TF1 Lâchés par la télé, ils doivent finir leur maison tout seuls

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Cette semaine, la famille Roche a vu débarquer les caméras de l'émission
Tous ensemble, de TF1, pour achever un chantier qu'elle ne peut terminer
faute d'argent. Alors que la mobilisation était engagée, l'équipe de
télévision a abandonné, avançant des raisons de sécurité. Et laissant le
couple plein de désillusions.

« On n'a pas de solution. La seule aide que je voyais, c'était eux. » Au
pied de sa caravane, Angélique Roche s'est assise dans le canapé pour
soulager son ventre arrondi. Et confier sa déception. Celle d'une
famille qui avait foi en une intervention télévisuelle.
Mercredi, une équipe de TF1 a débarqué à La Roche-Mabile, petite commune
de 134 habitants à l'ouest d'Alençon. Pour tourner un volet de
l'émission Tous ensemble. Le principe ? Achever en cinq jours, dans un
bel élan de solidarité, un chantier mal parti. En l'occurrence, la
maison en bois de la famille Roche. Érigée par Christopher Roche et son
père Roger, elle dresse son ossature et ses murs bâchés au-dessus d'un
terrain humide.

La mère au foyer de 29 ans vit à côté, dans 15 m2 répartis entre une
vieille caravane et son extension aux allures d'abri de jardin. Son
mari, 25 ans, est plombier. En 2007, un client n'a pas honoré sa dette
de 48 000 €. Depuis, l'artisan d'Eure-et-Loir se démène pour joindre les
deux bouts : « J'ai revendu une partie de mes outils et mis mon activité
en sommeil. »

Le couple a deux fillettes en bas âge. Un troisième enfant va arriver.
Profil presque idéal pour émouvoir les téléspectateurs. Contactée par la
mère de Christopher, la société de production de Julien Courbet, La
Concepteria, vient effectuer un premier repérage, début janvier. Puis la
machine s'emballe. L'équipe revient filmer le couple sous toutes les
coutures. Contacte de nombreux artisans des environs. Commande des
repas. Prépare le démarrage du chantier pour jeudi.

Mercredi, les caméras tournent déjà. Christopher le pudique doit
raconter ses déboires : l'endettement, son fourgon embouti par un
routier belge, le RSA pour vivre, l'aide d'associations pour manger, le
chantier commencé en février avec son père, maçon, puis stoppé faute de
matériaux...

L'incursion des reporters fait causer dans le bourg. Ce couple, arrivé
en 2008, n'est pas vraiment intégré, il possède un cheval et « commence
une maison de 160 m2 alors qu'il est en galère », confie un habitant.

Pourtant, dopée par la fée du petit écran, la mobilisation prend forme.
Une réunion de coordination se tient mercredi soir à la salle des fêtes.
Mais des doutes surgissent. Selon un électricien présent, « un
architecte de la région parisienne a dit que le plancher de bois de 9 mm
n'était pas assez costaud pour supporter les allées et venues des
bénévoles ». TF1 tranche : le projet est abandonné.

« J'ai dû dévoilertoute ma vie »

« Le chantier ne correspond pas aux normes de sécurité européennes,
explique le lendemain Mélanie Foucard, journaliste de Tous ensemble.
L'assurance ne pouvait pas le couvrir. C'est triste, mais c'était le
seul choix. »

Le soir même de la décision, l'animateur Marc-Emmanuel Dufour l'explique
au couple. Immense désillusion. Christopher est « dégoûté. J'ai dû
dévoiler toute ma vie. Pour rien. » Sa femme fulmine, le plancher fait
17 à 18 mm d'épaisseur. « Il était convenu de le renforcer. »

Désenchantement aussi pour le traiteur qui ne sait que faire des denrées
achetées pour une centaine de repas, pour les artisans qui voient
s'envoler le coup de pub, et pour ceux qu'on n'informe même pas. Tandis
que le soir même de l'annulation, l'animateur tente de demander au maire
« un relogement » de la famille.

« On n'a jamais demandé à être relogés ! », peste Christopher. « On
avait bâti un rêve dans notre tête, appuie sa femme, c'est pas pour
repartir en HLM ! Je suis bien ici, j'ai mes trois chiens, mon cheval
recueilli auprès d'une association, c'est ma tribu. »

Avec le recul, « TF1 est allé un peu vite, juge le maire, Michel Génois,
qui précise que cette famille est aidée par la commune. « Il aurait
fallu faire une enquête avant de mobiliser tant de monde. » La famille
Roche reconnaît des choix maladroits : « On aurait dû viser une maison
moins grande. » Mais le logement est là, inachevé, et le petit dernier
se manifeste pour voir le monde.

Petite lueur d'espoir tout de même : constructeur de maison en bois dans
l'Orne, Bernard Boutillier, venu pour superviser un chantier voisin, a
visité celui des Roche : « La conception est bonne. Il peut être
terminé. Peut-être pas en cinq jours. Mais c'est possible. » Si les
Roche récupèrent les matériaux nécessaires (bardage extérieur,
isolation, finition), il s'engage à « les aider pour réaliser au moins
une pièce habitable ». Une proposition sans doute plus solide que celle
de marchands de rêve.

Laurent NEVEU.Photo : Stéphane GEUFROI.TF