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Ensemble vers une meilleure justice ? Commentaires sur le rapport du Barreau de Paris

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jean-jacques rousseau
Dans un bref texte d'une dizaine de pages (
http://www.avocatparis.org/pdf/06_03_22_outreau/Rapport.pdf ) quelques
avocats ont pris la libert=E9 de donner leur point de vue en forme de
contribution =E0 la r=E9forme de la Justice. Mais quelle est la valeur
r=E9elle de ces propositions ?


1 MODIFICATION DES R=C8GLES ET CONDITIONS DE LA GARDE A VUE

"La garde =E0 vue telle qu'elle est mise en =9Cuvre en France =E0 l'heure
actuelle, constitue une pratique
d'un autre =E2ge, li=E9e =E0 la culture exclusive de l'aveu.
En outre, les conditions mat=E9rielles dans lesquelles elle se d=E9roule
sont tout simplement indignes d'une
grande d=E9mocratie."

Cette introduction est excellente. La d=E9nonciation de l'aveu con=E7ue
comme "reine des preuve" rejoint mon analyse : "On ne recherche que
l'Aveu qui est consid=E9r=E9 comme la preuve ultime au point o=F9 un juge
pr=E9sident peut se permettre d'interroger un accus=E9 pendant l'audience
et se faire ainsi juge et partie au point de fausser les d=E9bats et
d'accabler l'accus=E9" [1].
Il faut en cesser avec cette habitude franco-fran=E7aise du
juge-pr=E9sident de cuisiner l'accus=E9 et de lancer, aux "moments forts"
du proc=E9s, ces fameux "allez monsieur x reconnaissez que vous =EAtes
coupable, avouez ! Videz votre sac !". C'est ce que les autorit=E9s lui
demandent sur tous les tons depuis la premi=E8re heure de garde =E0 vue
et qui est totalement contraire au principe de la pr=E9somption
d'innocence.
C'est une pression psychologique inacceptable qui ne fait que mettre en
=E9vidence le baclage du travail d'enqu=EAte, le vide des dossiers, le
m=E9pris des preuves mat=E9rielles et du droit de la personne humaine. On
se retrouve a ce moment dans la grande =E9poque de la justice
inquisitoriale o=F9 la "question" n'=E9tait ni plus, ni moins qu'une
s=E9ance de torture pouvant aboutir =E0 la mort du malheureux qui ne
voulait pas reconnaitre, ni dire ce qu'on voulait, ce qu'on attendait
de lui...
Evidemment le silence ou la d=E9n=E9gation farouche =E0 ce moment sont
entendus comme des signes d'endurcissement, de malveillance =E9vidente,
comme des circonstances agravantes !

A contrario dans la proc=E9dure accusatoire : "Dans une affaire jug=E9e
au p=E9nal, on ne peut pas l'obliger =E0 monter =E0 la barre ni =E0 faire
la moindre d=E9claration qui pourrait se retourner contre lui. Son refus
de t=E9moigner contre lui-m=EAme ne peut pas =EAtre assimil=E9 =E0 une
pr=E9somption de culpabilit=E9." [2]
Ces dispositions tiennent toutes =E0 l'article du 5ieme amendement (Bill
of rights) qui prescrit : "nul ne se verra forc=E9 de t=E9moigner contre
lui-m=EAme dans aucune affaire criminelle".

Le Senat fran=E7ais d=E9veloppe la question de la coop=E9ration du repenti
avec l'autorit=E9 judiciaire : "Le cinqui=E8me amendement de la
Constitution des =C9tats-Unis permet =E0 tout citoyen am=E9ricain de
refuser de t=E9moigner contre lui-m=EAme dans une affaire p=E9nale. Il
exclut donc en principe toute collaboration des repentis avec les
autorit=E9s judiciaires.
Toutefois, pour emp=EAcher que ce privil=E8ge constitutionnel ne soit
invoqu=E9, et par cons=E9quent pour permettre la collaboration des
repentis, le parquet f=E9d=E9ral dispose de deux instruments :
- l'immunit=E9 l=E9gale (statutory immunity), pr=E9vue par les articles
6001 =E0 6005 du livre 18 du code des =C9tats-Unis et qui vise =E0
contraindre un suspect =E0 collaborer avec la justice sous peine de
sanctions ;
- l'accord de renonciation aux poursuites (informal immunity
agreement), qui r=E9sulte d'une n=E9gociation entre l'accusation et un
suspect dispos=E9 =E0 collaborer. Bien que non codifi=E9, il est
mentionn=E9 dans le manuel des procureurs des =C9tats-Unis, au chapitre
=AB Les principes r=E9gissant les poursuites f=E9d=E9rales =BB." [4]

