Fujitsu essayait depuis plusieurs mois de mettre au point un laser capable de se concentrer sur un point de 80 nanomètres de diamètre, le tout sur le plateau rotatif d'un disque dur. Et ce dans le but de rattraper le retard relatif que le fabricant nippon a accumulé face à ses principaux concurrents sur le marché des unités de stockage, à savoir principalement son compatriote Toshiba et l'Américain Seagate.


Limite physique
Les deux derniers nommés sont en compétition depuis belle lurette lorsqu'il s'agit d'augmenter la densité de stockage de nos disques durs, autrement dit la quantité de données que l'on peut stocker sur chaque centimètre carré de surface magnétique. Un bon moyen d'y parvenir, et nous l'avons souvent abordé, est la technologie dite ''perpendiculaire'', qui consiste à emmagasiner les données non plus sur deux dimensions, mais sur trois, en adjoignant aux plateaux des disques durs de petits rebords, sur lesquels sont disposés des particules magnétiques. Dans cette course à l'armement, Fujitsu conservait une petite longueur de retard, qu'il avait du mal à combler. La firme nippone semble décidée à sauter quelques étapes, et met la dernière main à un dispositif qui permettra de modifier en profondeur la manière dont nous stockons les informations sur disque dur.

Jusqu'ici, on considérait qu'il était quasi-impossible de faire tenir plus de 160Go sur un centimètre carré de surface de retenue magnétique. La raison en était que les particules magnétiques qui servent à stocker les données sur un disque dur sont de taille extrêmement faible, et finissent par perdre leurs qualités. L'information peut donc être perdue, et ce n'est pas vraiment ce que l'on attend d'une unité de stockage... Pour révolutionner une technologie qui vient de fêter ses cinquante ans, Fujitsu, compte ajouter à ses disques durs trois éléments, disons, inattendus : un petit chauffage intégré, une unité de climatisation miniature, et un rayon laser. Fin de l'inventaire à la Prévert, et explication du principe de fonctionnement. Sortez l'aspirine...


Le voyage fantastique
Comme évoqué plus haut, pour augmenter à taille égale la densité d'information sur un disque dur, il faut diminuer le diamètre des particules magnétiques qui lui servent à stocker les données. Ces particules sont le plus souvent constituées d'un savant alliage à base de fer, et on peut en théorie les fabriquer à la taille la plus appropriée, mais dans les faits, on sait qu'il n'en est rien. Plus ces particules sont petites, et plus elles sont susceptibles de voir leurs caractéristiques affectées par des éléments extérieurs, dont les variations de température ne sont pas les moindres. Au moment où une tête d'écriture de disque dur inscrit des données sur l'un de ses plateaux, elle élève pendant quelques secondes la température du point où l'écriture s'effectue. Cette élévation de température est bénéfique à l'inscription des données, car elle rend les particules magnétiques plus réactives, mais au fur et à mesure qu'elles se refroidissent, leurs qualités s'altèrent. On est donc contraint de leur conserver une certaine taille pour éviter les pertes de données. Et on se retrouve avec une densité maximale théorique de 160Go par centimètre carré de piste magnétique, comme évoqué plus haut. C'est en partant de ce constat que Fujitsu a décidé de doter ses futurs disques durs du chauffage central. Et d'un laser, pour faire bonne mesure. Au sens propre.

Comme on vient de le voir, pour inscrire durablement des données sur un disque dur, il faut, si possible, chauffer—mais pas trop—les particules qui servent au stockage, de manière à abaisser la valeur de charge magnétique nécessaire à l'inscription de ces informations. L'idéal serait de s'approcher autant que faire se peut du fameux Point de Curie, sans jamais l'atteindre, au risque de voir le matériau perdre ses qualités magnétiques pour de bon. Il suffirait donc de chauffer l'endroit du disque dur où les données vont être écrites pour pouvoir utiliser des particules de tailles plus petite, et augmenter la densité de stockage. Oui mais voilà : un disque dur est composé de millions de petits segments, de taille infinitésimale, et chauffer le ou les segments visés sans toucher leurs voisins n'est pas une mince affaire. Il faut dans le même temps pouvoir conserver aux segments avoisinants une température plus basse en guise de contraste. On utilise le laser pour la visée depuis près de vingt ans, notamment dans le domaine de la défense, ou de la médecine. Fujitsu a eu l'idée d'intégrer dans la tête d'écriture de ses futurs disques durs l'un de ces lasers, de taille microscopique comme vous vous en doutez. Et le diamètre de son faisceau ne devrait en théorie pas excéder 50 nanomètres.


Le Pouvoir des Trois...
Ce laser sert non seulement au pointage, mais dispense aussi un début d'échauffement sur la portion de disque considérée. Le petit chauffage d'appoint (dans les faits, une minuscule résistance électrique) entre alors en jeu, et élève la température du segment où l'on veut écrire des données. En augmentant cette température, on a besoin de moins de courant pour modifier la charge magnétique de particules qui peuvent être choisies plus petites. Et en les refroidissant brutalement (entre en scène le mini-climatiseur, à base de nano-tubes), on fixe de manière plus durable les données qui y seront écrites.

Jusqu'à aujourd'hui, tout ce qui précède fonctionnait, mais seulement sur le papier. Fujitsu vient d'annoncer qu'il a partiellement atteint son but, du moins en laboratoire : il espérait concevoir un rayon laser capable d'illuminer un point de 50 x 50 nanomètres avec seulement 2% de perte ; il a atteint 80 x 60 nanomètres avec 17% de perte, et continue de travailler sur sa technologie. S'il parvient à ses fins, la barrière des 160Go par centimètre carré sera oubliée, et toute installation qui la dépassera devra composer avec un brevet Fujitsu. La concurrence n'a qu'à bien se tenir.