Des ténèbres envahissants

Outre sa difficulté parfois rebutante, la série des Shin Megami Tensei s'octroie depuis de nombreux épisodes d'une atmosphère réellement immersive, étrange, pesante. Ceux qui ont pu s'essayer à Shin Megami Tensei : Nocturne (Lucifer's Call) ou encore les deux volets de Digital Devil Saga sauront l'approuver, puisque le contexte prenait résolument place dans un environnement chaotique voire apocalyptique.

Or, la série des Persona se veut plus axée « grand public » dans sa trame et son accessibilité. Après deux épisodes sortis au Japon et Outre-Atlantique sur PSone, Persona 3 arrive finalement sur nos terres et, en dépit d'une mise en avant marketing quasi-inexistante, recèle des éléments moteurs qui laissent sur le carreau de nombreux RPG sur-médiatisés.


Le titre prend place en l'an 2009, dans un environnement japonais à première vue sans problème. Vous incarnez un jeune homme qui, comme dans chaque volets de la saga, se présente sans réel caractère afin que vous l'adaptiez à votre tempérament au cours de l'aventure. Quoi qu'il en soit, il se retrouve muté au Gekkoukan High School afin de poursuivre son cycle d'étude. Pendant son trajet vers le dortoir en pleine nuit, notre héros ressent que l'environnement qui l'entoure semble se figer, laissant place à une atmosphère d'une lourdeur épouvantable. Arrivé sur les lieux, il tomba nez à nez avec un être étrange qui l'incite à signer un contrat aux sombres clauses... Dès lors, le temps reprend son cours et vous ferez la connaissance des véritables résidents des lieux.

Vous apprendrez bien assez vite qu'il s'agit des membres de la CEES (Specialised Extracurricular Execution Squad), une escouade dont leur but est de lutter contre l'invasion des « Shadows » qui survient au cours de la « Dark Hour ». Il s'agit d'une sorte de vingt-cinquième heure durant laquelle des entités diaboliques décident du sort des humains pendant leur plus profond sommeil, les laissant errer dans une éternelle psychose. Vous apprendrez donc bien rapidement que vous n'êtes pas venu dans cette ville par pur hasard puisque vous êtes qualifié d'élu des Personas, afin de mettre un terme à cette terreur nocturne.

Les puissances purgatrices

Un Persona est une âme que seuls certains élus peuvent invoquer afin d'éliminer les Shadows qui pourrissent la paix du monde. La seule condition requise afin de faire appel à ces puissances bienfaitrices est de pointer une arme à feu sur sa tête et appuyer sur la gâchette. Les membres présents à votre arrivée, Akihiko, Yukari et Mitsuru, possèdent eux aussi le don d'invoquer des Personas. Contrairement à vous, ils n'en possèdent qu'un seul chacun, ce qui limite parfois leur efficacité.

L'apparition de la Dark Hour laisse donc place aux agissements des Shadows. Ces derniers émanent d'une maison mère nommée le « Tartarus », une tour aussi difforme qu'imposante qui remplace le lycée que vous fréquentez le jour. C'est en ces lieux que vous passerez la plupart de vos nuits, luttant avec votre équipe contre les ennemis toujours plus nombreux et puissants. Seulement, l'endroit se veut en constant changement, ce qui influe sur la configuration des étages interminables de ce monolithe chaotique. Cette méthode a pour but de nous faire perdre vos repères et vous plonger dans un sentiment affilié à la claustrophobie, de part la série des couloirs étroits dont l'issue nous est incertaine. Pour vous soutenir dans les débuts de votre ascension, Mitsuru utilisera son Persona à distance afin de vous faire part des conditions de chaque étage, vous précisant celui dans lequel se terre un puissant boss.


Contrairement à de nombreux RPG, les combats ne débutent pas de façon aléatoire puisque les ennemis sont visibles à l'écran. Selon votre convenance, vous pourrez choisir d'entrer en combat ou non. Seulement, si ces masses difformes vous voient, elles vous pourchasseront sans relâche afin de vous appréhender à leur avantage. Sachez que le soft joue énormément sur le côté force / faiblesse, ce qui vous incite à réfléchir sur vos actions. Afin d'entamer le combat à son avantage, il faudra s'arranger pour approcher l'ennemi et lui asséner un coup sans qu'il ne s'en aperçoive. De ce fait, vous vous octroyez d'un tour d'action d'emblée, ce qui peut faire fortement pencher la balance en votre faveur face à de puissants ennemis.

