Depuis quarante ans, la loi de Moore est l'illustration des progrès de l'informatique grand public en matière de miniaturisation. Mais c'est oublier que les ordinateurs ont commencé leur carrière au service de la science.

Lorsqu'en 1965 Gordon Moore, jeune informaticien, édicte la règle qui portera son nom (1), il s'appuie sur les avancées constatées dans le domaine de la fabrication des micro-processeurs, et jette les bases de sa future association avec Robert Noyce dans ce qui deviendra le premier producteur mondial de puces informatiques: Intel. Au cours des quatre décennies qui vont suivre, cette fameuse Loi de Moore ne cessera de se vérifier, avec pour conséquence un doublement des performances de nos ordinateurs tout les deux ans.

Mais ce qui s'applique avec bonheur à un PC de bureau peut se révéler moins intéressant dans le cas d'une machine dédiée au calcul mathématique pur.

Le super-ordinateur le plus rapide du monde à ce jour est un IBM de la famille Blue Gene; il a récemment battu son propre record en opérant 135 500 milliards d'opérations par seconde (135,5 téraflops), et sera rapidement livré à son propriétaire définitif, le Lawrence Livermore National Laboratory, rattaché au département américain de l'Energie.

Dans le domaine de la recherche, les impératifs de vitesse d'horloge passent rapidement au second plan. Le Professeur Bill Pulleyblank, qui a collaboré à la mise au point de Blue Gene, dit d'ailleurs: "Dans le monde de l'informatique, c'est la course à l'armement; on travaille en priorité sur la vitesse des puces, car plus elles vont vite, plus les cycles de travail sont rapides. Le problème est que l'augmentation de ces fréquences de travail consomment de plus en plus d'énergie, à tel point que le ratio énergie consommée/travail produit devient de moins en moins intéressant. L'industrie informatique se tourne donc de plus en plus vers de nouvelles solutions".

Ainsi, Blue Gene fonctionne à des fréquences infèrieures aux super-ordinateurs précédents: chacune de ses puces est en fait trois fois plus lente que celle d'un ordinateur de bureau courant!

Toutefois, Blue Gene comprend 64 racks de 1024 processeurs chacun, et on s'attend à ce qu'il atteigne cette année le pic de performance pour lequel il a été conçu, soit 360 téraflops (360 000 milliards d'opérations de calcul par seconde)...

Dans deux ans au plus tard, estime le Professeur Pulleyblank, le stade du pétaflop (un million de milliards d'opérations par seconde) sera atteint.

Mais la Loi de Moore n'a pas seulement amélioré l'ordinaire du possesseur de PC moyen: elle a aussi permis d'utiliser de plus en plus de composants standards dans la construction de super-systèmes tels que Blue Gene.

Il existe des centaines de super-ordinateurs à travers le monde, le plus souvent affectés à des tâches scientifiques. On les trouve dans les centres météorologiques, les laboratoires de recherche, les places financières... Mais au fur et à mesure que leur technologie se démocratise, ils élargissent le champs de leur action: gestion de la distribution du courrier, simulation de crash-test pour les constructeurs automobiles, effets spéciaux au cinéma, observation du trafic aérien, etc...

Mais c'est surtout dans le domaine de la santé que les avancées sont les plus spectaculaires. On peut désormais représenter le coeur d'un patient en trois dimensions sur une image médicale générée par un CAT-scan (2); un chirurgien peut ainsi envisager plusieurs solutions opératoires ou simuler différentes techniques chirurgicales.

En partenariat avec la célèbre Mayo Clinic, des super-ordinateurs ont joué un rôle important dans le transfert sur support digital de plus de 100 ans d'historiques de patients. La base de données ainsi créée permettra de fabriquer des modèles de traitements médicaux, voire d'inventer de nouveaux protocoles de soins, et, qui sait, de baser les prescriptions futures directement sur l'ADN du patient.

Les limites de la technologie actuelles sont pourtant en vue: selon Gordon Moore, d'ici 10 ou 20 ans, il sera impossible de 'caser' davantage de transistors sur un espace donné.

La recherche s'oriente donc vers de nouvelles pistes, comme l'informatique quantique ou les nano-technologies, afin de s'affranchir de la technologie actuelle, toujours basée sur le sillicone, et ce depuis plus de cinquante ans!

(1): La Loi de Moore prévoit un doublement du nombre de transistors par processeur tous les deux ans.

(2): Computer-Aided Tomography (imagerie médicale assistée par ordinateur).

Source : BBC News