En conclusion on se f=E9licite des mesures propos=E9es par les avocats du
Barreau de Paris :
- Les conditions mat=E9rielles du d=E9roulement d'une garde =E0 vue
doivent =EAtre consid=E9rablement am=E9lior=E9es et =EAtre respectueuses des
droits fondamentaux de l'homme =AB locaux propres, possibilit=E9 de se
laver et de s'alimenter normalement, p=E9riodes de repos effectives dans
des salles con=E7ues =E0 cette fin =BB
- Pr=E9sence et assistance de l'avocat d=E8s le d=E9but et pour toute la
dur=E9e de la garde =E0 vue.
- Enregistrement de la totalit=E9 de la garde =E0 vue et visionnage
possible de celle-ci =E0 la demande de
l'avocat. C'est d=E9j=E0 le cas en mati=E8re d'audition de mineurs et il
suffit d'=E9tendre cette pratique =E0 tout
type d'audition en d=E9cidant la mise en place de la vid=E9osurveillance.
- Raccourcissement des d=E9lais de garde =E0 vue qui ne peut exc=E9der un
d=E9lai maximum de vingt quatre heures, sans exception.
- En Europe, les dur=E9es de garde =E0 vue sont moindres, l'obligation de
pr=E9sentation du gard=E9 =E0 vue =E0 un juge dans un d=E9lai bref est
obligatoire (Habeas Corpus) et nul n'objecte pour autant que la justice
p=E9nale en soit affaiblie.

Mais on cherche en vain une =E9bauche de proposition concernant "l'effet
d=E9clencheur" de la garde =E0 vue. Sur quel =E9l=E9ment va t'on autoriser
l'arrestation du suspect ou la perquisition (en dehors des cas de
flagrant d=E9lit), qui va signer le mandat d'arret ? Quel texte
constitutionnel va rappeller la n=E9cessit=E9 d'un mandat du juge pour
l=E9galiser l'action de la force publique ?
Un texte qui devrait ressembler =E0 celui-ci : =AB hors le cas du
flagrant d=E9lit, nul ne peut =EAtre arr=EAt=E9 qu'en vertu de l'ordonnance
motiv=E9e du juge, qui doit =EAtre signifi=E9e au moment de l'arrestation
=BB [5]
Le silence sur cette question est assourdissant...

2 FAIRE DE LA D=C9TENTION PROVISOIRE UNE V=C9RITABLE EXCEPTION

"[...] les principes pos=E9s par les textes qui r=E9gissent la d=E9tention
provisoire sont sans aucune ambigu=EFt=E9 :
Article 137 du Code de Proc=E9dure P=E9nale : la d=E9tention provisoire
peut =EAtre ordonn=E9e =E0 titre exceptionnel.
Article 144 du Code de Proc=E9dure P=E9nale : la d=E9tention provisoire ne
peut =EAtre ordonn=E9e que si elle constitue l'unique moyen [...] Il ne
peut =EAtre contest=E9 qu'il existe historiquement en FRANCE une
tentation naturelle des magistrats =E0 recourir exag=E9r=E9ment =E0 la
d=E9tention provisoire : =AB d=E9tention-pression =BB, confort de
l'enqu=EAte et parfois m=EAme pr=E9-jugement. Ces d=E9rives ont
manifestement supplant=E9 le principe fondamental de pr=E9somption
d'innocence."

