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Complexe affaire internationale à la CEDH de garde d'enfants et liée à une secte évangélique dispar ue (La Citadelle)

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roger gonnet
[en résumé express, la France n'a pas gagné, mais les prétentions des
plaignants , ex-membres de la Citadelle à qui la garde de leur très jeune
fille avait été retirée n'étaient que partiellement justifiées et ils n'ont
pas obtenu un sou. Le père avait été longtemps en fuite et finalement
condamné pour coups envers une autre mineure- ces violences semblent liées à
la secte dont les parents faisaient partie, secte disparue en France.
J'ignore si elle subsiste en Irlande - où les parents sont installés, ou
ailleurs dans le monde, et sous quelle forme.]

==

AFFAIRE SCHMIDT c. FRANCE



(Requête no 35109/02)

ARRÊT


STRASBOURG



26 juillet 2007









Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 §
2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.



En l'affaire Schmidt c. France,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en
une chambre composée de :

MM. C. Bîrsan, président,
J.-P. Costa,
Mmes E. Fura-Sandström,
A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Berro-Lefèvre, juges,
et de M. S. Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 juillet 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 35109/02) dirigée
contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Axel
Schmidt, et son épouse, Mme Delwyn Schmidt, ressortissante néo-zélandaise
(« les requérants »), ont saisi la Cour le 2 septembre 2002 en vertu de
l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants, qui ont été admis au bénéfice de l'assistance
judiciaire, sont représentés par Me Roger Kiska, avocat à Strasbourg. Le
gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent,
Mme Edwige Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des
Affaires étrangères.

3. Les requérants alléguaient en particulier une violation du droit au
respect de la vie familiale, garanti par l'article 8 de la Convention, en
raison du placement de leur fille, et plusieurs violations de l'article 6 §
1.

4. Le 9 mars 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au
Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a
décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé
de l'affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5. Les requérants, M. Axel Schmidt et Mme Delwyn Schmidt, sont nés
respectivement en 1959 et 1966 et résident à Carrickfergus (Irlande du
Nord). Ils étaient membres de l'Eglise chrétienne biblique, une église
évangélique protestante qui fut dissoute le 12 décembre 1990. Leur fille,
Victoria, est née le 27 janvier 1990.

6. Le 10 février 1993, des policiers, munis d'un mandat judiciaire,
perquisitionnèrent la maison des requérants, alors domiciliés à Sartrouville
(France), puis les emmenèrent avec leur fille Victoria à l'hôtel de police
pour les entendre en tant que témoins.

7. Le 11 février 1993, le requérant fut poursuivi pour coups et blessures
volontaires portés en 1987 sur la personne de S. A., un jeune enfant qui
avait, à l'époque des faits, quatre ans.

8. Le 12 février 1993, la juge des enfants de Versailles ordonna le
placement à la Direction départementale d'action sanitaire et sociale («
DDASS ») de Victoria, alors âgée de trois ans.

9. Dans sa décision, la juge des enfants se référait aux enquêtes menées
par le service départemental des mineurs le 3 juin 1992 et 11 février 1993,
à l'enquête de la section de recherches de la gendarmerie de Versailles en
date également du 11 février 1993, ainsi qu'aux pièces du dossier
d'information ouvert chez le juge d'instruction et versées au dossier
d'assistance éducative. La décision était ainsi motivée :

« Attendu que par Réquisitions du 10 février 1993, le Procureur de la
République de Versailles a ordonné le placement de Victoria Schmidt à la
DDASS des Yvelines ;

Attendu que le père de la mineure Axel Schmidt est actuellement inculpé et
placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une affaire ouverte au
criminel pour séquestration, défaut de soins et coups et blessures
volontaires sur mineurs ;

Que M. et Mme Schmidt appartiennent à l'Eglise Chrétienne Biblique autrement
dénommée « La Citadelle » et fondée par M. et Mme Mihaies ; que Madame
Mihaies est également inculpée dans le cadre du même dossier ;

Attendu qu'au moins deux dossiers d'assistance éducative ont déjà été
ouverts pour des enfants dont les parents appartiennent à « La Citadelle »
(Bahjejian et Antoine) ;

Que selon les rapports de la DDASS des Yvelines le 23 mars 1989, les
rapports d'Assistance Educative en milieu ouvert du Service Social du
tribunal pour Enfants qui lui ont fait suite et les déclarations de M. et
Mme Chazaud et M. et Mme Bahjejian, grands-parents des enfants Bahjejian,
les enfants au teint blême, au masque figé, ne manifestent aucune
spontanéité, que leur éducation est essentiellement confiée « aux aînées Mme
Mihaies et Mme Antoine » et non à leurs parents ; qu'ils sont uniquement
scolarisés par correspondance, coupés du monde extérieur présenté comme
satanique ; que les activités ludiques sont particulièrement réduites et
suspectes ;

Attendu que ces déclarations sont confirmées par celles d'anciens adeptes :
époux Solomon, époux Nicolas Schmidt, Dana Solomon, Calire Antoine, époux
Plantier, Habary, ayant quitté le mouvement religieux et qui précisent, par
ailleurs, que les enfants sont astreints à des jeûnes fréquents, à un
sommeil réduit et soumis à des punitions corporelles sous forme de gifles et
de coups de ceinture.

