Quelques questions à propos des rapaces

Bonjour à tous,

j'ai une soeur qui a décidé de s'acheter des rapaces, prétendument, à
l'origine, pour je ne sais quelle reconstitution médiévale dans laquelle on
a une gente damoiselle (ou deux, ou trois, dépendant du stock de gentes
damoiselles qu'on peut trouver - or ma soeur est tout sauf gente, mais c'est
un autre problème) qui tient sur son menu poing un rapace, pour aller à la
chasse.

J'aurais cru qu'après un essai, elle se serait contenté d'avoir un rapace
loué ou prêté pour l'occasion, mais à la suite de la dernière reconstitution
à laquelle elle a participé, elle a été mordue par le virus de la chasse au
faucon, et comme elle aime faire les choses en grand, elle souhaite acheter
deux rapaces: un aigle et un vautour. Comme elle vit dans un pavillon de
banlieue avec un grand jardin, une fois l'éducation des deux bestiaux faite
(donc, l'apprentissage du retour après l'envol), elle va placer une cabane
de jardinier au fond du terrain, supprimer la porte de ladite cabane, y
placer deux gros nids (chacun le sien) et voilà.

Enfin, "et voilà", c'est ce qu'elle dit.

Moi, il me semble qu'il y a des problèmes en perspective. D'abord, c'est que
ça bouffe, ces bestiaux. Pour ça, la réponse de ma soeurette est que des
boites de canigou devraient faire l'affaire, et que le régime "boites de
canigou" sera complêté par les rapaces eux même qui, se promenant,
trouveront bien l'un ou l'autre chien (chat) errant et lui feront son
affaire.

Si, d'un côté, cela rêglera alors le problème des animaux errants de son
quartier, je me demande si les rapaces qu'elle veut avoir remarqueront la
différence entre un chat errant et, mettons, le petit kiki
chéri à sa mémère, attaché au bout d'une laisse rétractable de 5 mètres...
et je crains bien que non.

La réponse de ma soeur (comme toutes les soeurs, elle a réponse à tout) est
que ces petits kiki chéris à leur mémère sont de sales teignes qui défèquent
quotidiennement trois fois leur poid dans la rue, sans que la mémère ramasse
quoi que ce soit, et que leur disparition sera bienvenue - si, bien entendu,
par extraordinaire, les rapaces se chopent des kiki chéris à leur mémère.

Alors, je veux bien, mais...

D'abord, il me semble absolument certain que les rapaces ne feront pas la
différence entre un petit kiki chéré à sa mémère et un chat errant. Je suis
persuadé qu'il y aura des plaintes déposées par les mémères et l'une d'entre
ces plaintes - disons, celle qui aura été déposée par l'arrière grand-tante
d'un inspecteur principal - donnera lieu à une enquète et, tôt ou tard, à
l'arrivée d'une voiture de la police chez ma soeur.

Pour le plaisir de l'argument, disons que les deux volailles se contentent
de se taper des quadrupèdes errants, ils auront vite "nettoyé" leur région,
et ils iront voir plus loin. Jusqu'à la cité des Gais Pinsons, par exemple,
qui se trouve à quelques kilomètres de chez ma soeur, et où c'est-y qu'il y
a des animaux errants, ainsi que d'autres moins errants. Une fois de plus,
si nos deux lascars (ça chasse en équipe, c'est zoziaux?) se contentent de
se choper une chèvre égarée, ou un rat bien gras, ou un chien errant, ça
peut encore aller; mais s'ils attrapent un mouton juste avant sa fète (au
mouton, donc), sous le nez de l'imam sacrificateur, ou s'ils enlève le
pit-bull d'Abdelkrim le dealer du bloc Z? Moi, je dis qu'elle va avoir des
ennuis, ma soeur. Les bagnoles de la cité aussi, vous me direz, mais ça,
c'est moins grave.

Par ailleurs, je ne connais les habitudes des aigles et des vautours que par
Lucky Luke (pour les vautours) et par Le Génie des Alpages (pour les
aigles), mais j'ai comme dans l'idée que l'aigle, par exemple, ne se limite
pas à embarquer des chats errants, mais peut fondre sur des animaux de
taille moins modeste. Une fois encore, s'ils se contentaient des petits
trucs riquiqui, je ne m'inquiéterais qu'à moitié (sauf rapport aux petits
kiki chéris à leur mémère, tenus au bout d'une laisse rétractable, vu qu'il
y en aura une, tôt ou tard, qui suivra son petit kiki adoré dans le ciel,
toujours accrochée à la laisse rétractable et que ça fera des ennuis,
subséquement, à ma soeur), mais ils se prennent des animaux errants jusqu'à
quel poids? Vingt? Trente? Quarante kilogs? Davantage? S'il leur en prend
l'envie, ils viseront quoi, ou qui? Ils feront une virée à la campagne et se
prendront un veau? Ils cercleront en ville et feront son affaire à une
contractuelle? Moi, je vous le dis, ma soeurette, elle se prépare des
emmerdes. Bon, pour le coup de la contractuelle, ou du pit-bull d'Abdelkrim,
ce ne serait pas bien grave, mais ce pourrait être un enfant!

Et puis, ce régime carné, composé presqu'exclusivement de viande citadine,
ça leur fera du mal, non, à ces deux volatiles? Ne vont-ils pas se retrouver
avec du diabète, ou la goutte? A propos, la goutte, chez les rapaces, ça se
manifeste comment?

Enfin, en supposant que par miracle les deux brutes ne se font choper ni par
les jeunes des banlieues, ni par les époux des contractuelles disparues
(c'est marié, une contractuelle?), ni par les flics, ni par les mémères du
petit kiki adoré, ni par le diabète, et vieillisse en sagesse et en beauté
dans leur repaire, au fond du jardin de ma soeurette, ils vont tôt ou tard
se retrouver avec la maladie qui guette tous les vieux: la presbytie.

Ca donnera quoi, pour la chasse? Ou bien on a déjà prévu des lunettes pour
oiseaux, ou bien ils vont se laisser tomber sur des mammouths laineux, en
croyant avoir vu des écureuils?

Merci pour vos pistes de réflexion.

--
PGå

Les poètes modernes, c'est rien que des gros boeufs.