No man’s land

Débutée au siècle dernier sur PC, la série Fallout a une solide base de fans. Tout d’abord un jeu de rôle en vue isométrique avant de bouleverser son approche pour une vue subjective avec Fallout 3, la franchise revient trois ans après un Fallout 4 déjà bien plus orienté action et bridant sa dimension roleplay. Annoncé en grandes pompes au dernier E3 de Los Angeles, Fallout 76 suit la tendance de la licence The Elder Scrolls avec son épisode online, puisqu’il s’oriente lui aussi vers une expérience multijoueur. Pari risqué selon les amateurs de longue date mais véritable aubaine pour les nouveaux venus qui ne jurent que par les expérience 100 % connectées, ce nouvel opus nous propose d’incarner le dernier survivant de l’abri 76, aux abords d’une nouvelle région de la Nouvelle Virginie, à savoir les Apalaches.

Avant de nous attarder sur le contenu du titre, nous avons véritablement peiné à pouvoir jouer dans des conditions optimales lors des premiers jours suivant la sortie. En effet, un patch de près de 50 Go s’est suivi par une seconde mise à jour d’autant de données, sans compter des maintenances de serveurs aux heures inadéquates (en soirée notamment). Rarement il a été aussi pénible de pouvoir accéder à un jeu qui nécessite une connexion Internet et – pour les joueurs sur consoles – un abonnement en ligne pour en profiter. Passé ces déconvenues, nous pouvons nous lancer dans l’aventure, après avoir créé notre rescapé des bombes. Si Fallout 76 est vendu comme une expérience multijoueur, les développeurs ont rapidement tenté de rassurer les joueurs en colère en précisant qu’il est possible d’effectuer l’ensemble de l’aventure en solo. A l’exception de croiser des joueurs dans les Apalaches et la nécessité d’être connecté à l’un des serveurs du soft, c’est vrai.

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Malgré tout, l’univers du jeu est initialement pensé pour être parcouru en solo, laissant la part belle à l’exploration et la rencontre de PNJ au fil des lieux découverts. Dans le cas présent, aucun PNJ n’est présent dans le titre, seuls quelques robots interagissent brièvement avec les joueurs, mais sans aucun choix de dialogue. Certes, le scénario fait cas de la repopulation de la Nouvelle Virginie suite à la guerre entre les États-Unis et la Chine, mais les joueurs connaissant la franchise seront déçus d’apprendre qu’aucune action aura de conséquence sur l’environnement et l’histoire. De ce fait, nous nous retrouvons spectateur d’un jeu qui autrefois nous offrait une très grande diversité et des embranchements intéressants. Qui plus est – mais ce n’est pas forcément une nouveauté – la trame principale du soft n’est en aucun cas intéressante. En effet, ce cheminement n’est clairement qu’un prétexte à explorer les Apalaches. C’est donc dans cette optique que des quêtes secondaires s’amorceront et certaines d’entre elles se révèlent diablement bien écrites. Malheureusement, beaucoup d’objectifs à mener se contentent de nous balader à travers l’environnement de jeu pour récupérer un objet à déposer ailleurs, à l’instar d’un MMORPG d’il y a plusieurs années. Dommage !

Les PNJ étant absents de l’aventure, ces quêtes s’engageront de façon subite, en découvrant un lieu, en passant près d’un bâtiment ou, plus simplement, en lisant une lettre ou un document sur l’un des nombreux terminaux informatiques du jeu. Cette mise en place se révèle brouillonne et l’écran se chargera rapidement d’objectifs à suivre, sans forcément en comprendre tous les enjeux. A cela s’ajoutent les événements qui se déroulent sur certaines zones des Apalaches et qui peuvent s’exécuter à plusieurs joueurs. Les réfractaires du multijoueur peuvent toutefois réaliser ces missions en solo, quand bien mêmes certaines demandent d’abattre basiquement plusieurs vagues d’ennemis.

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Frappantes incohérences

Le grand bouleversement de ce Fallout 76 agit dans le fait de croiser d’autres joueurs sur la carte du jeu, disséminés à un maximum de 24 joueurs par serveur du côté de Bethesda. Il est possible d’interagir au moyen d’un micro, mais aussi via une palette d’actions permettant de se faire comprendre. La mise en place imaginée par les développeurs est pensée de manière à privilégier la coopération en échangeant des objets de l’inventaire et en permettant de monter des escouades de quelques joueurs pour poursuivre l’aventure. Si nous ne croisons pas forcément des joueurs à tous les coins de la map, c’est surtout à la sortie de l’abri 76 que nous verrons beaucoup de monde, ce qui pourra exaspérer. L’accès aux ateliers ne pouvant se faire qu’un personnage à la fois, il y a parfois une véritable file d’attente qui se dresse, ce qui se révèle très ridicule. Le PvP existe également mais a été largement mis au second plan. S’il est possible d’attaquer un autre joueur, ce dernier ne recevra que de très léger dégâts, tant qu’il ne lance pas de représailles. Dans le cas contraire, le duel sera lancé et le vainqueur pourra récupérer le butin de son adversaire. Toutefois, son profil sera alors marqué en rouge sur la carte du monde et une prime posée mise sur sa tête, attirant ainsi les autres joueurs à proximité qui pourraient flairer un enrichissement en l'affrontant.