Qu'ils soulignent qu'un climat de suspicion et de délation règne en
permanence, les enfants n'osant se confier à leurs propres parents de
crainte d'être dénoncés ou punis par eux ou par les autres adeptes ;

Attendu que la jeune Victoria Schmidt âgée de 3 ans a toujours été élevée
dans la communauté, soustraite à tout contact familial (grands-parents,
oncles, tantes) et social autre que ceux du groupe religieux et soumise à un
régime d'enfermement ;

Attendu que les conditions d'éducation évoquées ci-dessus sont de nature à
compromettre gravement l'équilibre psychologique et l'épanouissement de la
mineure ;

Attendu que les droits de visite et d'hébergement seront réservés en l'état
dans l'attente de rapports psychologiques sur la mineure ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer la mesure de placement ordonnée
par le Procureur de la République. »

10. Le 24 février 1993, la juge des enfants convoqua les requérants pour la
première fois. A cette occasion, les requérants produisirent le carnet de
santé de leur fille, sur lequel le pédiatre avait écrit « superbe enfant »
en décembre 1992, ainsi que plusieurs certificats médicaux du même pédiatre.
Dans un certificat établi le 23 février 1993, le pédiatre notait que la
requérante s'était montrée affectueuse et attentive à son enfant et que si
la séparation se prolongeait, elle ne manquerait pas d'avoir des
conséquences sérieuses sur le développement psychique de Victoria.
Ultérieurement, la requérante remit à la juge une attestation du même
pédiatre, datée du 23 juillet 1993, déclarant qu'il avait suivi Victoria
depuis l'âge d'un mois et qu'il n'avait rien remarqué d'anormal, ainsi que
des attestations de membres de sa famille et de tiers.

11. Selon la requérante, lors d'une réunion du 16 juillet 1993 avec la juge
des enfants, celle-ci, en aparté, lui aurait suggéré de divorcer afin
d'accélérer le processus de regroupement familial avec Victoria.

12. Le 30 juillet 1993, cette mesure fut prolongée par la juge, un droit de
visite étant attribué aux parents, dans le cadre de l'Aide sociale à
l'enfance en lieu neutre et en présence d'au moins un tiers. La juge se
prononça notamment comme suit :

« Attendu que par ordonnance provisoire de placement du 12 février 1993,
Victoria a été confiée à l'Aide Sociale à l'Enfance des Yvelines au vu
d'éléments indiquant que ses conditions de vie étaient de nature à
compromettre gravement son évolution, son équilibre psychologique et son
épanouissement ;

Qu'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert a été confiée à la
Sauvegarde des Yvelines le 26 février 1993 ;

Attendu que les parents, bien que n'ayant pas fait appel de l'ordonnance de
rapport provisoire, la contestent formellement et réclament le retour de
leur enfant, considérant que la Justice a été abusée dans cette affaire et
niant la réalité des faits relevés dans les motifs de l'ordonnance ;

Attendu qu'ils bénéficient du soutien de nombreux citoyens anglo-saxons
s'indignant du « rapt » des enfants Mihaies, Bahajejian, Antoine et Schmidt
par la Justice française et dénonçant cette « persécution religieuse » ;

Attendu que le rapport d'assistance éducative en milieu ouvert conclut qu'un
travail de fond n'apparaît pas possible en raison de la position de M. Axel
Schmidt qui nie que sa fille ait pu être en danger ; exige le retour
immédiat et sans condition ainsi que la reconnaissance par la Justice de son
erreur « inqualifiable » ;

Que le rapport souligne la plus grande réceptivité de Mme Schmidt à l'idée
d'un travail éducatif lui permettant de revoir sa fille mais s'interroge sur
sa capacité à adopter une position différente de celle de son mari ;

Attendu que l'expertise psychiatrique ordonnée pour les deux parents et
effectuée le 25 juin 1993 et le 28 juin 1993 préconise des droits de visite
et conclut à l'impossibilité d'un retour de la mineure au domicile de ses
parents en raison principalement de la personnalité de M. Schmidt décrite
comme ayant une « structure paranoïaque et psychorigide, méfiance,
conviction de détenir la vérité, paralogisme, comme ayant également une foi
profonde et légitime, mais dont les implications dans son cas sont marquées
du sceau de sa psychorigidité » il est à noter également un discours
révélant une mentalité subdélirante à propos d'un complot vague, que
l'expert poursuit que la dangerosité est en rapport direct avec
l'application stricte de la conception religieuse sans concession et sans
remise en cause et qu'à ce titre, il est légitime d'éviter toute emprise de
M. Schmidt sur des jeunes, que le retour de sa fille ne pourra être envisagé
que si l'intéressé peut se remettre en cause ;

Attendu que M. et Mme Schmidt ne se sont jamais rendus au deux rendez-vous
fixés par l'expert psychologique ;

Attendu que les parents entendus le 16 juillet 1993 en présence de Me
Lumbroso demandent le retour inconditionnel de leur fille à leur domicile,
se déclarent inquiets des traumatismes subis par elle du fait de son retrait
qui, selon eux, peut seul expliquer le comportement de l'enfant décrit dans
le rapport de l'Aide Sociale à l'Enfance ; qu'ils soulignent que Victoria se
montrait chez eux affectueuse et qu'elle a toujours vécu en famille dans un
cadre normal, chaleureux et épanouissant ;

Attendu que M. Schmidt réfute en bloc toutes les déclarations des enfants
Antoine et Mihaies quant à sa participation à leur éducation et à
d'éventuels mauvais traitements ;

Attendu que les rapports de l'Aide Sociale à l'Enfance, les 9, 12, 13, 17,
18 mars 1993 puis 19 mai 1993 décrivent l'état de Victoria à son arrivée :
« physiquement : visage inexpressif, regard vide, fixe et hagard ;
émotionnellement : sans réaction affective, enfant figée, présentant une
trop grande docilité, acquiescement à tout, molle, se laissant faire telle
une poupée de chiffon, fuyant les contacts affectifs et ludiques » petite
fille comme tombée d'une autre planète, insensible à tout, qui ne crie pas,
ne pleure pas, ne parle pas même de ses parents qu'elle ne réclame pas même
après cinq mois de placement, mais rapportant aux adultes les bêtises des
autres enfants » ;

Que le rapport fait état d'une évolution favorable surtout au niveau de la
classe et du jeu solitaire, d'une capacité à sourire et d'un comportement
moins distant ;

Attendu que le 26 mars 1993 et le 12 juillet 1993, M. Pers, Vice-Président
du tribunal pour Enfants puis moi-même en présence du Greffier du cabinet
nous sommes rendus sur le lieu de placement pour apprécier les conditions de
vie de la mineure et son évolution ;

Attendu que selon les déclarations des enfants Antoine le 1er juillet 1993,
Axel Schmidt se montrait brutal avec la quasi-totalité des enfants de la
secte y compris sa propre fille qu'il frappait parfois soudainement juste
après l'avoir câlinée ;

