Le PDG et Président du Directoire de Dell Computer revient sur l’année écoulée, et se penche sur celle qui commence.

Kevin Rollins, PDG et Président de Dell Computer, livre à nos confrères américains d’eWeek son sentiment sur la situation de son entreprise, sur les défis qui l’attendent, et sur ses perspectives pour 2006. A la lecture de cette—longue—interview, quelques axes de réflexion se dégagent.

En premier lieu, 2005 a été une bonne année pour Dell, qui s’attend à un exercice 2006 du même tonneau. Que ce soit en terme de performance financière pure, de croissance du chiffre d’affaires, de vigueur en bourse, de profit avant impôt ou de sortie de nouveaux modèles, la tendance est à l’auto-congratulation.

Quelques points noirs subsistent, cependant, comme les difficultés rencontrées au niveau du service après-vente. Les apparences sont parfois trompeuses, en ce domaine : une enquête menée par le Financial Times laissait entendre que Dell recueillait le deuxième meilleur score mondial en terme de SAV, juste derrière le constructeur automobile japonais Toyota. Pourtant, Kevin Rollins reconnaît que certaines situations ont été sous-estimées, notamment au niveau de l’approvisionnement en pièces détachées aux Etats-Unis. Des recrutements ont été opérés, une meilleure formation mise en place, mais selon la même enquête, Dell est passé de l’excellence à la moyenne, ce que Rollins explique par le fait que l’on attend forcément plus d’une firme comme Dell.

La firme texane garde toutefois une bonne longueur d’avance sur ses poursuivants immédiats, Hewlett-Packard/Compaq et IBM/Lenovo, même si le service aux particuliers semble un peu délaissé au profit de celui des entreprises.

Un des points-clé de cette interview est bien entendu le fait que, contrairement à ce qu’on avait pu supposer récemment, Dell ne remet absolument pas en question son modèle économique de vente directe. Le constructeur américain a récemment élargi ses capacités de production, en ouvrant une nouvelle unité d’assemblage en Caroline du Nord, et serait sur le point d’en inaugurer une en Europe. Une usine serait également en projet en Chine . La demande est bien là, et le recours à une modèle basé sur un réseau de revendeurs n’est donc pas d’actualité.

Un nouveau service à destination des clients fait en outre son apparition. Baptisé TechConnect, il reçoit actuellement jusqu’à 2.200 appels par jour. Lorsqu’un client prend contact avec Dell via ce service, c’est qu’il a généralement un problème. Dell lui offre la possibilité de tenter de le résoudre à distance, en prenant momentanément le contrôle de sa machine, afin de faire un diagnostic. TechConnect s’adresse plutôt aux particuliers et aux PME qu’aux grandes entreprises, qui ont le plus souvent du personnel de maintenance en interne. Avec ce service, il est possible de déterminer si le problème est d’ordre logiciel, matériel, ou lié à la présence sur le PC en question de programmes malicieux.

Vient enfin la question qui fâche : le rapprochement à venir entre Dell Computer et le fondeur californien Advanced Micro Devices (AMD). Traditionnellement, Dell s’en est tenu à un strict partenariat avec Intel, le premier producteur mondial de processeurs. Ces derniers temps, pourtant, Dell a entamé un rapprochement avec le rival de toujours, AMD, arguant notamment que les productions récentes de ce dernier faisaient mieux que simplement soutenir la comparaison avec celle de son encombrant voisin, notamment en terme de consommation d’énergie et de dissipation thermique.

La performance brute n’est plus, semble-t-il, une fin en soi, surtout depuis l’avènement des processeur dual-core. Les vitesses d’horloge, élevées de toute façon, ont tendance à s’uniformiser, et la différence se fait donc sur des ‘’détails’’ comme la quantité de watts nécessaire à la bonne marche du processeur, et la qualité de son intégration dans une gamme donnée de machine.

Dell reconnaît implicitement qu’AMD a largement rattrapé Intel sur ce point, et que le pragmatisme texan ne pouvait décemment laisser de côté une seconde source d’approvisionnement d’une telle qualité. Quant à développer deux lignes de produits séparées et gérées indépendamment l’une de l’autre, ce n’est pas pour autant d’actualité, notamment au niveau des entreprises, pour qui les coûts de maintenance du parc informatique demeurent un poste important.

Enfin, le PDG de Dell explique que, contrairement à la plupart de ses rivaux, la firme d’Austin ne donne pas dans la fusion/acquisition-mania. Dell lui préfère les partenariats ciblés, moins gourmands en ressources financières, et meilleurs garants d’une indépendance à laquelle Dell veille jalousement. Le récent rafraîchissement de l’accord avec le spécialiste américain du stockage de sauvegarde, EMC, en est un exemple : Dell a fourni le matériel et son expertise technique, mais c’est EMC qui a conçu la partie pratique de ce partenariat, à la satisfaction des deux firmes.

Vous l’aurez compris : Dell évolue, tient compte des critiques, mais ne compte pas chambouler son mode de fonctionnement, ni céder au chant des sirènes qui aimeraient le voir rentrer dans le rang.

Le constructeur texan n’est pas devenu numéro un mondial par hasard, et s’il le reste, ce ne sera pas par accident…



Source : eWeek