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Le parquet de la Cour de cassation et le monisme juridique

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Apokrif
Burgelin, procureur général près la Cour de cassation, devant le
Sénat:

"Quand je prends la parole devant les juges, je me demande très
souvent -peut-être ne le devrais-je pas ?- de quelle loi dois-je être
l'avocat ? Est-ce le texte tel que l'a voté le Parlement et qui figure
dans le code de procédure pénale ou s'agit-il des grands principes
qu'a dégagés la Cour de Strasbourg et qui sont souvent contraires aux
dispositions nationales ? Mon obligation statutaire, légale,
fondamentale d'avocat de la loi est en train de se dissoudre sous mes
yeux parce que je ne sais plus quelle est la loi dont je dois être
l'avocat.

Telle est ma difficulté existentielle, celle que ressentent également
les avocats généraux à la Cour de cassation. Ils sont de loyaux
serviteurs de la loi mais, de plus en plus souvent, ils ne savent plus
de quelle loi ils doivent être les serviteurs."

("Quels métiers pour quelle justice ?",
http://www.senat.fr/rap/r01-345/r01-345_mono.html)

Je ne vois pas bien où est réellement la difficulté: en France, les
traités internationaux sont intégrés dans l'ordre juridique interne et
même, en général, ils priment sur les dispositions contraires du droit
national. Si un membre du parquet général estime qu'une loi française
est contraire à un texte européen (contrariété qui résulte soit de la
lettre du texte, soit de la jurisprudence de Strasbourg ou de
Luxembourg), en tant que défenseur de la loi, son rôle AMTHA devrait
consister à faire primer ce droit international qui, même s'il n'a pas
grandi dans nos vertes vallées hexagonales, n'en est pas moins
l'oeuvre directe ou indirecte du législateur français. Les parquetiers
généraux affronteraient-ils le même dilemme si, l'issue d'un procès
dépendant de la validité d'un décret français, ils s'apercevaient que
ce décret - qui fait partie de la loi française, au sens large du
terme - est contraire à une norme juridique interne, telle qu'une loi
votée par le parlement français ?
--
Languages of the World: http://www.ethnologue.com/web.asp

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Pierre
-------------------------
"Apokrif" a écrit dans le message de
news:
Burgelin, procureur général près la Cour de cassation, devant le
Sénat:

"Quand je prends la parole devant les juges, je me demande très
souvent -peut-être ne le devrais-je pas ?- de quelle loi dois-je être
l'avocat ? Est-ce le texte tel que l'a voté le Parlement et qui figure
dans le code de procédure pénale ou s'agit-il des grands principes
qu'a dégagés la Cour de Strasbourg et qui sont souvent contraires aux
dispositions nationales ? Mon obligation statutaire, légale,
fondamentale d'avocat de la loi est en train de se dissoudre sous mes
yeux parce que je ne sais plus quelle est la loi dont je dois être
l'avocat.

Telle est ma difficulté existentielle, celle que ressentent également
les avocats généraux à la Cour de cassation. Ils sont de loyaux
serviteurs de la loi mais, de plus en plus souvent, ils ne savent plus
de quelle loi ils doivent être les serviteurs."

("Quels métiers pour quelle justice ?",
http://www.senat.fr/rap/r01-345/r01-345_mono.html)

Je ne vois pas bien où est réellement la difficulté: en France, les
traités internationaux sont intégrés dans l'ordre juridique interne et
même, en général, ils priment sur les dispositions contraires du droit
national. Si un membre du parquet général estime qu'une loi française
est contraire à un texte européen (contrariété qui résulte soit de la
lettre du texte, soit de la jurisprudence de Strasbourg ou de
Luxembourg), en tant que défenseur de la loi, son rôle AMTHA devrait
consister à faire primer ce droit international qui, même s'il n'a pas
grandi dans nos vertes vallées hexagonales, n'en est pas moins
l'oeuvre directe ou indirecte du législateur français. Les parquetiers
généraux affronteraient-ils le même dilemme si, l'issue d'un procès
dépendant de la validité d'un décret français, ils s'apercevaient que
ce décret - qui fait partie de la loi française, au sens large du
terme - est contraire à une norme juridique interne, telle qu'une loi
votée par le parlement français ?



le problème reste que l'AN "est" la nation : que faire en cas de loi
postérieure contraire à un traité, peut on dire que le peuple s'est
trompé??? le problème posé est celui de la souveraineté de l'Etat français
et surtout de l'interprétation de la loi et le problème de la sécurité
juridique faces à ces strates de droit, parfois contradictoires.....



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Apokrif
"Pierre" <(nospam)@nospam.com> :

le problème reste que l'AN "est" la nation : que faire en cas de loi
postérieure contraire à un traité, peut on dire que le peuple s'est
trompé???



C'est la même chose quand le CC déclare qu'une loi est contraire à la
Constitution (qui est antérieure à la loi).

le problème posé est celui de la souveraineté de l'Etat français et
surtout de l'interprétation de la loi et le problème de la sécurité
juridique faces à ces strates de droit, parfois contradictoires.....