Sur le maintien du placement

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que les conditions d'éducation
étaient bien de nature à compromettre gravement l'évolution, l'équilibre
psychologique et l'épanouissement de Victoria ; qu'il convient de maintenir
le placement à l'Aide Sociale à l'Enfance des Yvelines ;

Sur la mesure d'assistance éducative en milieu ouvert

Attendu qu'il résulte du rapport de la Sauvegarde qu'aucun travail éducatif
n'est possible, compte tenu de la position des parents ; qu'il y a lieu de
donner mainlevée de la mesure d'assistance éducative en milieu ouvert
confiée à la Sauvegarde des Yvelines ;

Sur le droit de visite et d'hébergement

Attendu qu'il semble de l'intérêt de Victoria de rencontrer ses parents dans
le cadre de l'Aide sociale à l'enfance en lieu neutre, et en présence d'au
moins un tiers ; »

13. Les requérants affirment avoir découvert quelques mois plus tard
qu'alors qu'il ne leur était accordé le droit de voir leur fille qu'une
seule fois pendant une heure, en dehors de son lieu de placement, un droit
de visite était octroyé aux grands-parents paternels de Victoria, qui
pouvaient l'exercer régulièrement.

14. Le 6 août 1993, les requérants formèrent un appel contre la décision du
30 juillet 1993, devant la cour d'appel de Versailles. L'audience eut lieu
le 24 février 1994 et la cour d'appel rendit son arrêt le 17 mars 1994,
confirmant la décision susmentionnée.

15. Par la suite, la requérante quitta la France pour retrouver sa famille
en Nouvelle-Zélande et donner naissance à son deuxième enfant, Elvira, le 17
mars 1995.

16. Le 1er juin 1995, la juge des enfants fixa une nouvelle date d'audience
et adressa une convocation à la requérante qui la recevait en
Nouvelle-Zélande deux jours avant l'audience du tribunal de grande instance
de Versailles. La requérante sollicita le report de l'audience, qui lui fut
refusé.

17. Sur les conclusions du procureur, la garde de Victoria fut confiée, par
jugement du 4 juillet 1995, à ses grands-parents paternels, à leur demande
et dans l'intérêt de la mineure. Dans le même jugement, la juge supprima
tout droit de visite des parents.

18. En décembre 1995, les services sociaux de Nouvelle-Zélande effectuèrent
une enquête sur les conditions de vie de la requérante et évaluèrent
positivement le caractère propice du foyer de celle-ci pour accueillir
Victoria.

19. Par un jugement du 21 juin 1996, la juge confirma le placement et
instaura, afin d'aider les grands-parents, une mesure d'assistance éducative
en milieu ouvert d'une durée d'un an à compter du 4 juillet 1996. La juge
s'exprima ainsi :

« Attendu que la mineure évolue favorablement au sein de sa famille
paternelle, ayant aujourd'hui pleinement conscience de sa place dans le
génogramme familial grâce à l'attention et à l'investissement quotidien de
ses grands-parents, à la mesure éducative en milieu ouvert et à la mise en
place d'un échange de courriers avec la famille Jones ;

Attendu que M. Axel Schmidt ne se manifeste absolument pas auprès du Juge
des Enfants, ni davantage auprès de ses parents ou du service éducatif ;

Que Mme Delwyn Schmidt, bien qu'elle soit un peu plus présente, continue de
nier le bien-fondé de l'intervention judiciaire en ce qui concerne sa fille,
disant craindre de venir en France à l'audience car « son second enfant
pourrait lui aussi être enlevé », considérant que ce sont ses convictions
religieuses qui lui sont essentiellement reprochées, qu'elle maintient sa
demande de l'année passée de restitution de sa fille par l'intermédiaire de
Mr Ian Paisley, député européen, qui n'a par ailleurs aucune qualité
juridique pour la représenter utilement ;

Attendu que les moyens invoqués par Mme Schmidt ne sont pas fondés ;

Qu'un retour sans aucune préparation psychologique et éducative de la
mineure et de sa famille n'est pas envisageable ; que même un droit de
visite de la grand-mère maternelle et de la mère de Victoria devra
préalablement pour l'une être précédé d'un courrier adressé au juge des
enfants, pour l'autre, d'une demande de rendez-vous avec présentation
personnelle ;

Qu'en l'état, la famille maternelle est conviée instamment à travailler avec
le service éducatif de Fourqueux dans le but d'aider Victoria à retrouver
les siens ;

Que les mesures prises l'année dernière sont renouvelées pour une année
supplémentaire. »

20. Afin de faciliter les démarches en vue de retrouver la garde de
Victoria, la requérante s'installa en Irlande du Nord.

21. Le 12 septembre 1997, la requérante fit un déplacement en France pour
rencontrer la juge des enfants. Selon la requérante, il était convenu au
cours de l'audience qu'une première rencontre avec Victoria, de même qu'avec
les grands-parents, devait avoir lieu en vue d'organiser le retour au foyer
de Victoria.

22. Le 30 septembre 1997, la juge des enfants prolongea la mesure de
placement chez les grands-parents. La juge se prononça comme suit :

« Attendu que pendant l'année écoulée, la mineure a continué de bien évoluer
au domicile de ses grands-parents paternels chez qui elle vit maintenant
depuis deux ans, entourée par la famille élargie, soutenue par le service
éducatif en milieu ouvert, échangeant une petite correspondance régulière
avec sa mère et s'autorisant à réclamer cette dernière, questionnant ses
grands-parents sur son histoire ;

Attendu que Mme Margaret Jones, grand-mère maternelle de Victoria, a écrit
pour solliciter l'autorisation de rendre visite à l'enfant dans le courant
de l'année prochaine 1998 ;

Attendu que rien ne s'oppose à cette visite dès lors que Mme Jones
rencontrera préalablement le juge des enfants qu'elle informera de ses dates
de voyages et que Victoria ne restera pas seule avec elle ;

