Étant donné le vif intérêt qu'ont eus Mes brillants opus sur le *BE
BOP*, la *WET COAST*, *Chet BAKER* et *Charlie PARKER*...Je M'en vas, à
la demande générale, vous causer à propos de ce que Je considère comme
un _des plus grands jazzmen_ de l'Hisoire des jazz, et surtout, _le
plus grand COMPOSTEUR_ de cette extraordinaire *MUSIQUE*, avec le
*DUKE* et *MONK*, Je veux parler de *Django REINHARDT*...[en tant que
/compositeur/]...
Bon...Je suis déjà crevé, là...Parce que n'est-ce pas, ça n'est que le
début...Et que J'ai quand même pas mal d'autres choses à foutre ce
WE...En particulier aller ce soir écouter Mon batteur de fils jouer
pour la Fête de la Musique dans son bled...
Bon...Mon fils a comme dabe été superbe hier soir à Dinéault...Quel
batteur, nom de dieu/MELMOTH !...Et autodidacte, en plus...A commencé à
l'âge de 13 ans...Il en a 37...Et continue de faire des progrès
!...Hélas...Ce con considère Roach...Clarke...Blakey...Rich et autres
Manne ou Catlett comme des moins que rien !...Et pourtant il aime le
jazz !...Mais c'est vrai que les grands batteurs _actuels_ ont
acquisitionné une technique absolument _époustouflante_, qu'étaient
très loin d'acoir les sus-cités !...Sauf que ces derniers *faisaient de
la Musique* !...
- tout préparé : /Tears/.../Mystery Pacific/.../Stockholm/ etc...
- complètement improvisé : /Django's Tiger/...Swingin' with
Django/.../Gypsy without a song/...
L'étonnant dans tout ça est que la musique, qu'elle se trouve à quelque
pôle que ce soit, présente le _même degré de COHÉRENCE_ et
d'IMPRÉVISIBILITÉ_ ! Ce qu'on peut qualifier comme une /marque de
Django Reinhardt/ (mais d'autres jazzmen puvent, comme Je l'ai déjà
dit, lui être comparés : *PARKER*...*MONK*...*MINGUS* et quelques
autres)..
Il arrive que des chorus improvisés deviennent des mélodies que
d'autres solistes prndront à leur tour comme point de départ pour leurs
propres impros !...Un des exemples le plus illustre reste évidemment
/Minor Swing/...Les inspirations d'un moment qui s'établissent et
_deviennent des signatures_, des bribes échappées ici et là qui se
retrouvent assemblées, et constituent un nouveau thème qu'un collègue
peut s'approprier : ce va-et-vient entre le prévu et l'inattendu, le
cliché et la trouvaille est, les "initiés" le savent, bien ce qui
caractérise la pratique de _tous le jazzmen_ !...
Bon...Je M'en vas écouter le Mandarin Merveilleux de Mon Ami Bela
Bartok (Je vous conseille la version Dorati chez Mercury...Prise de son
évidemment spectaculaire !)...
Bon...Tout en écoutant sur France-Mu la 'Tribune des Critiques de
Disques" consacrée à ce chef-d'oeuvre qu'est le Concerto pour violon
d'*Alban BERG*...Écouter en priorité, si vous le trouvez,
l'enregistrement de *Szigeti* / *Mitropulos*...Ou *Krasner* /
*Webern*...
Si le thème n'est qu'un élément de la composition parmi d'autres,
pourquoi donc écarter du corpus "les compositions de Django Reinhardt"
les pièces qui font l'objet d'un traitement identique, mais dont le
thème est signé d'un autre nom ?...Par exemple ces "adaptations"
empruntées au répertoire classique que Je viens d'évoquer ?...Ou celles
tirées du folklore (/Les Yeux Noirs/.../Russian Songs Medley/ etc.)
?...
Ou surtout la foule de titres/standards qui appartiennent au répertoire
de tous les jazzmen, et que Django s'approprie ?...
/Blue Drag/, si reinhardtien que certains des plus fins connaisseurs,
tels que MELMOTH, finissent comme le présenter comme une de ses
créations ?.../When Day is Done/, qu'il métamorphose littéralement
?.../In a Sentimental Mood/ qu'il emporte dans son propre monde
?.../I'll See You in My Dreams/ qu'il rend mémorable et inoubliable
?.../Dream of You/, qu'il martèle de manière obsessionnelle durant deux
années (de 1949 à 1951) ?...
Autrement dit, l'écoute d'une sélection "Django plays Django"
conduirait à la conclusion qu'il n'est pas pertinent de limiter
l'oeuvre de _compositeur_ de Django aux plièces qu'il a signées
lui-même...