En phase de combat, Mitsuru vous sera rapidement d'une grande aide puisqu'elle pourra demander à son Persona d'analyser les caractéristiques ennemies à votre demande, vous informant sur les forces et faiblesses du Shadow sélectionné. De ce fait, vous pourrez appeler le ou les Personas aux magies adéquates dans le but de profiter des faiblesses élémentaires. L'ennemi perdra son équilibre, le rendant inactif jusqu'à la fin du tour, tout en vous permettant une action supplémentaire. Si tous les Shadows de l'écran sont à terre, vous pourrez même lancer un assaut général qui générera de très lourds dégâts, vous amenant la plupart du temps à une victoire certaine.


Seulement, ce système se montre à double-tranchant puisque les ennemis peuvent eux aussi profiter de vos faiblesses et ainsi vous enchaîner de nombreux coups critiques. Dans le pire des cas, il suffit que vos Personas soient faibles au sorts de ténèbres (type Mudo) ou de lumière (type Hama) pour que vos ennemis en profitent pour massacrer subitement toute votre équipe, vous amenant irrémédiablement au Game Over. Il s'agit là d'un système sans pitié qu'il faudra absolument appréhender pour le salut de votre partie. Bien évidemment, le plus difficile sera de retenir efficacement le nom des magies, et le fait que vos coéquipiers agiront selon leur bonne volonté, sauf si vous changez leur tactique (économiser les SP, privilégier les soins, etc).

Votre équipe dispose également d'armes qui peuvent être interverties entre la plupart des membres. Favoriser les attaques au corps à corps est utile face à des adversaires faibles, aux coups critiques ou plus simplement dans un souci d'économie de SP. Il est possible que vous trouviez des armes plus puissantes dans les méandres du Tartarus, mais vous devrez la plupart du temps aller les acheter directement dans un commissariat, via un agent au parfum de vos bons agissements.

Une vie étudiante bien remplie

Après ces quelques moments passés à errer dans le Tartarus, vous pouvez retourner à votre chambre pour y passer les quelques heures qu'il vous reste à vous reposer. Dès le matin, vous devez vous rendre au lycée afin d'y suivre tous vos cours. Le calendrier est ainsi respecté à la lettre, vous laissant les dimanches de congé, ainsi que certains jours fériés et autres périodes de vacances entre deux cycles scolaires. De ce fait, vous pouvez aisément gérer votre emploi du temps entre votre vie normale de jeune lycéen le jour et celui de chasseur de Shadows la nuit.

Seulement, il faudra être vigilant puisque ce rythme effréné influe sur votre santé. Si vous vous restez éveillé trop tard le soir, ou si vous errez trop longtemps dans les couloirs du Tartarus, vous tomberez de fatigue, ce qui aura des conséquences néfastes sur vos actions. Si le manque de sommeil se perpétue, il est même possible que vous tombiez malade, ce qui nécessite par la suite de nombreux jours de repos.


Votre but en journée est de faire de plus de relations possibles avec les autres étudiants du Gekkoukan High School, mais aussi d'autres personnages clés des quartiers commerçants, stations de métro et autres temples de la ville. Chaque relation a un rôle direct avec les Personas que vous pourrez contrôler. En effet, le tempérament de chaque individu correspond à une carte de tarot liée à une famille de Personas. Par exemple, entamer une relation amicale avec le délégué des élèves quelque peu autoritaire vous donne l'opportunité de créer des Personas de type Emperor. Plus vous passerez du temps avec lui après l'école, plus vous pourrez créer des Personas puissants. Cela va de même pour tous les autres personnages liés, permettant même de s'acoquiner avec les filles du lycée, en évitant bien évidemment d'entamer plusieurs relations en même temps afin d'esquiver les inévitables scènes de ménage, amenant au blocage de la carte associée et par la même occasion de son évolution.