Attendu que pour la première fois depuis trois ans, Mme Delwyn Jones-Schmidt
s'est présentée en personne à l'audience du 12 septembre 1997 ;

Qu'elle a manifesté le souhait de revoir Victoria, voire même de la ramener
avec elle dans les meilleurs délais, considérant que sa fille lui a été
enlevée alors qu'elle l'élevait dans des conditions normales, qu'elle n'a
pas revu son mari depuis 1995 et que ses relations avec les membres de la
« Citadelle » sont terminées depuis 1995, qu'elle est partie en
Nouvelle-Zélande par crainte d'une décision de justice identique pour son
enfant à venir, ajoutant qu'il n'est pas question pour elle d'amener sa
fille Elvira en France actuellement ;

Attendu qu'il résulte de l'audience que Mme Jones-Schmidt d'une part,
continue d'écarter les motifs de sa séparation d'avec Victoria, à savoir
l'adhésion à la « Citadelle » et la conception et les règles de vie
inhérentes à cette adhésion de nature notamment à mettre les enfants en
danger, d'autre part, ne comprend pas pourquoi elle ne pourrait pas revoir
sa fille dès le jour de l'audience ou peu après, alors que Victoria n'est
pas informée de sa présence en France ;

Qu'elle est informée que si le juge des enfants n'est pas opposé à un
échange de correspondance et de photos, il n'est pas davantage opposé à une
rencontre entre Victoria et elle-même avec Elvira, dès lors que cet
évènement est préparé, amené progressivement notamment par la rencontre
préalable avec Mme Margaret Jones, réalisé en lieu neutre, voire dans le
cabinet du juge des enfants ;

Qu'en tout état de cause, ces retrouvailles ne pourront se faire qu'au
rythme de Victoria, laquelle pourra être soutenue tant dans le cadre de la
mesure éducative en milieu ouvert qu'auprès d'un thérapeute (psychologue) ;

Que pour répondre à Mme Delwyn Schmidt sur sa demande d'emmener Victoria en
Nouvelle-Zélande - ou ailleurs -, cela reste conditionné par la nécessité de
réaliser une enquête sociale sur place et de garantir le retour de Victoria
en France tant qu'il n'en serait pas décidé autrement par les autorités
judiciaires ;

Attendu que l'aboutissement de ces projets demeure néanmoins soumis à la
réserve qu'il existe encore trop de contradictions entre les explications
qui sont données par M. et Mme Dominique Schmidt, par la justice et ses
auxiliaires à Victoria sur son histoire et sa séparation d'avec ses parents
et celles que persiste à donner Mme Delwyn Jones-Schmidt tant à l'audience
que dans les courriers qu'elle peut écrire ;

Attendu qu'enfin, demeurent en suspens les relations que Mme Jones-Schmidt
peut encore avoir avec son mari, Axel Schmidt, qui selon elle, serait parti
pour la protéger ;

Attendu qu'en conclusion, il convient de maintenir Victoria chez ses
grands-parents paternels dans les termes du dispositif ci-après et de
renouveler la mesure éducative en milieu ouvert pour soutenir en fonction de
l'évolution à venir de la situation. »

23. En mars 1998, la requérante apprit que Victoria était sur le point de
se faire baptiser à l'Eglise catholique romaine. Après s'être vigoureusement
opposée à ce baptême, la requérante obtint l'annulation de ce projet.

24. Le 14 mai 1998, la juge des enfants reconduisit la mesure aux motifs
suivants :

« Attendu qu'aux termes du jugement du 30 septembre 1997, Victoria a été
maintenue au domicile de ses grands-parents paternels et la mesure éducative
en milieu ouvert renouvelée pour soutenir la mineure en fonction de
l'évolution à venir de la situation ;

Attendu que Mme Jones-Schmidt a continué durant ces derniers mois à écrire à
sa fille, à lui adresser des présents sans pour autant communiquer avec M.
et Mme Dominique Schmidt ni avec le service éducatif ;

Qu'elle vit apparemment très régulièrement au Royaume-Uni où elle exerce des
activités qu'elle n'a pas jugé utile de préciser dans la communication
téléphonique du 14 mai 1998, alors qu'au cours de l'audience du 30 septembre
dernier, elle avait indiqué qu'elle vivait en Nouvelle Zélande auprès de sa
famille ;

Attendu que Mme Margaret Jones, grand-mère maternelle de Victoria, doit
venir en France en juillet prochain pour rencontrer sa petite-fille et se
présentera comme prévu chez le juge des enfants à cette occasion ;

Attendu que Victoria de son côté évolue toujours dans des conditions
satisfaisantes tant sur le plan matériel que scolaire, bien qu'elle ne
paraisse pas très bavarde et ne manifeste que peu ses sentiments sur une
situation qu'elle commence à bien comprendre notamment à l'occasion
d'évènements tels que son baptême qui était prévu à sa demande il y a
quelques semaines et qui a dû être annulé à la demande de Mme Jones-Schmidt
;

Attendu que les termes du jugement du 30 septembre 1997 demeurent valables
en leur intégralité à propos d'une part, de la résidence de la mineure chez
ses grands-parents paternels, d'autre part, de la relation de Victoria avec
sa maman et de son évolution ;

Qu'en revanche, il n'apparaît pas utile de maintenir davantage la mesure
éducative en milieu ouvert dans le présent contexte. »

25. Le 13 juillet 1998, la juge des enfants convoqua la requérante pour une
nouvelle audience au cours de laquelle elle revit sa fille pour la première
fois après cinq ans de séparation. Aucune suite ne fut donnée à cette
rencontre.

26. En 1998, Victoria fut inscrite, selon le souhait de sa mère, au cours
d'anglais dispensé par le British Council à Paris. Les grands-parents
paternels ayant décidé d'interrompre la participation de Victoria à ces
cours, la requérante écrivit à plusieurs reprises à la juge des enfants pour
solliciter son intervention afin que les grands-parents reviennent sur leur
décision. La requérante se tint informée tout au long de l'année scolaire
1998-1999 des progrès de Victoria et rendit même visite à la professeur
d'anglais de celle-ci.

