WestCoast...

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MELMOTH
Bien...
Vu l'_immense_ intérêt (hum...) que vous avez manifestement pris à la
lecture de Mon brillant opus sur le BEBOP, Je M'en vas vous pondre
quelques mots sur un autre grand courant du jazz du XXème siècle : le
*WEST COAST*...
Et comme Pol&Mil ne se manifeste plus, ce con, faut bien que Je M'y
attelle, nom de dieu/MELMOTH...
---------------------------------------------------------------------

*Shorty ROGERS* disait (Jazz Journal - 1979) : «Vous savez, nous
n'avons jamais eu l'intention de jouer quelque chose de différent et
spécifique qui puisse être baptisé "Jazz West Coast". Nous avons
seulement joué notre jazz».

Durant les derniers jours de décembre 1951, *Stan KENTON* décida
d'abandonner ses tournées /Innovations in Modern Music/ : elles
employaient 40 musicos, avec un sacré déficit de près de 200 000
dollars ! Le coup d'envoi avait été donné le 30 janvier 1950 au Los
Angeles Philharmonic Hall. C'est en outre dans cette même ville que
survint la dissolution de l'orchestre. *Shorty ROGERS*, *Art PEPPER*,
*Bud SHANK* et autres *Milt BERNHART*, *Bob COOPER* ou *Shelly MANNE*
et quelques autres décidèrent alors de s'établir dans la région. Un
pari assez audacieux, quand on songe que le Dixieland Revival y tenait
alors le haut du pavé. Dans le années 30, *Charlie BARNET* avait
qualifié la Californie de "désert musical". Les choses s'étaient malgré
tout un peu améliorées durant la décennie suivante. *King COLE* et son
trio...*Benny CARTER* avec une formation comprenant entre autres
*J.J.JOHNSON* et *Max ROACH*...L'innénarrable *Slim GAILLARD* y avaient
établi leur port d'attache.
Le "Jazz at The Philharmonic" et les concerts "Gene Norman Presents" y
entamaient également une belle carrière. *Charlie PARKER* lui-même
avait séjourné sur la côte ouest de la fin 1945 à avril 1947. Sans
grand succès, il est vrai. Mais il avait malgré tout distribué la bonne
parole, qu'*Howard McGHEE* , *Teddy EDWARDS*, *Wardell GRAY*, *Dexter
GORDON* et *Sonny CRISS* s'empressèrent de recueillir.

Malgrè cette relative évolution, les ex-kentoniens n'étaient pas
vraiment attendus à bras ouverts. Ils trouvèrent refuge dans un club
d'Hermosa Beach, le /Lighthouse/. *Howard RUMSEY*, lui aussi ancien
musicien de Stan KENTON (qu'il avait quitté en 1942) y tenait la basse
et en assurait l'animation. Fatigué des tournées, désireux de diriger
son propre orchestre, il avait jeté son dévolu à la fin de la seconde
guerre mondiale sur ce lieu qui frôlait la faillite. Le propriétaire,
John LEVINE, lui avait laissé carte blanche : «J'ai engagé les
musiciens les plus bruyants que j'ai pu trouver. Nous avon ouvert tout
grand les portes et commencé à jouer. Petit à petit les gens sont
rentrés et bientôt la salle fut pleine. Il y avait plus de monde que
LEVINEen avait vu en 15 jours».

Le Lighthouse, avec cet apport de talents frais, devint un véritable
Conservatoire du Jazz moderne. Howard RUMSEY organise le dimanche, de
deux heures de l'après-midi à deux heures du matin, des Jazz Sessions,
suite de véritables petits concerts. Cependant, cette invasion de
jazzmen ne fut pas du goût de tout le monde : le conseil municipal
d'Hermona Beach envisagea même sérieusement de prendre des mesures de
rétorsion, ce con...L'ordre public leur semblait devoir être menacé (!)
par ceux qu'ila avaient qualifiés de /a bunch of boppers/. L'expression
était on ne peut plus malheureuse. Il allait s'agir de tout autre chose
!...

[Suite au prochain numéro...]

