Affaire Alegre : des policiers confus

Pourquoi la police a-t-elle cafouill=E9 de pareille mani=E8re apr=E8s=20
l=92assassinat de Line Galbardi, 29 ans, battue =E0 mort dans la nuit du =
2=20
au 3 janvier 1992, =E0 l'h=F4tel de l'Europe, par le tueur en s=E9rie et =
son=20
complice pr=E9sum=E9, Lakdhar Messaoud=E8ne ? Y-a-t-il eu volont=E9 de sa=
boter=20
l=92enqu=EAte de la part des policiers et, si oui, pourquoi ? Le juge=20
d'instruction, Serge Lemoine, cherche surtout =E0 savoir si le substitut,=
=20
Marc Bourragu=E9, d=E9j=E0 mis en cause par Patrica, s=92est rendu =E0 l=92=
h=F4tel de=20
l=92Europe.

Selon Le Parisien qui a eu acc=E8s =E0 des dossiers de l=92instruction, l=
e 10=20
avril, le commandant de police, Jean-Pierre Zerr, 53 ans, un ancien=20
officier de la S=FBret=E9, affect=E9 au groupe de recherche criminelle, a=
=20
indiqu=E9 au juge Lemoine s'=EAtre rendu sur les lieux du meurtre =E0 14 =

heures. =AB Il y avait le commissaire Authier et un substitut, je ne me=20
rappelle plus lequel et je n'ai pas indiqu=E9 son nom sur le=20
proc=E8s-verbal. En effet, c'est une pratique r=E9cente que de personnali=
ser=20
le membre du parquet. =BB Sous entendu =E0 l=92=E9poque =E7a ne se faisai=
t jamais.=20
Il serait donc normal que le nom du subsitut ne soit pas mentionn=E9.

Toujours selon le Parisien, le 17 avril, un autre commandant en poste =E0=
=20
la S=FBret=E9, Francis Bernadou, 49 ans, le d=E9ment : =AB Il m'est arriv=
=E9 de=20
faire des proc=E8s-verbaux de transport sur les lieux d'un crime et si le=
=20
substitut se d=E9pla=E7ait, on mentionnait de qui il s'agissait. =BB Cet =

officier ajoute : =AB C'est toujours comme cela. =BB

Mais le plus =E9tonnant, note le Parisien, c'est le t=E9moignage du=20
commandant, Jean-Claude Jolibert, 51 ans, le 14 avril, devant le juge :=20
=AB En ce qui concerne la mention du magistrat du parquet, je sais que je=
=20
l'indiquais. Je dois vous dire que ce matin, je suis all=E9 voir mon=20
coll=E8gue Zerr, qui m'a pos=E9 la question de savoir si je m'en souvenai=
s.=20
Je lui ai dit que non et il m'a dit que c'=E9tait M. Bourragu=E9. =BB

Jean-Pierre Zerr aurait donc cherch=E9 =E0 orienter le souvenir de ses=20
coll=E8gues alors que lui-m=EAme a pr=E9tendu ne pas se rappeler du nom d=
u=20
substitut qui s=92=E9tait rendu sur place. Le juge Lemoine aurait, par=20
ailleurs, fait photocopier les proc=E8s-verbaux de cinq dossiers criminel=
s=20
o=F9 =AB le nom du substitut pr=E9sent est toujours indiqu=E9 =BB. =AB De=
quoi=20
ajouter =E0 la confusion =BB =E9crit =E0 juste titre J-M. Ducos dans le=20
Parisien. Et cela n=92apporte aucune lumi=E8re quant =E0 la pr=E9sence ou=
=E0=20
l=92absence du substitut Bourragu=E9.

Le tableau de permanence des magistrats du parquet du 28 d=E9cembre 1991 =

au 4 janvier 1992 a =E9t=E9 retrouv=E9. Le substitut de garde =E9tait le =
num=E9ro=20
23, Brigitte G., qui ne se serait pas d=E9plac=E9e. En d=92autres termes,=
si=20
son coll=E8gue Bourragu=E9 =E9tait sur place, cela aurait =E9t=E9 =E0 tit=
re=20
officieux et donc =E0 titre douteux.

