Ces "terres rares", un groupe de 17 métaux aux noms parfois barbares comme l'yttrium, le néodyme ou l'europium, sont partout : de l'écran de votre smartphone aux générateurs d'éoliennes, en passant par les moteurs de véhicules électriques. Pourtant, le constat est saisissant : moins de 1% d'entre elles sont aujourd'hui recyclées. La faute ? Des processus énergivores à l'extrême, qui dévorent des produits chimiques et coûtent une fortune. Et la Chine, dans ce tableau ? Elle mène la danse d'une main de fer, contrôlant pas moins de 70% de l'extraction mondiale et un stupéfiant 85% du raffinage. Une telle mainmise, avec les tensions géopolitiques qui s'accumulent et les impératifs écologiques qui s'imposent, pousse l'Europe à réagir avec une énergie nouvelle. L'Union Européenne a d'ailleurs fixé un cap clair : recycler 25% de ses besoins en terres rares d'ici 2030, un pas de géant vers l'autonomie et la durabilité.

recyclage

Comment la science suisse transforme nos déchets en "mine urbaine" ?

L'équipe de l'ETH Zurich, sous l'impulsion de la Dr. Marie Perrin et du Prof. Dr. Victor Mougel, a déniché une solution d'une élégance rare.
Leur nouvelle méthode permet une séparation ultra-efficace de ces éléments, ciblant notamment l'europium, essentiel dans les lampes fluorescentes. Le secret ? Un "extractant" spécialement mis au point pour modifier leur solubilité, permettant de les isoler de mélanges complexes. L'approche est non seulement plus performante, mais aussi moins nocive que les méthodes actuelles, souvent basées sur des solvants toxiques. Ce procédé innovant, déjà commercialisé par la startup REEcover, promet de faire de nos déchets électroniques une véritable "mine urbaine", un puits de ressources insoupçonnées. C'est une promesse de réduction drastique de notre dépendance aux importations et un coup de pouce majeur pour l'économie circulaire.

Mine terres rares

La France, futur leader européen du recyclage des terres rares ?

De son côté, la France n'attend pas que la technologie suisse soit à l'échelle industrielle pour agir. L'État a mis en place une initiative ambitieuse, pilotée par Caremag (filiale de Carester), avec un financement de 106 millions d'euros, complété par 110 millions d'un partenaire japonais, Iwatani Corporation.
Le projet ? La construction d'une usine de recyclage à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, dont la mise en service est prévue fin 2026. L'objectif est colossal : recycler chaque année 2 000 tonnes d'aimants et raffiner 5 000 tonnes de concentrés miniers. Si tout se passe comme prévu, cette unité industrielle s'apprête à devenir le premier recycleur européen de terres rares, et le plus grand producteur de terres rares lourdes, comme le dysprosium et le terbium. Un véritable pilier pour l'indépendance de la filière et la sécurisation de l'approvisionnement de nos industries stratégiques. La France est bel et bien décidée à peser de tout son poids sur ce marché crucial.

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Vers une ère de ressources plus durables et indépendantes ?

Ces avancées, qu'elles proviennent de Suisse ou de France, marquent un véritable tournant. Moins d'extraction minière, cela signifie moins de pollution, une consommation d'eau drastiquement réduite, et un impact environnemental bien plus doux.
C'est, sans conteste, une approche bien plus "verte". Sur le plan stratégique, c'est la promesse d'une Europe plus solide, moins vulnérable aux aléas géopolitiques qui pèsent souvent sur l'approvisionnement en matières premières critiques. Bien sûr, le chemin est encore long avant d'atteindre une indépendance totale, et mettre ces technologies à l'échelle industrielle représente un défi de taille. Mais la détermination est palpable. L'objectif est clair : transformer nos déchets en une ressource précieuse, protéger notre environnement et bâtir une souveraineté technologique forte. L'avenir de nos industries, et celui de la planète, pourrait bien dépendre de ces efforts concertés.

Foire Aux Questions (FAQ)

Quelle nouvelle méthode de recyclage des terres rares a été développée à l'ETH Zurich ?


Des chercheurs de l'ETH Zurich ont mis au point une méthode utilisant un "extractant" spécial pour séparer efficacement les terres rares, notamment l'europium, des déchets électroniques, en modifiant leur solubilité.

Quel est l'objectif de l'usine française de recyclage des terres rares à Lacq ?


L'usine de Lacq, financée par l'État français et un partenaire japonais, vise à recycler 2 000 tonnes d'aimants et raffiner 5 000 tonnes de concentrés miniers par an, devenant le premier recycleur européen de terres rares.

Pourquoi l'Europe cherche-t-elle à améliorer le recyclage des terres rares ?


L'Europe cherche à réduire sa forte dépendance à la Chine (qui domine le marché) pour l'approvisionnement en terres rares, tout en promouvant une approche plus durable et écologique que l'extraction minière.