*MILES...GIL...GERRY...ET LES AUTRES*

«Tout est venu de l'album de *Miles DAVIS* /Bith of the Cool/», devait
reconnaître un témoins privilégié, *Shelly MANNE*. Il faut remonter de
quelques années antérieures et, parodiant la presse à sensation, on
pourrait écrire : "Le style West Coast est né en fait à New-York dans
une pièce située derrière une blanchisserie chinoise". Là vivait *Gil
EVANS*, pianiste et arrangeur, i avait transposé pour le grand
orchestre de *Claude THORNHILL* des classiques du bop comme
/Anthropology/.../Yardbird Suite/.../Donna Lee/. L'auteur de ce dernier
thème était un jeune espoir de la trompette, *Miles DAVIS*, dont *Boris
VIAN* avait estimé qu'il possédait "une sonorité de dominicain : un
gars qui reste dans le siècle, mais qui regarde ça avec sérénité".
Admiration mutuelle et amitié s'installèrent entre *Gil EVANS* et
*Miles DAVIS* qui portait une grande estime à l'orchestre de *Claude
THORNHILL*, une des plsu importantes et mésestimées formation de
l'histoire du jazz moderne (une des plus inégales, aussi, faut bien le
reconnaître...Ainsi, aucune des faces enregistrées ne lui rend hélas
justice). Essentiellement un orchestre de dancen son instrumenntarium
incluait un cor d'harmonie et un tuba, son style répondant à une
conception bien particulière : "Tout, mélodie, harmonie, rythme, se
déplaçait à une vitesse minimale...Tout était sacrifié au son et rien
ne devait venir distraire de ce son. Il planait comme un nuage".

L'auteur de cette description, *Gil EVANS*, voyait son domicile exigu
devenir le théâtre de vives discussions mettant aux prises *Gerry
MULLIGAN*, un ancien de THORNHILL lui aussi, *John CARISE*...*John
Benson BROOKS*...Et le futur leader du fameux MJQ, *John LEWIS*. *De
quoi serait faite la période post-bop* ?...Comment adapter cette
prééminence du son à une formation réduite ? *Miles DAVIS*, qui venait
de quitter *Charlie PARKER*, prit les choses en main et décida de
passer de la théorie à la pratique. En septembre 1948, en alternance
avec *Count BASIE*, le Royal Roost présenta "L'Orchestre Mies Davis,
arrangements de Gerry Mulligan, Gil Evans et John Lewis". Ainsi était
libellée l'affiche, à la demande de Miles. L'instrumentation, réduite
au strict minimum en regard du but recherché, était assez inusitée :
une trompette, un cor, un tuba, un trombonne, un sax alto, un baryton
et une rythmique. *Count BASIE* fut fort intéressé, à l'inverse de son
public qui fut totalement déconcerté par cette musique privilégiant
l'harmonisation, dans un climat de détente et de douceur.

L'expérience aurait probablement sombré dans l'oubli si *Miles DAVIS*
n'avait réussi à persuader la compagnie Capitol d'enregistrer son
fameux nonette. L'entreprise s'avéra fort laborieuse : 12 morceaux
furent gravée en 3 séances s'échelonnant sur deux ans, avec un
personnel variable. Les ventes furent bien entendu médiocrissimes, mais
malgré tout nombre de musicos reçurent le message. Rompant avec les
stridences du bop, le jazz se faisait _douceur_ et _introspection_.
Tout en dynamitant, sans en avoir l'air, la métrique classique...

Bon...Je pars faire Mes courses, là....

