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Brevet logiciel

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Roger
Bonjour,

Je viens de developper un logiciel pour la société où je travaille et on
vient de se rendre compte qu'un brevet (internationnal, ref. WO-X) a été
déposé pour une application peu ou prou similaire.
Il n'y a rien de très novateur dans les techniques employées
(client/serveur, base de données) et il y a pas mal de différences
d'implementation entre les deux applications.

Le brevet decrit precisemment la technique et n'etant pas habitué a
decortiquer les brevets je me demande ce qui est reellement breveté :
l'idée de l'application (qui est plutot originale) ou la technique utilisée
pour la mettre en oeuvre (qui est on ne peut plus commune et répendue).

J'aimerai avoir des avis et eventuellement des references vers des
professionnels pouvant repondre a la question clé : devrons nous verser des
royalties si nous commercialisons le logiciel.

6 réponses

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Xavier Roche
Roger wrote:
Je viens de developper un logiciel pour la société où je travaille et on
vient de se rendre compte qu'un brevet (internationnal, ref. WO-X) a été
déposé pour une application peu ou prou similaire.



Je viole au moins deux brevets directement de mon côté, aux US. Cela ne
m'empêche pas de dormir, personnellement.

Le système des brevets (logiciels) a dérivé au fil du temps, pour
diverses raisons (incompétence, raisons financières, manque de contrôle
sur les offices, etc.) et est devenu aujourd'hui problématique tant pour
les entreprises que pour les simples citoyens.

Tout d'abord, je vous conseille fortement de visiter le site de la FFII
(1), qui pourra vous donner des conseils concernant le problème des
brevets logiciels en Europe. Votre société peut au passage faire un don
à cette association, qui défend les interêts des entreprises européennes
face à la menace de quelques multinationales du logiciel. Je précise que
les dons peuvent être totalement anonymes, pour éviter des représailles
de la part des interêts pro-brevets.

Il n'y a rien de très novateur dans les techniques employées



Bon nombre des brevets logiciels, déposés aux US, concernent des
techniques triviales, tout comme en Europe hélas ; voir les quelques
exemples assez comiques donnés après (2)

De même, 98% des brevets US comportent des erreurs (3), et deux brevets
sur cent contiennent des erreurs tellement énormes qu'elles invalident
le brevet lui même. Et ne parlons pas des brevets "triviaux" acceptés
sans problème..

l'idée de l'application (qui est plutot originale) ou la technique utilisée
pour la mettre en oeuvre (qui est on ne peut plus commune et répendue).



Regardez attentivement les "claims": c'est ce que prétent défendre le
brevet en question. Le problème, c'est que le phrasé est souvent
ambigüe, et l'interprétation potentiellement très large.

J'aimerai avoir des avis et eventuellement des references vers des
professionnels pouvant repondre a la question clé : devrons nous verser des
royalties si nous commercialisons le logiciel.



Tout d'abord, les brevets s'appliquent dans le pays où est vendu le
produit ; si vous vendez aux US, vous serez soumis à la loi US sur les
brevets. En europe, sur la loi européenne.

Les brevets logiciels sont encore illégaux (en théorie) en Europe en
vertue de l'article 52 relatif aux brevets européens, ce qui n'a pas
empêché l'OEB d'en accepter des milliers ces dernières années en toute
illégalite, pour ensuite essayer de les légaliser avec la complicité de
la commission (le parlement a au final rejeté la demande, après une
bataille épique, notamment soutenue par la FFII), donc vous ne risquez
virtuellement rien dans l'espace européen, sauf des menaces éventuelles.

Aux US c'est différent ; même invalide ou trivial, un brevet peut se
défendre avec un bon avocat, et vous pouvez perdre pour peu que le juge
en face de vous soit plus habitué aux problèmes d'infidélité conjuguale
qu'aux nouvelles technologies. Et puis, regardez l'affaire RIM/NTP,
regardez l'affaire Eolas/Microsoft, regardez les affaires précédentes:
même avec beaucoup d'argent, vous pouvez perdre contre des brevets
logiciel idiots.

