Les principaux fournisseurs d'accès à Internet américains nourriraient des projets pour le moins troubles, comme la création de réseaux à plusieurs étages, pas tous accessibles au commun des mortels pour des raisons financières. Fantasme ou réalité '

Internet 1 Les fournisseurs d'accès à Internet ( FAI ) sont des colosses aux pieds d'argile. Ils contrôlent, comme leur nom le laisse supposer, l'accès au Web de plusieurs dizaines millions d'internautes en Amérique du Nord, mais leur marge opérationnelle se réduit d'année en année, comme peau de chagrin, la concurrence est vive, et ce--relatif--sentiment d'insécurité, notamment vis-à-vis d'éventuels rivaux venus de l'étranger, les conduit parfois à prendre des mesures contestables.

Ainsi, on prête à Verizon, Comcast, Bell South et quelques autres l'intention de donner à leurs clients accès au Réseau des Réseaux à des conditions variables selon la somme d'argent que les internautes seraient susceptibles de débourser. Il n'est pas question ici de bénéficier de débits plus ou moins importants en fonction du tarif des abonnements mensuels, mais carrément de limiter le nombre de téléchargements, ou même de courriers électroniques, qu'un internaute pourrait envoyer et/ou recevoir...

Inutile de vous dire que la nouvelle ne fait pas l'unanimité, outre-Atlantique. Et pas seulement chez les associations de consommateurs, qui commencent à se mobiliser sérieusement. Les entreprises qui ont bâti leur réputation et leur assise financière sur l'e-commerce ne voient pas non plus d'un très bon oeil la perspective d'une mise en place de services "platinum", "gold" ou "silver" pour distinguer leurs clients, lesquels, et c'est bien connu, ne disposent pas d'un pouvoir d'achat extensible à l'infini, et devront, à un moment ou à un autre, faire des choix lorsqu'il s'agira de dépenser leur argent sur Internet. Ce qu'il devront consacrer au paiement d'un "statut" supérieur auprès de leur FAI ne sera en effet plus disponible pour autre chose.

Les fournisseurs d'accès, de leur côté, prétendent simplement envisager différentes possibilité pour restaurer des marges qui ont fondu comme neige au soleil depuis la généralisation du haut-débit et du triple play ( Internet + téléphonie IP + télévision sur Internet ), voire du quadruple play (les mêmes, plus la téléphonie mobile), et se livrent à un lobbying particulièrement actif auprès du Congrès.  Car au-delà du simple aspect financier de la chose, se pose aussi la question de la sacro-sainte neutralité du réseau, pourtant réaffirmée lors du récent (et décevant) Sommet de Tunis : si les FAI obtenaient gain de cause, et si une loi les autorisant à mettre en place leur Internet à plusieurs vitesses voyait le jour, le Web deviendrait, en tout cas aux Etats-Unis, une véritable foire d'empoigne.

Mais une telle démarche aurait également des retombées politiques, surtout en cette année d'élections de mi-mandat à la Chambre des Représentants et au Sénat des Etats-Unis : rien n'empêcherait en effet un fournisseur d'accès de donner à tel ou tel candidat plus d'audience auprès du public, en fonction des sommes d'argent que ce dernier serait disposé à verser pour utiliser ses services...

Le pire est pourtant à venir, du moins si l'on raisonne en terme de respect de la vie privée. Limiter le volume de téléchargements ou d'e-mails qui atterrissent directement sur votre ordinateur suppose d'avoir au préalable analysé ces fichiers, et sous-entend que votre fournisseur d'accès auraient le droit de décider à votre place de ce que vous voyez, entendez ou lisez. Jusqu'ici, les FAI pouvaient identifier et quantifier les paquets de données qui parvenaient aux internautes, mais leur contenu restait "secret". Si les fournisseurs d'accès américain (et avec eux certaines firmes spécialisées dans le traitement massif des données, comme Cisco) obtiennent ce qu'ils souhaitent, ils auront la possibilité d'intercepter tel ou tel fichier qui vous est destiné, et contrôleront de fait ce à quoi vous aurez accès.

L'opposition, nous l'avons vu, s'organise, bien entendu. Google, Amazon, et la plupart des sociétés qui vivent de la vente en ligne, livrent une critique particulièrement véhémente à l'égard de ce projet. Ils se voient déjà obligés de reverser aux FAI une partie de leur chiffre d'affaires, sous peine de voir leurs concurrents leur passer devant.

L'internaute européen assistera, goguenard, à cette nouvelle Guerre de Sécession, mais combien de temps pourra-t-il conserver ce sourire ironique qui commence à poindre sur son visage '

C'est pas si loin l'Amérique...




Source : Slashdot