Au-delà de cet aspect multijoueur qui se révèle finalement assez basique, l’ensemble des mécaniques de gameplay sont héritées de Fallout 4. Nous nous retrouvons ainsi à nouveau devant l’interface inutilement complexe du précédent opus de la franchise, mettant à l’honneur des menus mal pensés, via les ateliers de fabrication et le C.A.M.P. Ce dernier représente le mode de construction instauré dans Fallout 4, permettant de construire son abri de fortune, à commencer par des palissades, des tourelles de défense et autres ateliers. Ce C.A.M.P. peut être déplacé à tout moment d’un endroit à l’autre de la carte contre quelques capsules (la monnaie du jeu). Un coffre « magique » permet également de nous délester de quelques objets de notre inventaire, dans l’optique de ne pas dépasser le poids maximal autorisé pour notre personnage, soulignant un élément de gameplay particulièrement frustrant qui a été introduit dans le jeu.

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Le soft prônant le fait de récupérer tous types d’objets plus ou moins utiles afin de fabriquer / réparer, modifier des équipements, la gestion du poids forme l’une des principales inquiétudes du jeu. Après quelques heures de jeu, nous nous retrouvons à errer dans un endroit isolé des Apalaches, en surpoids – donc, sans la possibilité de courir ou se déplacer instantanément vers un autre lieu – en quête d’un atelier pour recycler notre bric-à-brac et fouiller longuement notre inventaire afin de limiter le nombre d’objets lourds. Cette mécanique est réellement frustrante puisque le jeu pousse clairement à récupérer jusqu’au moindre tournevis ou colle qui traîne dans les différents décors. Nous passons ainsi la plupart de notre temps dans les menus pour éviter de dépasser la limite de poids, en jetant parfois des armes et autres objets encombrants. Les armes et morceaux d’armures s’usent également à l’usage et il convient de les réparer via des établis prévus à cet effet. Toutefois, certaines denrées plutôt rares telles que l’aluminium ou le scotch étant requises pour les réparations, nous avons tôt fait de jeter l’arme devenue inutile et en utiliser une autre récupérée avec un ennemi, quitte à faire l’impasse sur les modifications que nous avions apportées. Ce constat est plutôt dommage et casse l’intérêt d’utiliser des ateliers pour agrémenter notre équipement.

Concernant les autres fonctionnalités inhérentes à la série depuis les derniers opus, le SVAV est de retour, mais il n’est plus question de mettre le jeu en pause active pour viser tranquillement les parties du corps des ennemis. Online oblige, tout se passe en temps réel et il faudra un temps d’adaptation même si ce mode de visée demeurera utile au fil du temps, notamment au moyen des améliorations S.P.E.C.I.A.L. A l’instar des précédents épisodes, il est possible d’améliorer nos statistiques lors d’un gain de niveau d’expérience in-game. Dans le cas présent, le système joue sur le côté aléatoire en débloquant aléatoirement des perks sous la forme de cartes qu’il conviendra de choisir selon les capacités privilégiées. Si la mise en place est de prime abord déroutante, c’est au final plutôt bien pensé. La partie survie a également été poussée, de sorte à respecter nos besoins en nourriture et en eau. Si cet ajout se révèle intéressant, il s’agira surtout d’une contrainte triviale qui nécessite de boire de l'eau et/ou manger quelque chose de façon régulière, en utilisant les objets récoltés dans notre inventaire.

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La guerre a changé

Si le constat de Fallout 76 est clairement en demi-teinte en ce qui concerne son approche et son gameplay, la réalisation n’est pas non plus à son avantage. Si les habitués des production de Betheda savent que les problèmes techniques sont quasiment la marque de fabrique de la société, Fallout 76 ne fait clairement pas exception. En effet, de nombreux bugs sont de mise au coeur de ce moteur graphique désormais daté : problèmes de pathfiding, des ennemis se bloquent dans les décors, « poppent » dans les environnements et se figent parfois ou encore les objectifs de quêtes peuvent se bloquer et empêchent ainsi leur finalisation. Souvent, il convient de quitter le jeu et recharger la partie afin de tenter de débloquer des situations. Une fois encore, c’est frustrant et ça mine clairement l’intérêt de poursuivre l’aventure.

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Heureusement, la carte du monde étant globalement bien conçue, l’envie d’explorer et découvrir de nouveaux lieux joue clairement en la faveur du jeu, quand bien même les endroits à découvrir seront généralement remplis de goules, super mutants et, au mieux, de robots. Le titre affiche toutefois un savoir-faire que nous ne pouvons imputer à Bethesda : le fait de savoir raconter des histoires. Au moyens des nombreux textes trouvés ça et là sur des lettres découvertes dans des taudis ou encore des rapports de terminaux informatiques, il y a toujours des histoires à découvrir, insufflant souvent une identité aux lieux visités, quand bien même beaucoup d’environnements se révèlent honteusement copiés de Fallout 4, faisant parfois passer ce Fallout 76 comme une « vulgaire » extension sans prétention.

+ Les plus

  • L'environnement à explorer
  • Des quêtes secondaires bien écrites
  • Des modifications intéressantes du S.P.E.C.I.A.L.

- Les moins

  • Le plein de bugs
  • Plus vraiment de roleplay
  • Multijoueur peu utile
  • Gestion du poids mal pensée
  • Beaucoup de quêtes inintéressantes
  • IA catastrophique
  • Gameplay et interface lourds
  • Beaucoup de pompage sur Fallout 4