LE PRÉSIDENT...*

Parralèlement, à l'autre bout des States, un événement allait infléchir
le cours du destin dans une direction identique.
Durant les WE de l'été 1947 se produisait au /Pete Pontrelli's
Figierosa Ballroom/, situé en plein quartier espagnol de Los Angeles,
l'orchestre du trompettiste *Tommy DE CARLO*. Formé de 8 musiciens, cet
orchestre avait pour pianiste arrangeur *Gene ROLAND*, qui avait déjà,
l'année précédente, essayé d'imposer la formule d'une section de saxes
composée de 4 ténors. Sans succès. Il la reprenait ici avec, tenez-vous
bien, *Stan GETZ*...*Zoot SIMS*...*Herbie STEWARD* et *Jimmy GIUFFRE*.
Par obligation, leur répertoire était composé aux trois-quarts de
morceaux mexicains, mais cela n'empêcha pas cet alliage insolite
d'attirer l'attention de *Ralf BURNS*, un des principaux arrangeurs de
*Woody HERMAN*...
Ce dernier venait de dissoudre sa formation et chassait les nouveaux
talents. Après s'être rendu lui aussi au "Figueroa Ballroom", il engage
aussitôt GETZ, SIMS, et STEWARD. La présence d'un quatrième ténor
imposant une refonte de tous les arrangements, Jimmy GIUFFRE restera
sur la touche, le pauvre...Paradoxalement, ce sera sa composition /Four
Browers/ qui servira de manifeste (et de patronyme !) pour cette
secrion de saxophones pas comme les autres, et qui eut la célébrité
qu'on connaît...
Tous, y compris *Al COHN*,qui rempalcera rapidement STEWARD, avaient
élu *Lester YOUNG* comme maître à penser. Légèreté de la
sonorité...nonchalance apprente du jeu...swing feutré...ambiance
détendue prenaient le pas sur l'expressionnisme, et un lyrisme tzigane.

/Four Brothers/ et /Early Autumn/, deux des thème privilégiés de ce
nouvel ensemble, eurent un impact considérable sur toute une génération
de saxophonistes : les projecteurs se braquaient sur *Lester YOUNG* et,
en 1956, Bill PERKINS devait déclarer à la revue Metronome : «Approcher
une seule nuit la beauté achevée du son et des idées du *PREZ* vaut
tous les sacrifices de temps et d'énergie».
Pour *Lee KONITZ*, il y avait la /sonorité de Lester dans les vieux
disques de BASIE, un son de ténor tellement beau, tellement pur.
Valable pour l'alto aussi/. KONITZ avait fait ses premières armes, on
s'en souvient [cf. Mon brillant opus sur le bop] avec *Claude
THORNILL*, au sein du nonette de *Miles DAVIS*, mais également en
compagine de *Lennie TRISTANO*, qui jugeait le jazz comme étant une
musique suffisamment sérieuse pour mériter d'être étudiée et d'être
débarrassée de tout clinquant superficiel. Le pianiste comme l'alto
avaient alors choisi le sérieux et la discrétion. Le côté
avant-gardiste de leurs conceptions n'eut qu'un écho limité sur la West
Coast, contrairement à leurs sonorités nouvelles, individuelles et
collectives...

Jaiparlé©...
Et comme absolument personne ne fait le moindre commentaire sur Mes
efforts, Je Me demande bien si Je vais continuer, Moi...

*COOL AND CRAZY*...

Les trois mousquetaires du nouveau style qui allait se développer à
l'ouest avaient nom *Shorty ROGERS*...*Jimmy GIUFFRE* et *Shelly MANNE*
(combien de fois ne l'ai-Je pas entendu, ce garçon !...Quel admirable
batteur, nom de dieu/MELMOTH...), qui évoque ainsi leurs débuts : «Il
faut dire que toutes les affaires étaient faites par un petit nombre de
musiciens. Ainsi quand Shorty ROGERS avait un engagement, j'était à la
batterie et Jimmy GIUFFRE au ténor. Si j'en avais un, Shorty était à la
trompette et GIUFFRE au ténor, et ainsi de suite. Alors, naturellement,
le son restait le même. C'était le nôtre, et il est devenu un style. En
fait, nous venions tous de la côte est et si nous étions restés à New
York peut-être aurions-nous joué de la même façon...».