Maintenant,avant de débourser quoi que ce soit, considérez surtout ceci:
- les brevets logiciels sont de dangereuses armes, utilisées par
a. des cabinets en PI pour pratiquer de l'extorsion de fonds sur de
grosses sociétés (vous ne risquez rien si vous n'en faites pas partie)
qui préfèrent payer que de payer des frais d'avocat pour faire invalider
le brevet en question (en terme de brevets, il y a bien souvent
"présomption de culpabilité")
b. de grosses sociétés, pour tuer la concurrence (petites entreprises
innovantes)
c. de petites sociétés, pour essayer de se défendre (syndrome du père de
famille qui se ruine pour acheter un fusil automatique "pour défendre sa
famille")
- tant que vous restez discrets sur la technologie que vous employez,
c'est à dire si la "violation" du brevet n'est pas visible, vous ne
risquez pas grand chose ("pas vu pas pris")
- les royalties demandées sur des brevets logiciels, même triviaux, sont
souvent déraisonnables, notamment aux US, je vous souhaite de n'avoir
jamais a en payer

Je vous invite à vous inscrire (là aussi, anonymement si vous le
souhaitez) sur la liste de la FFII (4) ; en sachant également que la
FFII France vient d'être créée (5)


(1)
<http://ffii.org/>

(2)
Voir par exemple
<http://swpat.ffii.org/pikta/index.en.html>

(3)
Voir
<http://www.regdeveloper.co.uk/2006/01/20/proofreading_errors_in_software_patents/>

(4)
<http://lists.ffii.org/mailman/listinfo/fr-parl>

(5)
<http://wiki.ffii.de/FfiiFrance060130Fr>
Avatar
Charlie
Roger wrote:
Bonjour,

Je viens de developper un logiciel pour la société où je travaille et on
vient de se rendre compte qu'un brevet (internationnal, ref. WO-X) a été
déposé pour une application peu ou prou similaire.
Il n'y a rien de très novateur dans les techniques employées
(client/serveur, base de données) et il y a pas mal de différences
d'implementation entre les deux applications.

Le brevet decrit precisemment la technique et n'etant pas habitué a
decortiquer les brevets je me demande ce qui est reellement breveté :
l'idée de l'application (qui est plutot originale) ou la technique utilisée
pour la mettre en oeuvre (qui est on ne peut plus commune et répendue).

J'aimerai avoir des avis et eventuellement des references vers des
professionnels pouvant repondre a la question clé : devrons nous verser des
royalties si nous commercialisons le logiciel.





Les brevets logiciels sont illégaux en Europe, malgré une tentative de
la Commission Européenne de les imposer par la force via une directive
que les Eurodéputés ont rejeté deux fois.

Il n'en demeure pas moins vrai que l'Office européen des brevets (OEB)
un organisme strictement financier, indépendant de tout pouvoir
politique, a enregistré et continue d'enregistrer des milliers de
brevets logiciels, ce qui a poussé certains lobbies (Microsoft en tête)
à encourager la Commission dans sa Directive européenne, en faisant
valoir un "iatus juridique".

Si vous commercialisez votre produit en Europe, vous n'avez aucune
royaltie à verser. En revanche, aux Etats-Unis ou au Japon ou presque
tout et n'importe quoi a été breveté, depuis le curseur qui clignote en
passant le simple clic ou le double clic, on peut effectivement exercer
à l'encontre de votre entreprise du terrorisme juridique.

Charlie
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Xavier Roche
Charlie wrote:
Si vous commercialisez votre produit en Europe, vous n'avez aucune
royaltie à verser.



Attention cependant. Même en europe, la menace existe bien. N'oubliez
pas que le principe du brevet logiciel, c'est l'intimidation. Etre
protégé par le système des brevets logiciels, c'est comme être protégé
par la mafia: cela coûte cher, mais cela permet aussi de se débarasser
de concurrents génants. En toute légalité, bien sûr.

Une illustration par le cas présenté devant le parlement Européen durant
une séance publique organisée par divers parlementaires.

"Bernd Herd20: Losses Caused to me by Software Patents"
FFII Software Patent Legislation Benchmarking Conference
<http://www.softwarepatenten.be/doc/conferentie_ffii.pdf>

L'auteur avait développé pour un client un petit module logiciel pour
importer d'innombrables formats de cartes routières (depuis des données
publiées par la société "Landesvermessungsamter") en un format unique,
et souhaitait avec son accord placer le module en GPL une fois la
réalisation effectuée.

Là intervient une grosse société, EADS Dornier GmbH, qui menace
directement l'auteur et son client, et lui notifie la violation d'un de
ses brevets, qui en gros brevette tout système de
numérisation/conversion de cartes routière à partir de tels formats.