Si l'oeuvre est la pièce jouée dans telle ou telle configuration
spécifique, il est normal d'avoir différentes "incarnations"
(ç-à-d.enregistrements) des mêmes titres... Un même thème pourra
doncdonner lieu à plusieurs oeuvres, voire plusieurs
_chef-d'oeuvres_...Par exemple /Nuages/ (décembre 40, mars 53), ou
/Sweet Chorus/ (1936 et 37). Ces versions multiples illustrent le
boulot spécifique du "compositeur en jouant", c'est-à-dire sa capacité
de renouvellement, mais aussi l'attention qu'il porte à son entourage
et sa sensibilité aux circonstances ; elles permettent également de
mesurer l'action que le passage du temps exerce sur son art...
Putain que Je cause bien, Je trouve...
Toutes ces caractéristiques du travail/jeu de Django compositeur
découlent de la fécondité d'une rencontre qui eut lieu comme un coup de
foudre, un jour de 1931 à la terrasse du /Café des Lions/ à Toulon
(c'est là que Django entend pour la première fois les 78 tours
d'*Armstong*; *Joe VENUTI et autre *Duke Ellington), renconntre entre
cette exceptionnelle personnalité musicienne, offerte au monde par la
_communauté manouche_ et l'idiome inventé par les descendants
d'Africains déportés aux States...
Enfant virtuose, Django avait bricolé seul son apprentissage
d'instrumentiste, d'abord dans l'orchestre ambulant de son père et dans
la famille d'autres musicos des roulottes et des campements, puis il
s'était aguerri dans les nombreux bals de la zone, aux portes de Paris
et, tandis que sa réputation grandissait parmi les gens du métier, il
avait aligné les engagements dans les dancings mondains ou mal famés,
les cabarets aux multiples exotismes, accompagnant des chanteuses
"réalistes" ou des chanteurs "de charme", et se frottant ainsi aux
musiques les plus diverses...Il s'était ainsi approché de ces langages
inventés ailleurs mais faits pour lui, Django !...
Il emporte tout ça /avec sa guitare/ quand il _s'EMBARQUE DANS LE JAZZ_
!...
Jazz qui à coup sûr représentait pas ùmal d'affinités avec ces musiques
dites "populaires", proposant à ce génie brut qu'était Django unhe
complexité qui lui était possible de maîtriser sans posséder aucun
bagage académique (est-il besoin de rappeler que DR ne savait pas lire
une seule note de musique !) et surtout, le jazz avec ses espaces, ceux
du *chorus*, ouverts à la variation improvisée...Tout ça lui offrant
une liberté qu'aucune des traditions ou des genres fréquentés
auparavant ne lui laissait entrevoir...Le jazz a donc donné à Django la
chance de devenir ce qu'il était...Et cette chance, il ne l'a bien sûr
pas laissée passer !...
*Hubert ROSTAING* a raconté comment se déroulaient les séances
d'enregistrement (pour /Blue Star/ la firme d'*Eddie Barclay*) :
«Bien que les séances ne fussent pas préparées, nous connaissions déjà
les compositions nouvelles que Django se proposait d'enregistrer, car à
peine les avait-il spontanément découvertes sur sa guitare, il nous en
faisait partager sa joie en nous les jouant, comme ça, pour nous les
faire découvrir à notre tour.(...) Bien souvent, le jour de
l'enregistrement, si Django n'en avait pas oublié la date et l'heure,
il arrivait au studio avant nous pour prendre l'atmosphère, écouter
comment sa guitare sonnait dans la pièce.»
Cela ne devait pas se dérouler de manière très dufférente chez /Swing/,
/Pathé La Voix de son Maître ou :Decca/...Il arrivait que *Charles
Delaunay* ou *Hugues Panassié* (le bien connu bebopophobe !) jouent un
rôle de directeur artistique ; leur intervention concernait
principalement semble-t-il le choix dur épertoire (par ex. la
proportion de standards et d'originaux)...Pour le reste, c'était
l'affaire des musiciens, forcément...
On est là dans ce que les historiens du jazz ont pris pour habitude
d'appeler le "head arranement" (ou "arrangement sur le tas")...Ce sont
les musicos entre eux, lors d'essais préalables à l'interprétation
enregistrée, ou parfois dans le cours même de celle-ci, qui mettaient
au point les modalités de sa présentation : une pratique qui rend
composition et interprétation consubstantielles...Mais l'essentiel ne
tenait pas tant à cette "oralité" qu'au passage obligé par les
instruments ; la construction n'était pas établie à l'avance sur un
bout de papier...elle se jouait _là_, maintenant, entre la guitare, le
violon (bien entendu quasiment toujours l'immense *GRAPELLI*, dont il
faudra bien qu'un jpur Je vous ponde aussi un papier sur) ou la
clarinette (le plus souvent *Hubert ROSTAING*) et les instruments de la
rythmique (ses frérots plus quelques autres). Et ce n'est pas une
partition, antérieure ou postérieure, qui pourra en rendre témoignage,
mais uniquement _son ENREGISTREMENT_ !...
Je fatigue quelque peu,là...