27. Les 15 décembre 1997 et 26 juin 1998, la requérante forma deux appels
contre les décisions des 30 septembre 1997 et 14 mai 1998, devant la cour
d'appel de Versailles. Elle demandait qu'un programme de visites soit établi
pour préparer le retour de Victoria avec elle et produisait, à l'appui de sa
demande, plusieurs documents démontrant que Victoria bénéficierait des
meilleures conditions pour son adaptation et son développement en Irlande du
Nord ainsi que de toutes les garanties matérielles et morales requises.

28. Le 17 juin 1999, la cour d'appel confirma la mesure confiant Victoria à
ses grands-parents, mais rétablit la mesure d'aide éducative qui avait été
levée. La cour se prononça en ces termes :

« Mme Delwyn Jones-Schmidt, présente et assistée, indique pour la première
fois son domicile actuel réel et accepte que le greffier en prenne note sur
le plumitif et lui notifie la décision à intervenir à cette adresse privée
sise en Irlande (Royaume-Uni).

Elle considère que les grands-parents paternels de sa fille Victoria Schmidt
n'offrent pas de conditions satisfaisantes d'hébergement et d'éducation en
raison principalement de leur âge (quasi-septuagénaires), de leur
obstination à vouloir faire pratiquer à leur petite-fille, avec sacrement de
baptême, la religion catholique alors qu'elle-même, de confession
protestante, a fait officiellement connaître qu'elle s'y opposait avec
véhémence et de leur « permissivité », acceptant sans retenue que Victoria
refuse de suivre les cours de langue anglaise alors qu'elle les considère
comme indispensables à la reconnaissance et à la réalité de la
bi-nationalité franco- néo-zélandaise de son enfant.

L'appelante se considère consciente des difficultés d'un retour de Victoria
à son domicile, après plusieurs années de séparation, dans un contexte
psycho-socio-économique, affectif et géographique très différent de celui
que la mineure a connu très jeune.

Elle déclare, sans toutefois en préciser les modalités, même oralement, ne
pas être opposée à une évolution progressive à condition que le terme en
soit judiciairement fixé au plus vite.

Elle fait conclure et plaider dans l'une et l'autre des procédures soumises
à l'examen de la Cour :

1) que le « retrait » de Victoria en 1993 et son placement à l'Aide Sociale
à l'Enfance dans des circonstances certes délicates mais des conditions
inappropriées et violentes, est peut-être aujourd'hui, avec le recul du
temps, explicable en raison du contexte mais demeure injustifié ;

2) que depuis elle est une « mère écorchée vive » et qu'avec lucidité elle
sort enfin de la « clandestinité » pour justifier qu'elle est, à travers sa
seconde fille Elvira dont elle était enceinte au moment de la procédure
pénale, une bonne éducatrice qui présente toutes garanties matérielles et
morales pour élever et éduquer ensemble et immédiatement ses enfants.

Le père de Victoria, Axel Schmidt est, sans adresse officielle connue. Il
n'a pu être entendu.

Les époux Dominique Schmidt (grands-parents paternels) demandent la
confirmation de la décision critiquée. Ils contestent les arguments invoqués
par celle qui demeure leur belle-fille, font valoir, sans preuve, que cette
dernière est dorénavant domiciliée en Irlande du Nord à la demande de la
secte à laquelle les parents de Victoria appartiennent et qu'ils sont
favorables à la mise en place d'une « connaissance réciproque » associant
les rencontres des deux sours (Victoria et Elvira).

Le Ministère Public se félicite de l'intervention prudente du juge des
enfants dans une « procédure douloureuse » et considère qu'il convient, en
confirmant la décision critiquée, d'attendre que l'information soit
complète.

Les faits

Par ordonnance du 12 février 1993 Victoria Schmidt a provisoirement été
confiée à l'ASE des Yvelines, ses conditions de vie au sein de la secte la
« Citadelle » dont ses père et mère étaient adeptes inconditionnels, étant
de nature à compromettre gravement son évolution, son équilibre
psychologique et son épanouissement.

Le magistrat spécialisé, en dépit du soutien et des pressions des amis
d'origine anglo-saxonne du couple parental, s'indignant du « rapt » de leurs
enfants et dénonçant une « persécution religieuse », a maintenu par jugement
du 30 juillet 1993 cette mesure de protection judiciaire malgré les
dénégations des époux Schmidt-Jones en raison des constatations des
enquêteurs, et des conclusions de l'expert-psychiatre.

Le père de l'enfant poursuivi et condamné pénalement est en fuite. Il se
trouverait en Grande-Bretagne. Son épouse et ses parents prétendent ne plus
l'avoir rencontré depuis.

Après trois ans de silence qu'elle explique, sans en justifier, par un
séjour dans sa famille en Nouvelle-Zélande, la mère refuse de revenir en
France. Par jugement du 21 juin 1996 le Juge des Enfants, après avoir
minutieusement préparé cette décision, confie Victoria à ses grands-parents
paternels et instaure pour les aider avec exécution provisoire une mesure
d'assistance éducative en milieu ouvert d'une durée d'un an à compter du 4
juillet 1996 dont l'exercice est confié à la Sauvegarde des Yvelines
(antenne Fourqueux).

Il renouvelle cette mesure « jusqu'à ce qu'il en soit autrement statué » par
jugement du 30 septembre 1997 après que Mme Delwyn Jones-Schmidt se soit
personnellement manifestée pour la première fois.

Il s'agit de la décision déférée en premier lieu. Par jugement subséquent du
14 mai 1998 il donne main levée de la mesure d'assistance éducative en
milieu ouvert, décision également frappée d'appel.