Alors qu'ils faisaient encore partie de la formation de *Stan KENTON*,
le "triumvirat" avait participé le 8 octobre 1951 à l'enregistrement de
lm'album /Modern Sound/, qui utilisait alors une instrumentation quasi
identique à celle de /Birth of the Cool/. Shorty ROGERS ne n'en est
jamais caché ! : «À ce moment-là, nous subissions l'énorme influence de
la formation de *Miles DAVIS* réunie pour les sessions /Capitol/. Et
moi personnellement celle du jeu de Miles». Les six morceaux gravés
obtinrent un très vif succès...Ils récidivèrent donc deux ans plus tard
pour RCA. Ainsi, /Bunny/ reflète sans ambiguïté le patronage invoqué
par Shorty. Cependant, l'aspect avant-gardiste du modèle s'estompe pour
faire place à une _joie de jouer et de créer_, qui transparaît dans le
solo d'*Art PEPPER*, une _figure-clé du jazz californien_....

Pour la séance suivante, Shorty, avec sa bénédiction, emprunta # 95% de
l'orchestre de *Stan KENTON* ! Tous les thèmes étaient des compositions
du leader, portant des titres parfaitement fantaisistes. /Boar Jibu/
met en vedette la section des saxes au parfum très "Brothers", ténors
dialoguant vigoureusement avec barytons. L'album sorti sous le titre
/Cool and Crazy/ fut à l'époque considéré comme un _véritable
manifeste_.

Les choses commençaient sérieusement à s'améliorer pour les "exilés" :
le mode d'habitation en maisons individuelles favorisait le travail
personnel et la stabilité financière apparraissait (enfin !) à
l'horizon : les studios d'Hollywood, toujours friands de musiciens
rompus à toutes les disciplines, allaient leur offrir leurs portes
grâce à *Shelly MANNE*.
«La première fois qu'on m'a convoqué pour un travail en studio, j'ai
rempli mon contrat alors que c'était en fait très difficile. Comme il
s'agissait d'une musique proche du jazz, ils avaient fait appel à un
jazzman. Il s'agissait de jouer en lecture à vue la partition de
*Leonard BERNSTEIN* /Fancy Free/ écrite en 5/4. Ce qui était inhabituel
à l'époque. Je l'ai fait et par la suite, j'ai été convoqué pour
interpréter toytes sortes de musiques. Ils avaient compris que je
pouvais tout jouer...Du coup, ils ont engagé de plus en plus de
jazzmen».

Pour sa part, *Shorty ROGERS* se voit confier une parte de la musique
du film /The Wil One/ (L'Équipée sauvage) sous la supervision de Leith
STEVENS. Cette production pétaradante obtint un grand succès public. La
Californie était donc _à l'ordre du jour_, d'autant plus que deux
formations commençaient à sérieusement faire parler d'elles : les
quartets de *Gerry MULLIGAN* et de *Dave BRUBECK*...

Ce que nous verrons dans un prochain numéro...Parceque là, J'e ai ras
le bol, voyez-vous...Et Je M'en vas écouter Portal et Humair, pour
changer, tiens...

*UN BARYTON...SANS PIANO*...

«/San Francisco/ : Durant la première semaine de septembre, San
Francisco a été le centre du pays pour la musique "moderne". Le /Gerry
Mulligan Quartet/, dont la sonorité est certainement la plus nouvelle
et la plus intéressante à avoie émérgé dans le jazz depuis longtemps,
se produisait au /Blackhawk/. Soir après soir, ses prestations étaient
suivies par tout ce que la ville comptait de musiciens, à la fois
approbateurs et surtout émerveillés !»
Ainsi commençait une chronique de Ralf GLEASON publiée dans le /Down
Beat/ du 22 octobre 1952.
Le quartet avait débuté en fait pendant l'été, au /Haig/ de Los
Angeles. Son instrumentation passablement révolutionnaire comprenait
*Chet BAKER* à la trompette (Maille god/MELMOTH...Quel
pianiste/chanteur !), *Bob WIHITLOCK* à la basse, *Chico HAMILTON* à la
batterie et, ai baryton, *Gerry MULLIGAN*..._Pas de piano_ !...
Bien qu'âgé seulement de 24 balais, MULLIGAN n'avait rien d'un
débutant. Après avoir vu ses débuts encouragés par *Charlie PARKER*, il
avait appartenu en tant qu'instrumentiste et arrangeur aux formations
de *Gene KRUPA*, d'*Elliot LAWRENCE* et de *Claude THORNHILL*. Il avait
joué avec *Kay WINDING*, *Georgie AULD*, *George WALLINGTON* et bien
d'autres. Et surtout il avait été une des chevilles ouvrières du
nonette de *Miles DAVIS* !...

