Une jeune pousse californienne se lance dans la conception d'un processeur dual-core à la consommation électrique extrêmement faible. Et pourrait au passage donner une seconde jeunesse à une vieille gloire...

Le nom de P.A. Semi(conductor) ne vous dit probablement rien, mais vous risquez d'en entendre parler souvent au cours des deux prochaines années, et au delà si tout va bien. Cette start-up (jeune pousse en bon français) désormais basée à Santa Clara, comme qui vous savez, aurait théoriquement dû changer de nom, puisque ses initiales désignent Palo Alto, la petite ville de Californie où elle a été fondée, mais aucun de ses dirigeants n'a eu le courage de rebaptiser leur enfant.

C'est peut-être la première force de P.A. Semi, son organigramme. Aussi étrange que cela puisse paraître, d'ailleurs. Mais quelques noms attirent l'attention: Dan Dobberpuhl, son PDG, pour commencer. Ancien ingénieur chez Digital Equipment (souvenirs, souvenirs...), il a présidé au développement des processeurs Alpha (pour serveurs) et StrongARM (pour appareils mobiles). Ces derniers ont vu leur technologie cédée à Intel, pour donner naissance à la famille des puces XScale.

Autre "célébrité", Jim Keller, qui oeuvra également sur les processeurs Alpha du temps de Digital Equipment, avant de partir chez AMD, où il prit part à l'élaboration des futurs Opteron; son collègue Peter Bannon, qui fit partie de l'aventure Alpha, lui aussi, s'en fut chez Compaq après le rachat de Digital par ce dernier, puis chez Hewlett-Packard/Compaq après une nouvelle fusion, avant d'atterrir --brièvement-- chez Intel.

Nos trois compères avaient visiblement hâte de se retrouver, puisqu'ils fondèrent P.A. Semi en juillet 2003, et mirent sur pied une équipe cosmopolite et dynamique.

Et la jeune firme fait sa première annonce d'importance, à l'occasion du Fall Processor Forum qui s'ouvre cette semaine à San José, en Californie.

P.A. Semi présente en effet un processeur dual-core (2GHz par unité) bâti autour de l'architecture du PowerPC d'IBM/Motorola/Freescale, mais en y apportant des aménagements conséquents. Bien conscient de l'âpre compétition que se livrent les "cadors" de la catégorie que sont Intel et Advanced Micro Devices, P.A. Semi veut déplacer le débat sur un terrain plus favorable, et tout à fait dans l'air du temps: le rendement des processeurs, autrement dit le rapport entre énergie consommée et travail fourni.

De ce choix stratégique va naître une famille de processeurs dual-core, baptisée PWRficient (lisez: "power-efficient", à haut rendement). Et avec elle une nouvelle façon de communiquer sur des produits aux caractéristiques assez mystérieuses pour le grand public, et les chefs d'entreprises.

Pensez donc: si, au lieu de parler de gigahertz et de vitesse de bus, vous dites au directeur d'un grand laboratoire de recherche qu'avec cette nouvelle technologie, ses serveurs et clusters verront leur facture d'électricité annuelle passer de 3,5 millions de dollars à 360.000 dollars, vous lui parlez dans une langue qu'il comprend tout à fait...

Car tout l'enjeu est là: diviser par dix la consommation électrique par rapport aux processeurs existants, en conservant le même niveau de performance. Le PWRficient revendique 5 watts de consommation au ralenti, pour des pointes à 25 watts. A comparer avec la gourmandise des récents Intel Xeon dual-core, qui semblent bien décevants sur ce point, et aux 90 watts des PowerPC "de base". Pour tenir ses promesses, P.A. Semi a pourtant choisi de se baser sur cette architecture très répandue et éprouvée, celle du PowerPC d'IBM/Motorola/Freescale qui équipe, entre autres, et pour un an encore, les ordinateurs d'Apple Computer.

Certes, les changements apportés par P.A. Semi au PowerPC sont tout sauf cosmétiques. En fait, la jeune compagnie californienne a poussé la notion d'intégration un cran plus loin que tout le monde. Ainsi, les puces PWRficient réuniront sur un même support deux éléments qui, traditionnellement (mais c'est en train de changer), sont séparés: le contrôleur de mémoire (souvent dénommé "Northbridge") et la connectique ("Southbridge") vers les périphériques, tels que la carte réseau, par exemple.

En constituant dans un espace ultra-restreint une sorte de mini-serveur, au sein duquel tous les composants sont en voisinage direct, P.A. Semi compte rassembler sur un seul processeur les fonctions habituellement dévolues à trois, voire cinq puces. Des efforts dans ce sens sont entrepris par d'autres fabricants, mais P.A. Semi y ajoute sa botte secrète: sur le PWRficient, les deux unités de calcul (cores), le cache, l'accélérateur matériel et le système I/O (Input/Output) sont rassemblés au sein d'un microscopique réseau, grâce auquel ils communiquent en permanence via une connectique, baptisée Conexium, réduite à sa plus simple expression.

En fait, la vraie question, au delà de la prouesse technique, est de savoir qui va s'intéresser à ces processeurs d'un genre nouveau. Nous l'avons évoqué plus haut, la notion de rendement commence à pointer le bout de son nez dans le monde de l'informatique, après des décennies de course au méga-, puis au giga-hertz. Désormais, il ne suffit plus d'afficher des vitesses d'horloge astronomiques pour séduire le client. Une Formule 1, ça va vite, ça fait un joli bruit, mais c'est peu utilisable au quotidien...

Dans ce contexte, l'initiative de P.A. Semi a de quoi séduire, puisqu'elle illustre une approche différente. Et le fait de se baser sur une architecture éprouvée, et de bénéficier de moyens de production déjà en place, devrait grandement l'aider.

Reste à savoir comment David compte affronter commercialement les Goliaths qui, rappelons-le, logent presque à sa porte...







Source : CNET News