Considérant que l'appelante s'est ingénument étonnée que l'autorité
judiciaire continue « d'évoquer son mari dont elle est séparée » alors
qu'elle occulte ainsi son rôle « anti-éducatif » prépondérant ayant motivé
l'intervention policière qu'elle conteste : que de surcroît elle ne réfute
pas sérieusement être revenue sur le territoire européen sans vouloir (et,
ou) pouvoir rencontrer le père de ses enfants dont elle n'a jamais affirmé
être affectivement et réellement séparée ;

Considérant, au terme d'un lent et minutieux processus particulièrement
contrôlé, que le magistrat spécialisé a évité une séparation douloureuse et
irréparable de Victoria d'avec sa famille légitime en privilégiant le
maintien des relations grand-parentales non contestables ;

Considérant que les relations inter-personnelles de tous les adultes
concernés par la présente procédure demeurent, en dépit de leurs réponses
« offusquées », incertaines sinon occultes, au mépris de la protection de la
santé, de la sécurité et de la moralité d'une enfant qui est depuis trop
longtemps l'objet de conflits éducatifs et religieux toujours vifs et
exacerbés ;

Considérant que si la mesure de protection judiciaire de la jeune Victoria
Schmidt confirmée par arrêt distinct de ce jour illustre une «
incompréhension réciproquement voulue », elle ne saurait néanmoins
conforter, sans contrôle ni rendu compte judiciaire, le rôle permissif sinon
pervers des grands-parents paternels quand bien même apparaît-il inconscient
et involontaire ;

Qu'en effet une mesure de protection ne saurait, au cours de son exécution,
se transformer en « appropriation » créatrice d'un danger nouveau et
distinct ;

Considérant que le maintien de la mesure d'assistance sociale éducative en
milieu ouvert, malencontreusement levée, apparaît donc indispensable et
inéluctable dans l'intérêt même de la mineure ;

Que le jugement du 14 mai 1998 susvisé sera donc réformé de ce chef ;

Les frais de procédure resteront à la charge du Trésor ; »

29. Le 29 juin 1999, le juge des enfants accorda à la mère un droit de
visite dans un lieu neutre en relevant que :

« Attendu qu'il résulte des débats que Victoria vit toujours au domicile de
ses grands-parents paternels auprès desquels elle évolue de manière
satisfaisante tant dans le cadre scolaire qu'extra-scolaire, qu'elle
manifeste expressément le souhait de rester auprès d'eux, ayant ses repères
et ses amis, comprenant bien aujourd'hui la complexité de sa situation et
acceptant mal les tensions qui demeurent entre ses grands-parents et sa mère
à son sujet, qu'elle ne veut pas aller vivre en Angleterre mais accepte
volontiers de voir sa mère de temps en temps et souhaiterait aussi connaître
sa sour Elvira ;

Attendu que Mme Jones ne s'est que très ponctuellement manifestée auprès de
sa fille et seulement par courrier durant l'année écoulée, n'ayant pas
davantage d'échange avec les grands-parents ; que ce n'est que devant la
Cour d'appel qu'elle a enfin donné son adresse dite personnelle ;

Qu'elle maintient sa demande d'avoir dans les meilleurs délais la
possibilité d'accueillir Victoria chez elle ;

Attendu que la demande est encore aujourd'hui trop précoce et ne tient pas
suffisamment compte du passé et de la maturité de Victoria ; qu'il ne pourra
y avoir d'évolution qu'à partir du moment où Mme Jones, respectée dans son
autorité parentale, se rendra suffisamment disponible pour venir en France
rencontrer sa fille dans le cadre d'un point-rencontre et mieux se connaître
l'une l'autre, acceptera aussi la nécessité du maintien des liens entre
Victoria et ses grands-parents.

Qu'au vu de la situation présente, il y a lieu de maintenir Victoria chez
ses grands-parents paternels (...) »

30. Le 31 mars 2000, un droit de visite, avec sortie sans accompagnement
éducatif, fut accordé à la mère de Victoria au vu de l'évolution de la
situation et une expertise psychologique fut ordonnée.

31. Par un jugement du 11 juillet 2000, le placement de Victoria chez ses
grands-parents fut confirmé et, au vu de l'expertise psychologique, un droit
de visite et d'hébergement fut accordé à la mère (sous contrôle de la maison
de la Médiation). Le juge nota :

« Attendu qu'il ressort de l'audience que Victoria continue de bien évoluer
dans le cadre de vie actuel tant sur le plan scolaire que psychique ;
qu'elle a pu rencontrer régulièrement sa mère et en a tiré un certain
bénéfice et de la curiosité par rapport à son histoire familiale et
personnelle ;

Attendu que Mme Jones revendique toujours la résidence de sa fille chez elle
au motif que sa fille n'est pas en danger auprès d'elle, que les
grands-parents accaparent et manipulent Victoria ;

Que Victoria, entendue seule, a déclaré ne pas souhaiter aller vivre avec sa
mère en Irlande mais rester vivre avec ses grands-parents, ne pas même se
rendre chez sa mère pour l'instant pendant les vacances et accepter
seulement de passer quelques jours avec elle dans le cadre du droit de
visite organisé par la Maison de la Médiation ;

Attendu que M. et Mme Dominique Schmidt déclarent que leur petite-fille
évolue bien, qu'ils sont conscients qu'une évolution doit se faire dans
l'intérêt de Victoria et qu'un jour peut-être cette dernière ira vivre en
Irlande avec sa mère, qu'en maintenant une prudence certaine, ils sont prêts
à accepter et à participer à l'organisation d'un droit d'hébergement de Mme
Jones pour Victoria et même à accueillir Mme Jones chez eux sur leur lieu de
vacances ;

Attendu qu'il ressort de l'expertise psychologique « qu'un retour en famille
dans un pays inconnu pour Victoria est prématuré mais que des vacances de
plus en plus longues dans leur durée devraient permettre à l'enfant de
s'apprivoiser avec l'environnement maternel » ; que la prudence est
recommandée « en tenant compte de la détresse qu'a pu vivre cette fillette
dans sa petite enfance qu'il ne faut pas réactiver aujourd'hui parce qu'il
deviendrait urgent que réparation soit faite à sa mère » ; que « Victoria a
vécu un traumatisme qui a laissé une fracture en elle et la confier
instantanément à sa mère se conçoit légalement mais le psychisme ne peut
intégrer ce discours qu'il vit comme une effraction violente qu'il faut lui
éviter sous peine d'ajouter au traumatisme initial » ;