La musique qu'il présentait faisait prendre un véritable bain de
fraîcheur à ses auditeurs. *Chet BAKER* et lui-même jouaient avec
beaucoup de simplicité et de délicatesse, pratiquant un délicat
contrepoint à deux voix aussi nouveau que séduisant. Le répertoire
alternait standards et compositions originales, toutes plus réussies
les unes que les autres (/Five Brothers/.../Cool Gabriels/.../Happy
Hooligan/...La prise inédite de /All the Things you are/ chez RCA donne
un reflet fidèle de la musique que pratiquait de quartet. *Chet BAKER*,
dont le jeu pudique et nostalgique atteint un sommet dans /Over the
Rainbow/, est parfois remplacé par *Paul DESMOND* (C'est selon Moi LUI
qui fut à la base de la qualité et du succès du quartet de
BRUBECK...Pas le pianiste !), qui fut, donc, pendant de longues années,
le _pilier_ du quartet de *Dave BRUBECK*, ralliant tous les suffrages
par son jeu à l'apparente fragilité qui dissimulait en fait une pensée
musicale aussi rigoureuse qu'imaginative. (/Hi-Lilly/.../Hi-Lo/ etc..).
Aucours des années 48/50, BRUBECK avait mis sur pieds dans
l'indifférence générale un octet expérimental. *Dick COLLINS* et *Bill
SMITH* figuraient, en plus de DESMOND, parmi les rescapés de
l'aventure. Dans /Swin Low, Sweet Chariot/, on entend à quel point la
clarinette de Bill SMITH pouvait être émouvante...

Grâce en partie aux tournées qu'ils avaient entreprises dans les
universités, BRUBECK et son quartet commençaient à bénéficier d'une
renommée certaine et à devenir pour les amateurs un point de mire, au
même titre que MULLIGAN ou ROGERS. Pour la première fois depuis
longtemps, le centre de gravité du jazz était en train de se déplacer
sérieusement.

*CETTE MUSIQUE QUE L'ON DIT COOL...*

Depuis de nombreuses années, l'étoile de NYC/Mecque du Jazz commençait
à pâlir sérieusement. La fameuse /52ème Rue/ finissait d'agoniser en
douceur. Le bop était entré dans les meours, *Dizzie GILLLESPIE* étant
devenu une figure familière. Les suiveurs de *Charlie PARKER*
prolongeaient la lettre du message à défaut de l'esprit. *Miles DAVIS*
entamait une traversée du désert, alors que *MONK* continuait à créer
dans l'indifférence générale (un peu comme Moi en ce moment, en quelque
sorte)...

Une invention récente, le /microsillon/, propageait dans tout le pays
(et en Europe) ce qui était en train de se passer en Californie.
Là-bas, les petites compagnies se multipliaient avec, comme corollaire,
le foisonement des sessions d'enregistrement. Le *JAZZ WEST COAST était
né, le style *COOL* régnait ! Qui cohabitait farpaitement avec le
*BOP*.
Avec le recul, il apparaît bien évidemment que ces appellations sont
parfaitement arbitraires, comme toutes les classifications à-priori. La
première n'a de valeur que géographique, la deuxième pouvant aussi bien
s'appliquer au style d'un *Bix BEIDERBECKE*, *Bobby HACKETT* ou autre
*Teddy WILSON*.

Sur le terrain, chacun des pionniers continuait à poursuivre son oeuvre
personnelle. *Gerry MULLIGAN* montait un tennette, *Jimmy GIUGGRE*
portait ses recherches sur le tempo sous-entendu, *Shelly MANNE* se
livrait à des expérience de libération complète de la batterie. Quant à
*Shorty ROGERS*, il continuait à étudier avec comme professeur *Wesley
LA VIOLETTE* dont la profession de foi était : «Il n'y a pas de bonne
et mauvaise sorte de musique, il n'y a que la bonne et mauvaise
écriture». Un beau libéralisme qui reflète tout le courant de pensée de
la Côte Ouest.