A mon avis, ce n'est pas ce qui est en cause ici, puisque la
supériorité du traité sur la loi postérieure est acceptée par la Cour
de cassation depuis 1974 (et par le CE depuis 1989).
--
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Pierre
------------------------
"Apokrif" a écrit dans le message de
news:
"Pierre" <(nospam)@nospam.com> :

> le problème reste que l'AN "est" la nation : que faire en cas de loi
> postérieure contraire à un traité, peut on dire que le peuple s'est
> trompé???

C'est la même chose quand le CC déclare qu'une loi est contraire à la
Constitution (qui est antérieure à la loi).



oui sauf que le CC intervient *avant* la promulgation de la loi (il me
semble)...

> le problème posé est celui de la souveraineté de l'Etat français et
> surtout de l'interprétation de la loi et le problème de la sécurité
> juridique faces à ces strates de droit, parfois contradictoires.....

A mon avis, ce n'est pas ce qui est en cause ici, puisque la
supériorité du traité sur la loi postérieure est acceptée par la Cour
de cassation depuis 1974 (et par le CE depuis 1989).



oui.... mais les décisions de la CEDH (par exemple) ont elles vocations à
supplanter les lois françaises.... les actes postérieurs issus de ces
traités ont ils une supériorité sur la loi, et surtout doivent ils avoir une
supériorité sur une loi régulièrement votée et conforme à la constitution??



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Apokrif
"Pierre" <(nospam)@nospam.com> :

> > le problème reste que l'AN "est" la nation : que faire en cas de
> > loi postérieure contraire à un traité, peut on dire que le
> > peuple s'est trompé???
>
> C'est la même chose quand le CC déclare qu'une loi est contraire à
> la Constitution (qui est antérieure à la loi).

oui sauf que le CC intervient *avant* la promulgation de la loi (il
me semble)...



Oui, ce qui pose d'ailleurs des problèmes quand une loi adoptée sous
la IIIè ou la IVè République se trouve être en contradiction avec la
Constitution de la Vè... En tout cas, quand le CC se prononce, on peut
toujours l'accuser de manquer de légitimité car ses membres ne sont
pas élus; d'ailleurs, les concepteurs de la Constitution voulaient lui
donner un rôle purement technique, notamment pour déterminer les
domaines respectifs de la loi et du règlement. Son importance a grimpé
en flèche quand il s'est vraiment intéressé au respect des droits
fondamentaux (en 1971), puis quand la saisine a été étendu aux membres
du Parlement. Cependant, il a toujours refusé de contrôler la
conformité des lois adoptées par référendum; s'il le faisait, il
serait en concurrence directe avec le peuple souverain.

oui.... mais les décisions de la CEDH (par exemple) ont elles
vocations à supplanter les lois françaises....



La Cour EDH ne peut pas agir directement sur le droit interne
français; tout au plus, elle peut inciter le législateur à mettre ce
droit en conformité avec la Convention.

les actes postérieurs issus de ces traités ont ils une supériorité
sur la loi, et surtout doivent ils avoir une supériorité sur une loi
régulièrement votée et conforme à la constitution??



Vous parlez du droit communautaire dérivé ?
--
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Nestor le pingouin pour la France
Apokrif a écrit:

Oui, ce qui pose d'ailleurs des problèmes quand une loi adoptée sous
la IIIè ou la IVè République se trouve être en contradiction avec la
Constitution de la Vè... En tout cas, quand le CC se prononce, on peut
toujours l'accuser de manquer de légitimité car ses membres ne sont
pas élus;



Oui.

d'ailleurs, les concepteurs de la Constitution voulaient lui
donner un rôle purement technique, notamment pour déterminer les
domaines respectifs de la loi et du règlement.



Oui, c'est sont rôle d'après la Constitution et les travaux
préparatoires d'icelle.

> Son importance a grimpé
en flèche quand il s'est vraiment intéressé au respect des droits
fondamentaux (en 1971),



C'est-à-dire quand le Conseil a violé la Constitution avec les putsch de
Palewski, en effet.

--
« Coin coin coin, coin ! Coin coin : coin. » Saturnin le canard.

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Apokrif
Nestor le pingouin pour la France :

> d'ailleurs, les concepteurs de la Constitution voulaient lui
> donner un rôle purement technique, notamment pour déterminer les
> domaines respectifs de la loi et du règlement.

Oui, c'est sont rôle d'après la Constitution et les travaux
préparatoires d'icelle.



Si on prend la Constitution à la lettre, il a un rôle beaucoup plus
étendu. Tenez, avec un peu d'imagination (en langue de gens de robe,
on appelle ça "interprétation constructive"), il pourrait même dire
que la Constitution l'autorise à effectuer un contrôle de
conventionnalité. Mais je vous rassure, comme il a beaucoup fort à
faire, il laisse ce soin à ses voisins du Palais-Royal et ses
collègues de l'île de la Cité.

C'est-à-dire quand le Conseil a violé la Constitution avec les
putsch de Palewski, en effet.



Pouvez-vous citer des auteurs qui partagent votre point de vue ?
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