Le rapport propose au sujet de la d=E9tention provisoire (prison
pr=E9ventive) :
- la suppression de la d=E9tention provisoire en mati=E8re
correctionnelle
- la suppression des multiples exceptions de prorogation des d=E9lais,
pr=E9vues aux articles 145-1 et 145-2
du Code de Proc=E9dure P=E9nale.. une dur=E9e maximale unique, qui peut
"sans doute" diff=E9rer selon que
l'on se trouve en mati=E8re d=E9lictuelle ou en mati=E8re criminelle, qui
entraine la remise en libert=E9 imm=E9diate, sauf =E0 recourir =E0 des
moyens techniques modernes - lesquels existent d=E9j=E0 (bracelet
=E9lectronique) - pour assurer un contr=F4le judiciaire efficace.
- la suppression des crit=E8res subjectifs pos=E9s par l'article 144 du
Code de Proc=E9dure P=E9nale et,
notamment, du crit=E8re tr=E8s incertain juridiquement du "trouble =E0
l'ordre public". La d=E9tention provisoire ne doit pouvoir =EAtre
ordonn=E9e que sur la base de crit=E8res totalement objectifs et
susceptibles de contr=F4le.
- Mise en place syst=E9matique, sauf renonciation expresse de la
d=E9fense, de la publicit=E9 des d=E9bats contradictoires relatifs =E0 la
d=E9tention provisoire et des audiences de la Chambre de l'Instruction
sur appel des ordonnances de rejet de demandes de mise en libert=E9. Une
telle =E9volution n=E9cessite une r=E9flexion sur le [...] secret de
l'instruction.
- remise en cause de la port=E9e du role de juge des libert=E9s.

Ici nous avons tout un panorama sur l'indigence intellectuelle,
l'absence de coh=E9rence mentale de certains juristes !

Nous venons de quitter la question de la garde =E0 vue sur le constat
d'absence de l'obligation de pr=E9sentation du gard=E9 =E0 vue =E0 un juge
(habeas corpus) et on repart sur la question de la d=E9tention
provisoire comme si de rien n'=E9tait !...

Or qui ne voit pas que ces deux questions sont li=E9es ? Lorsque les
autorit=E9s polici=E8res (le procureur ou le substitut comme chef de
l'enqu=E8te de police judiciaire) pr=E9sentent le suspect au juge...
=E9videment que ce n'est pas pour qu'ils fassent connaissance et
prennent un verre ensemble !

Mais c'est la garantie que le suspect ne sera pas d=E9t=E9nu
ill=E9galement ou mis au secret, mais en plus l'occasion de d=E9fendre sa
cause et de lui faire entendre ce qu'on lui reproche ! Et par la m=EAme
occasion pour le juge le moment de faire coup double : 1. d=E9finir si
les =E9l=E9ments =E0 charges pr=E9sent=E9s justifient son emprisonnement
provisoire ou une autre mesure (lib=E9ration, sous caution, sous
surveillance =E9lectronique, etc.) ; 2. fixer la date du proces, date =E0
laquelle l'enqu=EAte est close et la d=E9fense pr=EAte =E0 pr=E9senter les
arguments et t=E9moins favorables =E0 la cause du suspect.

Le juge peut aussi remettre la d=E9claration de mise en accusation =E0 un
"grand jury" (charg=E9 d'une audition pr=E9alable des t=E9moins) ou d'une
chambre de mise en d'accusation dont la date d'audience doit =EAtre
annonc=E9e...

C'est ici qu'apparaissent d=E9j=E0 des problemes concrets. Quelle date
donner lorsque les agendas des tribunaux ne sont pas =E9tablis ou
communiqu=E9s ? Est-ce que le second degr=E9 impos=E9 par l'intervention
d'une "chambre de mise en accusation" n'est pas un facteur d'=E9tirement
des d=E9lais et d'irruption d'une d=E9tention arbitraire dans la
proc=E9dure ?... Que penser de d=E9lais d'audiencement assortis de
periodes de l'ordre d'un an, de deux an avant le jugement ?...Ne
sont-ils pas absolument inop=E9rants faute de date fix=E9e ?


3 POUR UN JUGE DE L'ENQU=CATE ET DE L'INSTRUCTION

"D=E8s 1949, le professeur DONNEDIEU DE VABRES proposait, dans son
projet de r=E9forme de
l'instruction pr=E9paratoire, la suppression de ce magistrat en
pr=E9conisant la distribution des fonctions =E0 deux autorit=E9s : au
Parquet l'enqu=EAte, =E0 un juge du si=E8ge le contr=F4le et les fonctions
juridictionnelles.
(cf : =AB le juge d'instruction : une institution en sursis ? =BB Francis
BAILLET Gaz.Pal 13/14 janvier
2006)."

