'est toujours pas la révolution promise mais un moyen de transition vers le numérique ( parmi d'autres ), en attendant des systèmes totalement ouverts accessibles sur tous les types d'écran. Et si le système ouvert doit être privilégié, il faut aussi veiller à ce que certains acteurs n'y deviennent pas " surdominants ", finissant par conduire paradoxalement à des monopoles.
Publié le
par Christian D.
Journaliste GNT spécialisé en mobilité / Ante-Geek des profondeurs du Web et d'ailleurs
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