Attendu qu'au vu de tout cela, avec le concours de la Maison de la
Médiation, et en accord avec Mme Jones, M. et Mme Schmidt et Victoria, un
hébergement du mercredi 12 juillet 2000 au samedi 15 juillet 2000 peut être
organisé sous réserve des conditions déjà posées dans le jugement du 31 mars
2000, sur le territoire français ;

Qu'au vu de cette proposition et en fonction de son bon déroulement, un
droit d'hébergement pourra alors être accordé de manière plus durable à Mme
Jones ;

Que néanmoins, il ne peut être satisfait à la demande de retour définitif de
Victoria auprès de sa mère compte tenu de la prématurité de cette demande,
de la position de la mineure, de son évolution, de la nécessité pour les
adultes de rassurer Victoria sur le maintien de ses relations avec chacun
d'entre eux et de l'insuffisance de garanties actuelles de Mme Jones,
laquelle a récemment déménagé et ne justifie pas de ressources matérielles
ni d'un emploi, ni davantage de la garantie qu'elle n'a plus du tout de
relation avec quelque personne que ce soit ayant eu à connaître la
Citadelle. »

32. A une date non précisée, mais apparemment au cours de l'hébergement qui
lui avait été accordé entre les 12 et 15 juillet 2000, la requérante quitta
la France pour l'Irlande du Nord avec Victoria. Un mandat d'arrêt pour
rétention de mineur au-delà de cinq jours fut délivré à son encontre le 25
juillet 2000.

33. Les autorités françaises firent une demande d'extradition aux autorités
britanniques et une demande de retour de Victoria sur le fondement de la
Convention de La Haye.

34. Par un jugement du 16 août 2000, la Haute Cour de Justice d'Irlande du
Nord (High Court of Justice in Northern Ireland) confia la garde de Victoria
à sa mère. Le père se vit autoriser des contacts avec Victoria en accord
avec la mère et avec l'approbation des services sociaux.

35. Par une décision du 2 mars 2001, la garde de Victoria fut accordée
également à son père.

36. Le 6 mars 2002, la Cour de cassation statua sur les pourvois formés par
la requérante contre les arrêts de la cour d'appel du 17 juin 1999. Dans ses
pourvois, la requérante consacrait une grande partie de son argumentation à
la violation des articles 6, 8 et 14 de la Convention.

37. La Cour de cassation constata que cette mesure avait épuisé ses effets
et que le juge des enfants avait pris de nouvelles mesures à l'égard de
Victoria par décisions des 29 juin 1999, 31 mars et 11 juillet 2000,
qu'ainsi les pourvois étaient devenus sans objet. Elle conclut dès lors
qu'il n'y avait pas lieu à statuer.

38. Le 26 juin 2002, le juge des enfants, constata que Victoria demeurait
auprès de sa mère en Irlande depuis près de deux ans, au mépris de ses
décisions, mais avec l'accord des services sociaux britanniques. Il leva
donc la mesure d'assistance éducative.

39. Le 10 décembre 2002, le juge d'instruction en charge du dossier rendit
une ordonnance de non-lieu clôturant ainsi les poursuites engagées contre la
requérante.

40. Le 5 décembre 2005, la cour d'appel de Versailles condamna M. Axel
Schmidt à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pour coups et blessures
sur la personne des jeunes J.A. et S.A. en 1989 et 1990. Elle le relaxa des
autres chefs de poursuites.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

41. Les dispositions pertinentes du code civil se lisent ainsi :

Article 375

« Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en
danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises,
des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la
requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou
du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou
du ministère public. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel.

Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant
de la même autorité parentale.

La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il
s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution,
excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. »

Article 375-2

« Chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son
milieu actuel. Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée,
soit un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu
ouvert, en lui donnant mission d'apporter aide et conseil à la famille, afin
de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu'elle rencontre. Cette
personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l'enfant et
d'en faire rapport au juge périodiquement.

Le juge peut aussi subordonner le maintien de l'enfant dans son milieu à des
obligations particulières, telles que celle de fréquenter régulièrement un
établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé, ou
d'exercer une activité professionnelle. »

Article 375-3

« S'il est nécessaire de retirer l'enfant de son milieu actuel, le juge peut
décider de le confier :

1º A l'autre parent ;

2º A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

3º A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou
spécialisé ;

4º A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance. (...) »

Article 375-4

« Dans les cas spécifiés aux 1º, 2º et 3º de l'article précédent, le juge
peut charger, soit une personne qualifiée, soit un service d'observation,
d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert d'apporter aide et conseil à
la personne ou au service à qui l'enfant a été confié ainsi qu'à la famille
et de suivre le développement de l'enfant.

Dans tous les cas, le juge peut assortir la remise de l'enfant des mêmes
modalités que sous l'article 375-2, deuxième alinéa. Il peut aussi décider
qu'il lui sera rendu compte périodiquement de la situation de l'enfant. »

Article 375-6

« Les décisions prises en matière d'assistance éducative peuvent être, à
tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit
d'office, soit à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un
d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du
tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. »

Article 375-7

« Les père et mère dont l'enfant a donné lieu à une mesure d'assistance
éducative, conservent sur lui leur autorité parentale et en exercent tous
les attributs qui ne sont pas inconciliables avec l'application de la
mesure. Ils ne peuvent émanciper l'enfant sans autorisation du juge des
enfants, tant que la mesure d'assistance éducative reçoit application.
S'il a été nécessaire de placer l'enfant hors de chez ses parents,
ceux-ci conservent un droit de correspondance et un droit de visite. Le juge
en fixe les modalités et peut même, si l'intérêt de l'enfant l'exige,
décider que l'exercice de ces droits, ou de l'un d'eux, sera provisoirement
suspendu. Le juge peut indiquer que le lieu de placement de l'enfant doit
être recherché afin de faciliter, autant que possible, l'exercice du droit
de visite par le ou les parents. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