Le trompettiste avait lui-même servi de guide pour un grand nombre de
ses collègues, en leur faisant découvrir les disques de *Count BASIE*,
de *Lester YOUNG*, de *Dizzie GILLESPIE* ou de *Charlie PARKER*...
La grande majorité d'entre eux aurait eu quelque peine à se tenir au
courant de l'évolution du jazz : depuis leur plus jeune âge, encore
très proche, ils avaient appris leur métier de musicien sur la tas, au
sein de tous les grands orchestres qui sillonnaient le pays. Ce qui
laissait, on peut s'en douter, fort peu de loisirs. Par contre, tous
possédaient de par leurs apprentissages, une technique instrumentale
sans failles et un goût marqué pour le travail bien fait ; le temps de
sessions vite faites et plous ou moins bâclées était révolu. Jamais
encore l'art de l'écriture n'avait été l'objet d'un tel culte : les
arrangeurs régnaient en maîtres, la plupart étant aussi
instrumentistes...

Tous leurs efforts convergeaient vers une recherche de la qualité du
son, aussi bien individuelle que collective. Se trouvaient de surcroît
réhabilités des instruments parfaitement inusités, comme la flûte, le
cor, le hautbois, alors que la conception-même du quintette classique
ou du grand orchestre de base volait tout simplement en éclats. Les
plus singuliers et étonnants amalgames avaient droit de cité, chez les
Californiens, e t allaient bientôt envahir _tout le jazz_ : 4
trompettes et une rythmique (/Happy Hooligan/.../Cool Gabriels/
etc..)...Ou une section mélodique composée d'1 trompette, 4 trombonnes
et un ténor (/Chineese Water Torture/, de *Billy BYERS*)...3 altos
(/Dancing in the Dark/, de *Hal SCHAEFFER*)...1 trompette et 4 pianos
(!) (/Sid, Old Kid/, de *Marty PAICH*)...

Ainsi qu'on pouvait s'en douter, NYC ne reta pas longtemps à la
traîne. *Zoot SIMS*, *Al COHN*, *Gerry MULLIGAN* et quelques autres
étaient entre temps retournés à l'est. Bien malin serait celui qui
pourrait dire sans coup férir à quel endroit tel ou tel enregistrement
avait été enregistré ! : /Brother Jack/ sonnait aussi "californien" que
/For the Fairest/ (bien que les rythmiques "à la Basie" fussent plus
nombreuses sur la côte est).
À l'opposé des boppers, tous les solistes caressaient la mélodie dans
lme sens du poil. Il était de bon ton de dissimuler toute difficulté,
toute innovation derrière une approche simple, accessible à tous. Il
n'en fallut pas plus pour que le jazz _redevienne une musique
POPULAIRE_ au cours des années 50...

evant une demande toujours croissante d'albums, les maisons de disques
allaient se faire une douce violence. RCA se constitua à l'époque un
catalogue pariculièrement riche : *Al COHN* et *Shorty ROGERS*
devinrent directeurs artistiques, la série /Jazz Workshop/, qui
laissait la bride sur le cou aux arrangeurs, vit le jour. Revenaient
également dans les studios quelques-uns de ceux qui avaient gravité
autour de *Gil EVANS* : *John BENSON BROOKS* avec son superbe /Folk
Jazz in USA/, dont on trouve en particulier le /Venezuela/...Le
trompettiste arrangeur *Jojn CARISI* dont /Walkin' on the Air/, écrit
pour *Tony SCOTT* n'est pas sans évoquer son fameux /Israël/ gravé par
le nonette de *Miles DAVIS*...*George RUSSEL*, qui présentait dans son
ensemble un pianiste débuttant nommé...*Bill EVANS* !...

