L'appât du gain

Pour les plus jeunes joueurs, Thief ( The Dark Project ) se présente comme un nouveau jeu, une nouvelle licence. Et pourtant, la série date tout de même de 1998, année faste en matière de jeux vidéo, que se soit sur consoles comme sur PC. Développé par Looking Glass Studios, ce jeu d'infiltration en période médiévale s'est révélé être un petit bijou pour les amateurs du genre, d'autant plus que la difficulté était sacrément relevée. Les deux volets qui ont suivi se sont également présentés comme de très bonne productions.

Eidos Montréal a repris les rênes de la licence il y a tout de même cinq ans, afin d'amorcer le développement d'un quatrième opus qui s'est finalement transformé en véritable reconstruction de la franchise. Aussi, l'équipe de développement a repris le background et quelques idées du jeu initial, tout en apportant une approche plus en adéquation avec les jeux en vue subjective d'aujourd'hui. Et là, les fans de la première heure commencent à trembler dans leurs bottes, à l'idée d'un titre résolument édulcoré et simplifié à l'extrême. Il n'auraient pas tout à fait tort...

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Après une longue période de conception, ce nouveau Thief est finalement sorti, nous permettant de retrouver le maître-voleur Garrett après de longues années d'absence. Il se voit évoluer dans la Cité, une ville sordide ou la richesse flamboyante se cloisonne de l'extrême pauvreté de la plupart des habitants. Alors que « l'élite » se terre dans des lieux bien gardés, la quasi-majorité de la populace crève de faim et meurt à petit feu de la grisaille, une sorte de peste qui fait clairement des ravages. En conséquence, les artères que nous serons amenés à arpenter s'avèrent sales, sombres et particulièrement sordides. Dans l'absolu, nous retrouvons une atmosphère proche des prémices de la série. Et pourtant, plusieurs choses diffèrent.

En effet, si le titre emprunte de nombreux éléments médiévaux, plusieurs facettes de la direction artistique font penser à un mélange entre l'époque victorienne et le steampunk, un mix souvent exploité avec brio. De ce fait, notre Garrett arbore des habits qui n'ont pas grand chose de typiquement médiéval, ce qui pourrait déplaire à certains joueurs. Notre voleur en chef aura pour principal objectif de se cacher dans les ombres afin de se faufiler jusqu'à des endroits propices à des trouvailles de valeur, de rafler la mise et de prendre la poudre d'escampette. Le scénario débute par ailleurs par une mission prologue avec la jeune Erin, voleuse qui manque encore d'expérience. L'objectif tourne mal et entreprend une petite intrigue à l'histoire.

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Il ne faudra toutefois pas compter sur un scénario véritablement accrocheur, puisqu'il sera surtout question d'effectuer une série de boulots pour le compte de Basso et quelques autres PNJ de la Cité. L'intrigue basée sur Erin tendra à s'étoffer au fil des huit chapitres du jeu, mais les rouages ne s'avèrent pas aussi bien huilés qu'attendus. En conséquence, nous sommes essentiellement focalisés sur le gameplay, le véritable sel de ce soft. De plus, la progression tend vers le paranormal, ce qui risque de déstabiliser plus d'un joueur. Mais nous y reviendrons.

J'irai dormir chez vous

En comparaison avec le premier volet de la série, le nouveau Thief a énormément évolué sur son approche et sa prise en main. Le fil rouge demeure toutefois identique, puisqu'il est toujours question d'évoluer en toute discrétion dans les différents lieux fréquentés, tout en demeurant dans l'ombre pour ne pas se faire détecter par les gardes. Il est possible d'esquiver simplement tout ennemi et, même terminer le jeu en passant au nez et à la barbe de tout le monde. Cette mise en place paraît savoureuse, mais il faudra composer avec une intelligence artificielle fort perfectible, capable de réactions ingénieuses comme un laxisme outrancier. En effet, les ennemis peuvent être attirés par des portes ouvertes par vos soins quelques instants auparavant, ou encore des coffres mal refermés, présentant des réactions intéressantes. En parallèle, il est souvent possible de passer très près du champ de vision des gardes, sans être pénalisé. En conséquence, la difficulté est bien moins rude que par le passé et ce, même dans le mode de difficulté plus avancé ( seules les ressources sont plus rares et plus chères ).