Après consultation des avocats de la société qui risquait d'être
attaquée, il est apparu que:
- le brevet était fort probablement invalide et fantaisiste
MAIS
- faire invalider ce brevet coûterait très cher en frais d'avocats et en
conseillers en propriété intellectuelle
- faire invalider ce brevet demanderait beaucoup de temps
- sortir le logiciel avant d'être sûr de son bon droit comporterait le
risque de payer une amende fatale pour son activité

Le choix pour cette petite société était donc simple:
- retarder la sortie de son logiciel, et encaisser une perte de revenus,
peut être définitive (un logiciel retardé, c'est la concurrence qui vous
rattrappe)
- payer les frais demandés

Il fut alors décidé, pour cette société, de payer des royalties
exhorbitantes, de 10,000 euros pour 3 ans (!). De plus, compte tenu des
risques pris par la société, la publication en GPL fut rendue
impossible. (responsabilité en cas de "violation de brevet" par un tiers?)

Il apparu quelques temps plus tard que le brevet était bien invalide,
car la société Landesvermessungsamter, éditrice des cartes en question,
utilisa le même procédé pour extraire les informations et les convertir
en un format unique, puis les vendre à un concurrent.

La morale de l'histoire ?
- une société peut déposer des brevets logiciels sur de la technologie
qu'elle ne maîtrise même pas, y compris sur la technologie de ses
concurrents
- une société peut déposer des brevets logiciels invalides ou
fantaisistes, même en europe, alors que c'est doublement interdit pas
les conventions (brevet trivial ET logiciel)
- une société détentrice d'un brevet, même potentiallement invalide,
peut s'en servir comme arme de chantage face à une société plus petite
- dans beaucoup de cas, c'est le plus riche qui gagne

Je vous invite à lire les autres témoignages de ce rapport, fort instructif.
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Charlie
Xavier Roche wrote:
Charlie wrote:

Si vous commercialisez votre produit en Europe, vous n'avez aucune
royaltie à verser.




Attention cependant. Même en europe, la menace existe bien. N'oubliez
pas que le principe du brevet logiciel, c'est l'intimidation. Etre
protégé par le système des brevets logiciels, c'est comme être protégé
par la mafia: cela coûte cher, mais cela permet aussi de se débarasser
de concurrents génants. En toute légalité, bien sûr.

Une illustration par le cas présenté devant le parlement Européen durant
une séance publique organisée par divers parlementaires.

"Bernd Herd20: Losses Caused to me by Software Patents"
FFII Software Patent Legislation Benchmarking Conference
<http://www.softwarepatenten.be/doc/conferentie_ffii.pdf>



Je partage, bien sûr, votre point de vue : le principe du brevet
logiciel c'est l'intimidation. C'est la raison pour laquelle j'ai
moi-même évoqué l'expression "terrorisme juridique".


Cela dit, la publication que vous référez date du 26 avril 2004. Or
depuis, le Parlement Européen a rejeté la directive sur la brevetabilité
des logiciels.
Ce qui serait intéressant de voir c'est ce qui pourrait se passer depuis.

En tous cas, merci beaucoup pour la synthèse de cette affaire que
j'ignorais totalement.

Amicalement,

Charlie
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Xavier Roche
Charlie wrote:
Cela dit, la publication que vous référez date du 26 avril 2004. Or
depuis, le Parlement Européen a rejeté la directive sur la brevetabilité
des logiciels.



Certes, mais cette affaire s'est déroulée sous le régime actuel, c'est à
dire que le rejet de la directive (qui visait à rendre totalement
légales les pratiques douteuses de l'OEB) signifie un statu-quo.

Donc un tel problème peut très bien ressurgir demain.

Il faut voir le rejet de la directive CII comme un "match nul" et non
pas une victoire (ou bien encore une "non défaite").

De fait, les pro-brevets ont *aussi* voté contre, de peur de laisser le
champ libre aux parlementaires qui auraient peut être amendé le texte de
manière très sévère (empêchant alors des pratiques douteuses et fort
lucratives).

D'un côté, on peut réaffirmer l'illégalité des pratiques de l'OEB, mais
de l'autre, on peut aussi affirmer leur légitimité. On reste dans un
"certain" flou. Un flou relatif, car l'article 52 ne devrait pas laisser
des interprétations trop fortes.

Ce qui serait intéressant de voir c'est ce qui pourrait se passer depuis.



