Le monde des VPN (réseaux privés virtuels) en France est peut-être sur le point de changer drastiquement sur l'impulsion du groupe Canal+.
En effet, une action en justice initiée par le géant du cinéma et de la télévision en France, associée à la Ligue de Football Professionnel (LFP) vise plusieurs fournisseurs de VPN majeurs. Cette offensive, visant initialement à lutter contre le piratage de contenus sportifs, pourrait avoir des conséquences inattendues : les géants du VPN envisagent désormais de tout simplement quitter l'Hexagone.
Un conflit aux enjeux multiples
L'affaire trouve son origine dans la volonté de Canal+ et de la LFP de protéger leurs droits de diffusion, notamment concernant le football. Ces acteurs accusent les services de VPN de faciliter l'accès à des plateformes de streaming illégal, contournant ainsi les restrictions géographiques. Parmi les services visés figurent des grands noms du secteur comme NordVPN, ExpressVPN, CyberGhost, Proton VPN et Surfshark.
L'objectif affiché est clair : obtenir de la justice française qu'elle contraigne ces fournisseurs à bloquer l'accès aux sites diffusant illégalement des contenus protégés. Cette démarche s'inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre le piratage, qui a déjà ciblé les sites de streaming, les fournisseurs de DNS alternatifs, et maintenant les VPN. On retrouve ainsi déjà ce type de blocage directement auprès des FAI sur une liste grandissante et évolutive de sites et miroirs proposant du contenu pirate.
La riposte des fournisseurs de VPN
Face à cette menace, la réaction des entreprises de VPN ne s'est pas fait attendre. Regroupés au sein de la VPN Trust Initiative (VTI), ces acteurs ont publié une lettre ouverte s'opposant fermement aux demandes de blocage. Leur argument principal ? Une telle décision porterait atteinte à "la cybersécurité, à la vie privée et à la liberté numérique de millions de résidents français".
Plus radical encore, Christian Dawson, président de l'Internet Infrastructure Coalition (i2Coalition), a évoqué la possibilité que certains services de VPN choisissent simplement de se retirer du marché français plutôt que de compromettre leurs principes. Cette menace n'est pas à prendre à la légère, comme le rappelle Dawson :
"Nous avons déjà vu cela sur des marchés comme l'Inde et le Pakistan, où les exigences réglementaires ont forcé certains services VPN à se retirer plutôt que de faire des compromis sur les normes de cryptage ou les politiques de conservation des journaux"
Les implications pour les utilisateurs français
Si les fournisseurs de VPN mettaient leurs menaces à exécution, les conséquences pour les internautes français seraient considérables. Les VPN sont utilisés pour diverses raisons légitimes :
- Protection de la vie privée en ligne
- Sécurisation des connexions sur les réseaux Wi-Fi publics
- Accès à des contenus géo-restreints de manière légale
- Contournement de la censure dans certains pays
La disparition de ces services du marché français pourrait donc avoir un impact significatif sur la liberté numérique et la sécurité en ligne des citoyens. En outre, le débat reste discutable puisque d'une part, Canal + souhaite uniquement imposer une liste noire de sites comme cela se fait déjà auprès des fournisseurs d'accès à Internet, d'autre part les VPN expliquent ne pas souhaiter entamer la sécurité proposée à leurs usagers, mais il est évident que les services jouent sur cette capacité à contourner la loi pour vendre leurs services...
D'ailleurs, Christian Dawson n'hésite pas à faire la relation entre les demandes de Canal + et la LFP et les restrictions imposées aux VPN dans des pays comme la Chine, la Russie ou l'Iran, souvent au nom de la lutte contre la criminalité en ligne, comparaison somme toute abusive ici...
Vers un compromis possible ?
Face à l'ampleur des enjeux, la question d'un éventuel compromis se pose. Les fournisseurs de VPN affirment s'opposer à l'utilisation de leurs services à des fins illégales, mais refusent catégoriquement de mettre en place des systèmes de filtrage qui compromettraient la confidentialité de leurs utilisateurs.
Une piste de réflexion pourrait être l'élaboration de solutions techniques permettant de cibler spécifiquement les usages illégaux sans compromettre la sécurité et la confidentialité des utilisations légitimes des VPN. Cependant, la faisabilité technique et l'acceptabilité d'une telle approche restent à démontrer, et l'élaboration de ce type de filtre en incomberait aux services de VPN, avec les frais que cela implique.
Dans l'attente, l'industrie du VPN et les défenseurs des droits numériques restent mobilisés. Les suites de cette affaire pourraient amener certains services VPN à quitter la France, et d'autres à s'adapter.