Pour demeurer dans la discrétion la plus totale, il est nécessaire d'évoluer accroupi et, pour passer d'une zone sombre à une autre, utiliser la touche de sprint. Petite surprise pour les habitués de jeux en vue subjective, le titre ne propose aucune touche de saut. Au lieu de cela, il faudra s'adapter à une touche « à tout faire », puisqu'elle permettra de faire des sauts, de descendre de zones sur-élevés, ou encore de franchir des obstacles. Cette facilité de contrôle a ses limites, puisqu'il n'est plus possible de paramétrer ses sauts au-delà de ce qui a été imaginé par les développeurs, réduisant fortement la sensation de liberté. Par ailleurs, si la Cité est bien composée de nombreuses ruelles et de la possibilité d'évoluer à la verticale pour éviter les ennemis, force est de constater que de nombreuses brides de progression sont de mise.

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Contrairement à un Dishonored – dont Thief ressemble énormément – le titre d'Eidos Montréal ne propose que très rarement un level design riche en possibilités. Généralement, il suffira d'emprunter un itinéraire déjà balisé par les développeurs, nous laissant que peu d'initiatives possibles pour parvenir à un résultat. La ville est d'ailleurs coupée en plusieurs quartiers qui nécessitent de nombreux ( et longs ) temps de chargement. Généralement, il faut passer des grilles, des décombres ou des fenêtres pour amorcer la douloureuse attente, gage d'un manque d'optimisation technique. De plus, nous nous confrontons à de nombreuses portes et fenêtres impossibles d'accès, confirmant clairement le côté dirigiste de la progression. C'est réellement dommage, surtout à une époque ou les jeux deviennent de plus en plus ouverts et permissifs. Et pourtant, les lieux et activités annexes sont assez nombreuses.

Malgré tout, Thief propose quelques éléments intéressants, notamment le fait de pouvoir fouiller de nombreux lieux, afin d'y dégotter des trésors rapportant de l'argent servant à acheter de l'équipement ou des ustensiles utiles tels qu'une lame de rasoir ou un simili-tournevis. Par ailleurs, Garrett se veut plutôt bien équipé, notamment à l'aide de son arc aux différentes flèches : feu, eau ( pour éteindre les torches ), ou encore grappin ( pour accéder à des zones en hauteur ). Le voleur dispose également d'une matraque qui permet d'assommer ses adversaires pris par surprise. S'il est possible de jouer ses attaquants de face, force est de constater que Garrett se révèle plutôt faibles au corps-à-corps. Aussi, le principal intérêt du jeu se concentre dans l'infiltration la plus totale.

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Voleur du dimanche

En dépit de son approche intéressante, Thief dispose de plusieurs défauts plutôt gênants, tant en terme de gameplay qu'au niveau de son scénario. Pourtant, les développeurs ont essayé de diversifier la progression en proposant des flashback / rêves de Garrett qui n'ont finalement peu de sens et qui assurent d'agrémenter le flou autour de la véritable trame scénaristique. Un penchant vers une ambiance survival horror survient également à partir du cinquième chapitre, mêlant au passage une aura surnaturelle étrangement venue et qui pourrait déplaire certains joueurs. Pour autant – et pour peu que vous preniez le temps de bien visiter le jeu – les huit chapitres que composent la campagne assurent une durée de vie honnête. De plus, il est possible de refaire les différentes missions, dans le but de trouver tous les trésors et effectuer tous les objectifs. Vu qu'il est possible de faire des sauvegardes à la volée à n'importe quel endroit, le challenge ne sera pas ardu à relever. Dommage.

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Au niveau de la réalisation, les premiers extraits du jeu laissaient penser à une modélisation graphique de très haute volée, surpassant des titres tels que Dishonored. Dans les faits, le titre se révèle très moyen à ce niveau. Bien que le soft jouit d'une direction artistique globalement très satisfaisante, les textures sont parfois très peu détaillées et les personnages disposent de détails visuels souvent hideux. De plus, il n'est pas rare de se confronter à des textures manquantes dans les désors, permettant d'entreapercevoir les découpages de la map. De plus, les cut-scenes comme les phases de jeu ont le malheur de ramer et saccader parfois très fortement ( et dès le début du jeu ! ), se répercutant sur les bruitages et doublages alors totalement décalés. Bref, cela confirme que le jeu est clairement sorti dans l'empressement.

Par ailleurs, le jeu est extrêmement pénible au niveau sonore, tout particulièrement au niveau de la normalisation des voix : un volume parfois très fort côtoie directement des propos à peine inaudibles, nous faisant perdre toute compréhension. Aussi, il est nécessaire d'activer les sous-titres pour pouvoir suivre des cut-scenes et autres dialogues en cours de jeu si l'on souhaite suivre le scénario.

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+ Les plus

  • L'infiltration
  • La direction artistique globalement bonne
  • Durée de vie correcte

- Les moins

  • Manque d'optimisation graphique
  • Problèmes de son
  • Level design trop dirigiste
  • Scénario très mal ficelé
  • Trop de temps de chargement
  • IA trop souvent décevante