En fait cette affaire ne sera pas réglée tant que le parlement ne
prendra pas les choses en main, c'est à dire:
- confirmation claire de l'illégalite de tout brevet logiciel
- mise au pas et éventuellement mise sous tutelle parlementaire pure et
simple de l'office des brevets (OEB), qui a montré son hostilité aux
principes démocratiques européens, et a probablement trahi ses
engagements initiaux

Et mise sous tutelle parlementaire des offices nationaux, qui eux aussi
ont des pratiques tout à fait discutables.
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Charlie
Xavier Roche wrote:
Charlie wrote:

Cela dit, la publication que vous référez date du 26 avril 2004. Or
depuis, le Parlement Européen a rejeté la directive sur la
brevetabilité des logiciels.




Certes, mais cette affaire s'est déroulée sous le régime actuel, c'est à
dire que le rejet de la directive (qui visait à rendre totalement
légales les pratiques douteuses de l'OEB) signifie un statu-quo.



Vous avez tout à fait raison de dire que l'affaire que vous relatez
s'est déroulée sous le régime actuel, c'est-à-dire comme vous le
soulignez, sans que les pratiques douteuses de l'Office européen des
brevets ne soient réglées.

Cela dit, bien que des amendements réaffirmant les principes de la
Convention sur l'Octroi des Brevets Européens signée à Munich le 5
octobre 1973 ne purent être votés, lors de la seconde lecture (est-il
besoin de rappeler les mécanismes de la procédure dite de codécision
qui nécessitent une majorité absolue avec 70% des Eurodéputés présents,
toute absence ou abstention étant considérée comme une adhésion à la
Directive de la Commission ?) ; pour la première fois de son histoire,
le Parlement Européen a refusé la procédure dite de conciliation.

En ce sens, s'il y a statu-quo, ce statu-quo est marqué par un évènement
historique sans précédent - la fronde des Europédéputés - que le
rapporteur de la Commission juridique du Parlement Européen - Michel
Rocard - a interprété comme "un message fort envoyé à l'OEB".



Donc un tel problème peut très bien ressurgir demain.

Il faut voir le rejet de la directive CII comme un "match nul" et non
pas une victoire (ou bien encore une "non défaite").

De fait, les pro-brevets ont *aussi* voté contre, de peur de laisser le
champ libre aux parlementaires qui auraient peut être amendé le texte de
manière très sévère (empêchant alors des pratiques douteuses et fort
lucratives).



Certes, mais me semble-t-il, compte tenu de la procédure dite de
codécision, cela aurait pu également être très risqué.

Il me semble, et peut-être que je me trompe, que le vote Français, puis
Hollandais, sur le Traité Constitutionnel Européen a joué.

Si les associations nationales du logiciel libre, en France, n'ont pas
pris de position officielle contre le Traité Constitutionnel (sans doute
aussi pour ne pas s'aliéner le soutien de Rocard qui avait campagne pour
le "oui"), la majorité des membres de cette communauté a joué un rôle de
premier plan pour expliquer, démonstration à l'appui avec l'exemple des
brevets logiciels, aux associations qui faisaient campagne pour le "non"
: le fonctionnement pervers et profondément anti-démocratique des
institutions Européennes que le Traité Constitutionnel enterrinait :

- intégration des lobbies dans les disositifs institutionnels qui sont à
l'origine de la majorité des Directives
- procédure de codécision

etc...

En ce sens, et peut-être me trompe-je totalement, que l'enjeu se joue
actuellement sur la DADVSI (qui pourrait rendre illégal le reverse
engineering). Si, le 7 mars prochain Donnedieu de Vabres et les lobbies
qu'il représente, arrive à imposer les DRM, alors il y a une forte
probabilité que l'on nous ressorte du chapeau, dans la foulée, un autre
projet de directive intitulé «directive pour un brevet communautaire».



Ce qui serait intéressant de voir c'est ce qui pourrait se passer depuis.




En fait cette affaire ne sera pas réglée tant que le parlement ne
prendra pas les choses en main, c'est à dire:
- confirmation claire de l'illégalite de tout brevet logiciel
- mise au pas et éventuellement mise sous tutelle parlementaire pure et
simple de l'office des brevets (OEB), qui a montré son hostilité aux
principes démocratiques européens, et a probablement trahi ses
engagements initiaux

Et mise sous tutelle parlementaire des offices nationaux, qui eux aussi
ont des pratiques tout à fait discutables.



Je ne peux, bien sûr, qu'acquiescer.

Je rajouterais, mais c'est une digression qui n'a rien à voir avec notre
propos : élection d'une Assemblée Constituante.


Amicalement Charlie