Oui c'est une bonne proposition de r=E9forme. L'essentiel du rapport
"Ensemble pour une meilleur justice..."


4 POUR UNE V=C9RITABLE COUR D'APPEL DE L'INSTRUCTION

Proposition sans objet. La Chambre d'Instruction est un machin qui ne
sert =E0 rien Un juge peut tres bien se charger de ce role.

5 INSTAURATION DU CONTRADICTOIRE DANS L'EXPERTISE P=C9NALE

Oui bien s=FBr. Le contradictoire est la base du proc=E9s. L'expert doit
avoir et garder un role de t=E9moin parmi d'autres, ni plus ni moins...
Soumis =E9ventuellement =E0 un contre interrogatoire des parties.

6 DES MOYENS ACCRUS

Les r=E9gions devraient voir leurs comp=E9tences accrues dans ce domaine,
comme dans tous les services publics a caract=E8re territorial.
Ce qui viendra tot ou tard =E0 poser la question de l'=E9lection des
procureurs et des juges dans chaque circonscription.

7 UN EXERCICE DE LA D=C9FENSE PLUS EFFICACE

.=2E.
Pour envoyer les coupables en prison, d=E9dommager la soci=E9t=E9 jusqu'au
dernier centime et lib=E9rer les inocents ? D'accord !

8 SE FORMER ENSEMBLE : UNE GRANDE =C9COLE DES M=C9TIERS DU DROIT

Une autre grande =E9cole pour former une nouvelle =E9lite tri=E9e sur le
volet ? Non, certainement pas !
Un enseignement universitaire, ouvert =E0 la recherche, avec des
professeurs professionnels ? Oui.

Bilan global : Un rapport "jeune" qui ose poser des questions et
remettre en cause quelques incoh=E9rences. Mais sans jamais aller
jusqu'au bout de ses conclusions. bref : trop de concessions =E0
l'obscurantisme de l'ordre.

---
[1]
http://groups.google.com/group/fr.soc.politique/msg/58059eb6a72564d1?dmode=
=3Dsource&hl=3Dfr
[2] http://usinfo.state.gov/journals/itdhr/1197/ijdf/frejgor.htm
[3] http://www.jura.uni-sb.de/france/Law-France/bill_rts.htm
(article complet) ART. V [Accusation; propri=E9t=E9].
Nul ne sera tenu de r=E9pondre d'un crime capital. ou infamant si ce
n'est sur une d=E9claration de mise en accusation (presentment) ou un
acte d'accusation (indictment) d'un grand jury, sauf dans les causes
n=E9es dans l'arm=E9e de terre ou de mer, ou dans la milice lorsqu'elle
est en service actif en temps de guerre ou de danger public; nul ne
sera expos=E9 pour le m=EAme crime =E0 encourir deux fois une menace pour
sa vie ou son corps; nul ne se verra forc=E9 de t=E9moigner contre
lui-m=EAme dans aucune affaire criminelle; ni ne sera priv=E9 de vie, de
libert=E9 ou de propri=E9t=E9 sans proc=E9dure l=E9gale convenable (without
due process of law) nulle propri=E9t=E9 priv=E9e ne sera prise pour usage
public sans juste indemnit=E9.
[4] http://www.senat.fr/lc/lc124/lc1249.html
[5] voir article 12 Constitution Belge ou
http://www.senat.fr/lc/lc140/lc1403.html

2 réponses

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www.juristprudence.c.la
"jean-jacques rousseau" a écrit dans le message de news:

Mais quelle est la valeur
réelle de ces propositions ?



ben justement : celle d'une "proposition"
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jean-jacques rousseau
www.juristprudence.c.la a écrit :

"jean-jacques rousseau" a écrit dans le message de news:

>Mais quelle est la valeur
>réelle de ces propositions ?

ben justement : celle d'une "proposition"



Eh bien ! au delà de la forme, qu'en dites vous sur le fond ?