[Affaire Allegre-Baudis] L'agendas "salvateur"

Faits têtus (c ) Antoine Gaudamar, Libération

Rétractation surprise de Patrice Alègre sur le meurtre de deux
prostitués, confrontation de Dominique Baudis avec «Patricia», une de
ses accusatrices : une fois encore, l'affaire Alègre a connu hier un
de ces rebondissements dont elle a le secret. Il est trop tôt pour
dire si ces nouveaux épisodes du feuilleton judiciaire de l'année vont
éclaircir le ténébreux dossier ou pas. A tout le moins, le camp de
ceux qui crient à la machination semble avoir marqué un point. Agendas
salvateurs à la main, Dominique Baudis peut relever la tête et
affirmer avoir vu la calomnie dans les yeux de son accusatrice. Bien
qu'affaiblie par son incarcération pour complicité de faux témoignage,
celle-ci, pourtant, persiste. Mais s'il se confirme que l'ancien maire
de Toulouse n'est pour rien dans l'affaire, il ne faudrait pas pour
autant passer l'ensemble par pertes et profits. Car, malgré ces
contre-attaques et ces revirements, les faits sont têtus, à commencer
par cette série de meurtres classés ou déguisés en suicide qui ont eu
lieu à Toulouse dans les années 80-90. Pourquoi les policiers et les
magistrats mis en cause n'ont-ils toujours pas été entendus ? Les
soupçons de graves dysfonctionnements dans l'institution policière et
judiciaire toulousaine ne sont-ils pas suffisants ? Faut-il opposer
cette lenteur à la célérité des mêmes institutions à démonter la mise
en cause de Dominique Baudis ? Plus les réponses à ces questions parmi
d'autres tarderont, et plus prévaudra le sentiment désastreux que le
«recadrage» officiel de l'enquête cache une réelle entrave au bon
déroulement de l'enquête et ne vise, comme le craint un avocat des
prostituées, qu'«à protéger les personnes mises en cause». Dans ce
cas, et une nouvelle fois, au prétexte du secret de l'instruction et
du respect de la vie privée, la presse serait traitée comme un bouc
émissaire. De manière d'autant plus injuste, en l'occurrence, que ce
sont des personnes mises en cause qui ont choisi d'elles-mêmes de
rompre le silence alors qu'aucun média n'avait prononcé leur nom.
Quant au monde politique et judiciaire, son discrédit n'en serait que
renforcé. Et beaucoup risqueraient de penser que, dans cette affaire,
il y a eu des manipulateurs plus forts que d'autres.