La fin de la seconde guerre mondiale avait sonné le glas pour la
majorité des grands orchestres, ce qui n'avait pas été sans laisser un
goût de cendre dans la bouche de tous ceux qui avaient fait de
l'_écriture_ leur profession. Les conditions étant favorables, pourquoi
ne pas les faire revivre, sans gros risque, le temps d'un
enregistrement ?...Jeposelaquestion©...
*Dick COLLINS*, avec l'aide de *Nat PIERCE*, réunit donc une formation
idéale...*George WILLIAMS* salue *Jimmy LUNCEFORD*...*Dennis FARNON*
s'élève à la hauteur du meilleur *Stan KENTON*. Curieusement, tous
feront une musique parfaitement réussie, mais en retrait par rapport à
celle née de formations plus réduites. À l'exception, bien entendu, de
*Shorty ROGERS*.

Avec un bel éclectisme, il utilise des ensembles à géométrie variable
pour rendre hommage aussi bien à un chef-d'oeuvre de la comédie
musicale comme /Gigi/ (/Thanks Heaven for Little Girls/,
qu'interprétait Maurice CHEVALIER dans le film de MINELLI, joué en
quintette) qu'à TCHAIKOVSKY (/Pass the Duke/, exécuté par 18 musiciens.

Mais tous ces écrins avaient pour principal objet de promouvoir le ou
les solistes. Jeter un bref coup d'oeil du côté de ces derniers suffit
pour mesurer l'inanité de vouliur les transformer en troupiers d'une
seule et même armée ! On rencontre de tout aux détours de (Mes) sillons :
des boppers quasi-orthodoxes comme *Conte CANDOLI*...Des représentants
d'un certain middle-jazz comme *Joe NEWMAN* ou *Red NORVO*...Des
continuateurs du discours parkérien comme *Phil WOODS*...Des
inclassables tels que *Al COHN*, *Hal McKUSICK*, ou le superman du
trombonne *Frank ROSOLINO*.
Le respect mutuel était à l'ordre du jour, avec comme corollaire
l'ouverture d'esprit. La frontière quasi étanche qui existe entre le
jazz et ce qu'il est convenu de baptiser la variétoche n'a jamais
existé !...

Outre Atlantique, ce fut le moment où les liens qui les réunissait fut
le plus étroit : *Frank SINATRA*, *Mel TORMÉ*, *Sammy DAVIS Jr*, *Dean
MARTIN* se firent accompagner par ces jazzmen qui, comme eux,
cultivaient la beauté du son. Paradoxalement, *Helen MERRIL* dont le
timbre de voix et le style d'interprétation appartiennent à ce qu'il
est convenu d'appeler l'/esthétique COOL/ ne bénéficia jamais du
soutien musical des Californiens...En revanche, elle reçut celui de
*Gil EVANS*...

Après avoir fait tache d'huile sur l'ensemble des USA, le style né sur
la côte Ouest franchit (comma Je l'ai déjà précisé) l'Atlantique.
Nombreux furent les ensembles ou les solistes qui y succombèrent sur le
Vieux Continent. De toutes les individualités, *Lars GULLIN* ressort
sans discussion possible. Seuls *Gerry MULLOGAN* et *Bob GORDON*
atteignent aux mêmes sommets dans l'expression d'un lyrisme
déchirant...

[Suite et fin quand Je serai reposé, Mes Gueux (Victor©)]...

LA CHUTE DE L'EMPIRE CALIFORNIEN*...

Suite et fin de cette passionnante aventure, racontée avec talent, Que
dis-Je...Avec _génie_, par le Grand MELMOTH...