=C0 propos du r=F4le du veilleur de nuit, Gilbert Cartayrade, mis en exam=
en=20
pour complicit=E9 d'assassinat de la prostitu=E9e et remis en libert=E9 d=
=E9but=20
juillet, Le Parisien note une contradiction entre le t=E9moignage du=20
commandant Jolibert, qui, dans un rapport sur la mort de la prostitu=E9e =

notait =E0 propos du veilleur de nuit, : =AB Je le soup=E7onnais de ne pa=
s=20
avoir dit =E0 qui il avait donn=E9 la cl=E9 (NDLR : de la chambre d'h=F4t=
el), et=20
qui avait utilis=E9 la chambre. =BB

Tandis que de son c=F4t=E9 le commandant Zerr affirmait le contraire au j=
uge=20
Lemoine : =AB =C0 aucun moment, nous n'avons pens=E9 que le veilleur de n=
uit=20
puisse avoir un r=F4le quelconque. =BB.

Le r=F4le des policiers reste donc tr=E8s trouble. L=92article du Parisie=
n=20
rappelle que Patricia avait r=E9v=E9l=E9, le 8 janvier de cette ann=E9e, =
avoir=20
assist=E9 au meurtre de Line. Elle assure qu'=E0 l'=E9poque, terroris=E9e=
, elle=20
n'avait rien dit sur l'ordre d'un policier. =AB Le 3 janvier 1992,=20
poursuit-elle, elle est all=E9e voir le commandant Lionel Z., car =AB (el=
le)=20
lui faisait confiance. =BB

=AB Je lui ai r=E9v=E9l=E9 ce qui s'=E9tait pass=E9 pour Line. Il me r=E9=
pond que,=20
pour moi, il est temps de partir, que je dois faire une d=E9position et=20
m'indique de n'en rester qu'aux g=E9n=E9ralit=E9s=85 Il m'accompagne deva=
nt ses=20
coll=E8gues, qui, d'ailleurs, ne me poseront aucune des questions que vou=
s=20
me posez=85 Lionel m'avait dit que l'affaire allait =EAtre class=E9e. =BB=


Le commandant Zerr, qui a produit, chez le juge, le tableau des vacances =

des policiers, sign=E9 du chef de service, assure de son c=F4t=E9 que Lio=
nel=20
Z. =E9tait =AB absent du 30 d=E9cembre au 16 janvier 1992. =BB En pareil =
cas, il=20
n=92aurait donc pas pu recevoir Patricia.

Un autre policier, Michel Moreau a affirm=E9 que c=92=E9tait lui qui avai=
t=20
re=E7u le t=E9moignage de la prostitu=E9e. =AB Interrog=E9 par le juge Le=
moine, le=20
major Michel Moreau explique que c'est lui qui a interrog=E9 Patricia =E0=
=20
l'=E9poque : =AB Mon sup=E9rieur me demandait de trouver des filles=20
susceptibles d'avoir travaill=E9 en m=EAme temps qu'elle. Il =E9tait=20
envisageable que Patricia, que je connaissais, puisse me donner des=20
renseignements. Je l'ai convoqu=E9e. =BB Pourtant cette derni=E8re a main=
tenu=20
son t=E9moignage.

Autant de t=E9moignages =E0 =E9claircir afin de savoir si nous nous trouv=
ons=20
devant une op=E9ration savamment mont=E9e pour =E9touffer l=92assassinat =
de Line=20
Galbardi ou devant des m=E9moires d=E9faillantes. En attendant, l=92enqu=EA=
te=20
cons=E9cutive =E0 ce meurtre a =E9t=E9 en dessous de tout. Il y a eu pour=
le=20
moins de graves fautes professionnelles et, au pire, un sc=E9nario digne =

d=92un mauvais film am=E9ricains traitant des ripoux.
Pourquoi le prox=E9n=E8te Lakhdar Messaoud=E8ne a-t-il pu =E9chapper =E0 =
la=20
justice aussi longtemps ? ***

L'ex-prox=E9n=E8te n'avait pas m=EAme =E9t=E9 interrog=E9 en 1992 sur la =
mort de=20
Line Galbardi alors qu'il =E9tait soup=E7onn=E9 d=92=EAtre son souteneur =
et de=20
viols sur mineure. Pourquoi de telles lacunes ?

Lakdhar Messaoud=E8ne, 40 ans, a =E9t=E9 aussit=F4t mis en examen pour=20
complicit=E9 d'assassinat dans le meurtre de la prostitu=E9e Line Galbard=
i,=20
commis dans la nuit du 2 au 3 janvier 1992. Et parce que son alibi =E9tai=
t=20
justifi=E9 par une for=EAt de tampons sur un passeport devenu illisible, =
il=20
a =E9t=E9 =E9galement mis en examen pour =AB faux et usage de faux docume=
nts=20
administratifs =BB. Le passeport est en cours d'expertise au laboratoire =

de la gendarmerie nationale.