À plus tard, si Jen ai toujours le courage, ça va de Soi...
Il est cependant des projets où l'_écriture_ semble préférable : par
exemple quand l'effecif à qui doit être confiée l'interprétation
atteint une certaine importance et compte en son sein quelques
exécutants qui ne sont pas trop rompus aux pratiques du jazz... ; la
nécessitépeut favoriser pour la circonstance une conception qui
ressemblera alors davantage à la _tradition occidentale savante_.
C'est bien ce qui arrive exactement pour les pièces que Django présente
sur la scène de la /Salle Pleyel/, de l'/ABC/, del'Alhambra/ ou du
/Boeuf sur le toit/ entre 1940 et 1947, avec une formation comprenant
de 12 à 16 musiciens baptisée /Django's Music/...Pour les neuf titres
gravés par cet ensemble (dont 7 originaux), DR assure à la fois la
composition et l'orchestration...C'est-à-dire qu'il _écrit_ la
partition de tous les instruments de l'orchestre. Il l'a fait avec en
particulier la participation du clarinettiste *Gérard Lévêque*...Voici
comment ils procédaient : Django jouait sur sa guitare ce qu'il
attendait de l'orchestre, section par section ; Lévêque transcrivait
sur une partoche. Il existe des fotos prises lors d'une de ces séances
de travail : on y voit DR allongé sur un lit (!), son éternel clope au
coin des lèvres et guitare entre les bras, et Gérard qui fume aussi,
crayon à la main, assis à côté du lit sur un guéridon couvert de
feuilles de papier à musique...Et Django confirme (dans une de ses
rares et laconiques interviews radiophoniques qu'il accorda dans les
années 40) : «Et dans quelle ambiance vous isolez-vous pour écrire
?...J'écris de préférence le soir très tard ou tôt le matin dans mon
lit - C'est vous qui écrivez la musique ? - Non, ce n'est pas moi,
c'est mon clarinettiste su /Quintette du Hot Club de France/, Gérard
Lévêque, jue la lui dicte». DR avait donc topute l'organisation du
morceau à venir dans sa bonne tête de "romanichel" - ou mieux, dans la
tête et dans la guitare ! Exploit que cette manière de composer ?
Certes...mais l'histoire de toutes les musique est riche de telles
prouesses !...
Se pose alors la question des collaborations et des co-signatures...Sur
les plus de cent titres qu'a "officiellement" composés DR, plus de 31
sont co-signés : 28 avec *Stéphane GRAPELLI* (dotn une avec *Eddie
SOUTH*, une par le même South et une par *Eddie BERNARD*...Or il est
avéré que d'autres compagnons, en particulier *Rostaing* et *Lévêque*
ont tout aussi bien collaboré à l'élaboration d'autres oeuvres...De là
à accuser GRAPELLI d'indélicatesse, il n'y a qu'un pas, que certains
ont franchi...Ce n'est pas Mon Avis : GRAPELLI était un musicien de
plus grande envergure (et Je le démontrerai dans un prochain opus à son
sujet quand J'en aurai le temps et l'énergie) que n'importe quel autre
partenaire régulier de DR et, pour cette raison, la connivence qui
l'unit au guitariste _reste sans équivalent_ dans l'Histoire du Jazz...
En matière de musique, DR n'était sûrement pas homme à se laisser
marcher sur les panards, et sa susceptibilité légendaire pour tout ce
qui touchait au leadership du /Quinette/ est bien connue...Parmi tous
les titres co-signés des années 36/39 se trouvent certains des thèmes
les plus "reinhardiens" (/Oriental Shuffle/.../Mystery
Pacific/.../Bricktop/.../Swing 39/). Mais il en est d'autres tout aussi
typés (/Djangology/.../Daphné/.../My Serenade/.../Apple
Indirect/.../Stockholm/) signés _du seul DR_, dans lesquels le
violoniste se contente de briller comme soliste.
Le partage n'a jamais empêché Django d'imposer sa marque et il convient
donc de considérer que la présence des initiales /S.G./ aux côtés de
celles de /D.R./ n'est pas une complaisance mais prouve la part
_effective_ de Grapelli dans l'élaboration d'une pièce...Les deux
compères savaient farpaitement quand il convenait d'afficher leur
collaboration et quand il fallait que chacun garde son quant-à-soi...Le
répertoire des 5 séances /Swing/ de'après la guerre qui donne lieu à
une reconstitution du quintette à cordes le confirme : 13 titres
originaux nouveaux sur les 23 qu'ils enregistrent sont signés /D.R./, 4
/D.R. & S.G./...
Bon...Je M'en vas savourer la Waldstein du Grand Sourd...Par *Claudio
Arrau*, ça va de soi...
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Car avec beaucoup de science, il y a beaucoup de chagrin ; et celui qui
accroît sa science accroît sa douleur.
[Ecclésiaste, 1-18]
MELMOTH - souffrant