Dans ce vaste courant d'oecuménisme musical qui aura caractérisé ces
années 50, ceux qui par leur jeu prônaient un retour au bop pur et dur
n'avaient jamais été exclus, bien au contraire. *Clifford BROWN* avait
réalisé un splendidissime album arrangé par *Jack MONTROSE*...*Max
ROACH* s'était installé derrière sa fabuleuse batterie dans les
/Lighthouse all Star/, et, par contre, *Sonny ROLLINS* avait bénéficié
du support de *Shelly MANNE*. Ce seront eux qui, avec l'appui d'*Horace
SILVER* et *Art BLAKEY* entre autres, recevront les suffrages du
public. À juste titre (ce qu'on ne peut dire du /Soul/ au kiliomètre
débité par la nouvelle idole, *Les McCANN*).
La nouveauté devenant instantanément l'idéologie dominante, la
sérénité, 3 fois hélas, succomba. Avec plus ou moins de binheur,
beaucoup trouvèrent un refuge dans les studios d'Hollywood. Qui en
furent les bénéficiaires.

Les plus grands, *Stan GETZ*...*Gerry MULLIGAN*...*Zoot SIMS*...*Shelly
MANNE*...*Paul DESMOND*...continuèrentleurs oeuvres personnelles contre
vents et marées. *Gil EVANS*, quant à lui, malgré les pires
difficultés, réussit le prodige de se retrouver, jusqu'à son camardage
en 1988, à la pointe de l'avant-garde.
Reléguée dans les histoires du jazz à un paragraphe généralement
réprobateur, considérée comme une excroissance monstrueuse, la musique
dite *WEST COAST* méritait un meilleur sort (et c'est bien pour ça que
MELMOTH S'en est occupé, bon dieu/MELMOTH !) : elle avait ouvert, plus
que tout autre courant, un grand nombre de portes sur le futur. Et cela
avec un humour et une curiosité toujours en éveil, qui semblent avoir
échappé ) l'ensemble de la criticaillonnerie.
Bon marché est fait des talents aussi évidents que ceux, beaucoup moins
connu du grand public, de *Don FAGERQUIST*...*Richie KAMUKA*...*Bill
PERKINS*...*Lou LEVY*...*Milt BERNART*...
Sont entraînés dans le même bateau *Nick TRAVIS*, trop tôt
disparu...*Don JOSEPH*, le plus poète d'entre tous...*Hal McKUSICK* et
tant d'autres...

Heureusement, il semble que leur "procès" soit depuis quelque temps en
révision : *Chet BAKER* et *Art PEPPER* (Maillegode©...Que d'immenses
artistes, eux aussi !) ont réalisé des retours fulgurants...Ainsi que
*Dave PELL*...*Bud SHANK* et ses L.A.Four, qui réapparaitront sur la
scène du jazz dans les années 60/70...*Shorty ROGERS* sortira lui aussi
de sa réserve.
Sans qu'il ne soit jamais question de nostalgie dans ce qu'elle peyt
avoir de stérile, leur cause _doit être entendue_, bordel de merde, car
elle est _juste_...

Crevé, Je suis, là...
Bon...Qu'est-ce qu'on dit ?...
Jeposelaquestion©...

Tenez...Allez donc vous amuser par là :

http://tinyurl.com/2wx5sky

Je vous quitte, (rares) amis et (nombreux) ennemis de Moi-Même...
La prochaine fois...Me demande si Je ne causerai pas de
Schubert...Histoire de changer...

--
Car avec beaucoup de science, il y a beaucoup de chagrin ; et celui qui
accroît sa science accroît sa douleur.
[Ecclésiaste, 1-18]
MELMOTH - souffrant

3 réponses

Avatar
siger
MELMOTH a écrit :

WestCoast, BEBOP...



À part le fait que tu t'es gourré de forum, je te propose plutôt de
faire un document bien mis en page avec un traitement de texte et de le
proposer à télécharger en PDF, ce sera bien plus agréable à lire.

--
siger
Avatar
Gerald
MELMOTH wrote:

La prochaine fois...Me demande si Je ne causerai pas de
Schubert...Histoire de changer...



Non, pitié, pas ici !

--
Gérald
Avatar
Bernard Meylan
Le 02. 06. 10 09:59, MELMOTH a écrit :

Je vous quitte, (rares) amis et (nombreux) ennemis de Moi-Même...



Tous à vos mouchoirs!

La prochaine fois...Me demande si Je ne causerai pas de
Schubert...Histoire de changer...



Courage, fuyons!

Bernard