Mais ce sinistre personnage, qui a longtemps =E9chapp=E9 =E0 la justice =E9=
tait=20
pourtant convaincu de prox=E9n=E9tisme et de viol. Selon les dossiers de =

justice, Lakhdar Messaoud=E8ne avait fait l'objet d'une enqu=EAte pour=20
prox=E9n=E9tisme aggrav=E9 d=E8s le 17 novembre 1991.

Le Parisien donne des pr=E9cisions sur cette enqu=EAte : =AB Une jeune fi=
lle=20
de 16 ans, Magalie, est surprise dans une voiture en train de se=20
prostituer par une patrouille de gendarmes. Elle leur raconte comment=20
elle a =E9t=E9 prise en main par Lakhdar qui lui fournit des v=EAtements =
sexy=20
et l'h=E9berge depuis septembre. Elle explique aussi comment Patricia, le=
=20
t=E9moin cl=E9 de l'affaire Al=E8gre, l'a mise en contact avec ce soutene=
ur.=20
Lakhdar lui prend tout l'argent des passes (jusqu'=E0 quatorze par soir) =

et la viole =E0 son domicile. Pendant trois semaines, les gendarmes filen=
t=20
le prox=E9n=E8te et rep=E8rent ses points de chute.

La mineure d=E9pose plainte ainsi que son p=E8re le 3 f=E9vrier 1992.=20
Entre-temps, Nathalie, une autre prostitu=E9e, =E2g=E9e de 19 ans =E0 l'=E9=
poque,=20
=E0 l'enfance douloureuse et m=E8re d'un petit gar=E7on de 2 ans plac=E9 =
=E0 la=20
Ddass, vend ses charmes pour subsister dans le quartier de la gare=20
Matabiau. Patricia l'a aussi pr=E9sent=E9e =E0 Lakhdar, qui, assure Natha=
lie,=20
=AB me prenait tout l'argent et me procurait les pr=E9servatifs =BB. Mais=
le=20
prox=E9n=E8te a des projets pour la jeune femme, qu'il veut placer sur le=
=20
trottoir =E0 Marseille.

Elle refuse car elle veut surtout conserver son droit de visite =E0 son=20
fils tous les quinze jours. Elle d=E9pose plainte et Lakhdar sera=20
finalement arr=EAt=E9 le 24 janvier 1992 =E0 son QG, le bar de la Meuni=E8=
re,=20
par les inspecteurs Brousse et Bernadou de la s=FBret=E9 toulousaine.

Jean-Marc Ducos conclut : =AB Mais jamais Lakhdar, qui =E9tait alors le=20
souteneur de Line Galbardi, n'a =E9t=E9 interrog=E9 sur le meurtre de cet=
te=20
derni=E8re, commis trois semaines plus t=F4t ni sur son emploi du temps =E0=
=20
l'=E9poque. Nathalie a d=E9clar=E9 le 27 janvier 1992 devant les gendarme=
s=20
que, selon elle, =AB le 20 d=E9cembre, il est parti en voyage en Espagne =

avec sa voiture =BB. =C0 Magalie, il a dit qu'il =E9tait parti aux Canari=
es ou=20
au Maroc. =AB Pourquoi, lorsqu'on arr=EAte un prox=E9n=E8te connu et surv=
eill=E9,=20
ne lui pose-t-on pas la moindre question sur une fille assassin=E9e dans =

le quartier ? =C9trange non ? Cet homme a la baraka =BB, s'indigne Me=20
Georges Catala, l'avocat de la famille de Line.

Lakhdar, incarc=E9r=E9 le 27 janvier 1992, a =E9t=E9 condamn=E9 =E0 trois=
ans de=20
prison par le tribunal correctionnel, le 4 novembre 1992 pour =AB=20
prox=E9n=E9tisme aggrav=E9 =BB. Il sera expuls=E9 en Alg=E9rie au terme d=
e sa peine=20
au printemps 1995. =AB Les deux viols commis sur Magalie ont =E9t=E9 pass=
=E9s =E0=20
la trappe, rel=E8ve M e Catala. =C0 l=92=E9poque, =E0 Toulouse, on peut s=
e faire=20
violer =E0 16 ans sans que cela entra=EEne un r=E9flexe de l'institution =

judiciaire. =BB