42. Les requérants se plaignent de ce que leur fille leur a été enlevée et
qu'ainsi, une ingérence dans leur vie familiale a été commise. Ils
soutiennent que cette ingérence n'était pas prévue par la loi, que le but
poursuivi n'était pas légitime du fait que les mesures prises étaient non
seulement inutiles mais aussi motivées par l'appartenance des parents à une
confession religieuse. Ils allèguent une violation de l'article 8 de la
Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de
son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de
ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et
qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est
nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui. »

A. Sur la recevabilité

1. Exception du Gouvernement tirée de la perte de la qualité de « victime »
des requérants

43. Le Gouvernement soutient que les requérants ont perdu leur qualité de
victime depuis l'intervention des décisions prises par les juges nationaux
en leur faveur. Les requérants sont réunis de fait avec leur fille depuis
juillet 2000. La requérante a profité du droit de visite et d'hébergement,
qui lui avait été accordé par un jugement du 11 juillet 2000, pour quitter
le territoire français avec Victoria, dont elle a obtenu la garde par un
jugement du 16 août 2000 de la High Court d'Irlande du Nord. En outre, le
juge des enfants a, par un jugement du 26 juin 2002, levé la mesure
d'assistance éducative. Enfin, la procédure pénale diligentée contre la
requérante pour rétention de mineur au-delà de cinq jours a été clôturée par
le juge d'instruction par une ordonnance de non-lieu en date du 10 décembre
2002.

44. Selon les requérants, la réunion avec leur fille ne peut remédier à une
séparation ayant duré sept ans. De plus, la question de la séparation
constitue la composante d'une question plus large qui englobe de grandes
erreurs procédurales pendant le déroulement du litige. Les arguments du
Gouvernement reviennent en fait à nier aux requérants toute possibilité de
recours tant pendant qu'après la période durant laquelle les droits
parentaux et procéduraux des requérants ont été bafoués.

45. La Cour rappelle qu'elle a affirmé à maintes reprises que, par «
victime », l'article 34 (article 25 de la Convention avant le 1er novembre
1998) « désigne la personne directement concernée par l'acte ou l'omission
litigieux (...) ». Partant, une décision ou une mesure favorable au
requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que
si « les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance,
puis réparé la violation de la Convention » (voir, notamment, Eckle c.
Allemagne, arrêt du 15 juillet 1982, série A no 51, pp. 30-31 et 32, §§ 66
et 69, et Inze c. Autriche, arrêt du 28 octobre 1987, série A no 126, p. 16,
§ 32, ou encore Association Ekin c. France (déc.), no 39288/98, 18 janvier
2000, et arrêt précité dans la même affaire, §§ 37 et 38 ; Chevrol c.
France, no 49636/99, 13 février 2003, § 36).

46. En juillet 2000, après que la requérante eut quitté la France avec
Victoria, les autorités françaises lançaient un mandat d'arrêt contre elle,
une demande d'extradition aux autorités britanniques et une demande de
retour de Victoria sur le fondement de la Convention de La Haye (paragraphes
32-33 ci-dessus). Or la Cour note en l'espèce que si, le 10 décembre 2002,
la juge des enfants a résolu de lever la mesure d'assistance éducative, elle
ne l'a fait que parce que Victoria demeurait auprès de sa mère en Irlande
depuis près de deux ans avec l'accord des services sociaux britanniques et
que la garde de celle-ci était également accordée au requérant par ces mêmes
services. Cette levée de la mesure cristallisait en réalité un état de fait
dans lequel les autorités n'étaient nullement impliquées.

47. La Cour ne saurait donc conclure que les autorités nationales ont
d'elles-mêmes reconnu et/ou réparé la violation alléguée. Compte tenu de la
durée du placement de leur fille - sept ans - la réunion postérieure de la
famille ne saurait faire perdre aux requérants leur qualité de « victime »
au sens de la Convention.

48. Il convient donc de rejeter l'exception du Gouvernement dont il s'agit.

2. Exception du Gouvernement tirée du défaut d'épuisement des voies de
recours internes

49. En premier lieu, le Gouvernement soutient que le requérant n'a pas
épuisé les voies de recours internes, d&egrav

4 réponses

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Globern
Le Fri, 03 Aug 2007 15:51:18 +0200, roger gonnet a écrit:





Trop long à lire...

Un lien eût été mieux, àmha.

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roger gonnet
"Globern" a écrit dans le message de
news:46b35fa1$0$27369$
Le Fri, 03 Aug 2007 15:51:18 +0200, roger gonnet a écrit:





Trop long à lire...

Un lien eût été mieux, àmha.



oui, mais le lien n'aurait pu être établi pour l'instant, et il eut été tout
aussi long à lire.

--
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Globern
Le Fri, 03 Aug 2007 19:57:28 +0200, roger gonnet a écrit:

"Globern" a écrit dans le message de
news:46b35fa1$0$27369$
Le Fri, 03 Aug 2007 15:51:18 +0200, roger gonnet a écrit:





Trop long à lire...

Un lien eût été mieux, àmha.



oui, mais le lien n'aurait pu être établi pour l'instant, et il eut été tout
aussi long à lire.



Pourquoi, "pour l'instant" ? 'comprends pas !

Je dis ça, c'est pour la bande passante... Enfin, que c'est long et
plus c'est long, plus ça pèse lourd en Kilo-octets...

Voila !

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Globern
Le Sat, 04 Aug 2007 12:44:58 +0200, roger gonnet a écrit:

"Gérard" a écrit dans le message de
news:46b3948d$0$5070$
>
Je dis ça, c'est pour la bande passante... Enfin, que c'est long et
plus c'est long, plus ça pèse lourd en Kilo-octets...



pas forcément, par contre l'inverse si



en effet, car si le lien avait mené à un doc en HTML d'un site généralisé
comme celui de la CEDH, ç'aurait été bien plus lorud. Mais le monsieur ne
doit pas avoir encore l'habitude.

r






Le mossieu il a l'habitude et le fait de se connecter à un site sur la
Toile ne remplit pas les disques durs des serveurs de news groups.

Comme ça, dit en passant.

M'sieu Gonnet cessez donc de prendre les gens pour des imbéciles et soyez
un peu plus humble et réfléchi.

Ça va là ?


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