Certaines personnes n'entameront une relation avec vous que si vous avez suffisamment d'intellect, de charme ou de courage. Pour ce faire, vous devez évoluer vos caractéristiques en étudiant le soir, vous rendre au café du coin, faire des sessions de karaoké, assister à des séances de cinéma ou encore manger dans les divers restaurants accessibles. Cela vous mènera au final à pouvoir draguer vos équipières qui, pour certaines d'entre elles, disposent de sérieux atouts non négligeables.


Afin de parfaire vos Personas, il faudra vous rendre dans une pièce dans laquelle le temps semble comme arrêté : la Velvet Room. En ces lieux, un personnage à mi-chemin entre un valet et un savant fou, Igor, et son hôtesse, Elisabeth, vous proposeront leur aide dans votre noble quête, comme stipulent les détails du contrat signé d'entrée de jeu. Tout comme elle a été présentée dans Lucifer's Call, la fusion des Personas est possible en duo ou trio, au choix, dans un premier temps. Seulement, il vous est impossible de contrôler des chimères de niveau plus élevé que le vôtre, ce qui vous oblige à faire des concessions.

Lors de la création de nouveaux Personas, il est important de savoir quelles magies ils comportent. En effet, la fusion de deux Personas ne cumule en aucun cas toutes les magies qu'ils possédaient, en partie dans le meilleur des cas, selon la nature de la chimère résultante. Il faut donc veiller à ce détail avant d'effectuer ladite fusion et surtout faire en sorte d'avoir une sélection de plusieurs Personas aux magies bien distinctes dans le but de faire face efficacement au maximum d'éventualités ennemies en combat.

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À mi-chemin entre le pointilleux et l'abordable

Vous l'aurez compris, Persona 3 s'est forgé une identité qui le différencie de la plupart des RPG du marché. Le fait de mener une double vie entre la partie scolaire d'un étudiant à première vue sans grande originalité et la vie nocturne glauque, frénétique, dans les dédales du Tartarus, donne au jeu une certaine aura de fraîcheur. De plus, votre emploi du temps se veut résolument ajustable puisque vous pourrez choisir de sortir en ville le soir, d'étudier, où de vous précipiter dans des combats. Seulement, le calendrier vous rappellera souvent à l'ordre lors des phases de pleine lune pendant lesquelles il faudra être en pleine forme pour vous mesurer à l'un des douze Shadows les plus puissants.

Néanmoins, on peut reprocher un certain train-train que prend le soft au fil des heures, vous cloisonnant dans un environnement lycée / dortoir / Tartarus qui peut fatiguer. De plus, le jeu prenant une dimension très Dungeon-RPG, il est clair que les différents étages de l'infâme tour présentent toujours des successions de couloirs interminables et peu diversifiés. On peut également déplorer les très nombreux temps de chargement entre les différents moments de la journée, ce qui nous laisse parfois qu'un champs d'action trop entrecoupé.


Malgré tout, il est utile de préciser que le soft d'Atlus brille par sa qualité esthétique qui offre une certaine dynamique à l'aventure. Le Character-Design, bien que différent des autres volets de la série, se veut très caractériel et accrocheur. De ce fait, les personnages rencontrés présentent de véritables identités, les rendant parfois touchants. Et pourtant rien n'était gagné puisque la réalisation graphique générale ne casse pas des briques, malgré un certain cachet des environnements. L'interface n'est également pas en reste avec une grande recherche dans les phases de transitions entre les menus. Cela donne encore une fois une dynamique sur un fond épuré ultra-moderne.

On regrettera juste que la version PAL soit « souillée » de cet abominable mode 50Htz qui tranche toute l'efficacité du titre, que se soit dans les déplacements, les combats lents à l'extrême, ou sur les artworks aux contours désespérément hachurés.


Enfin, il est utile de revenir sur le côté sonore avec des thèmes musicaux plutôt originaux. Contrairement à de nombreux RPG qui proposent des compositions orchestrales, Persona 3 dispose essentiellement de morceaux très typés J-Pop à tendance Cosy plutôt agréables à l'oreille et finalement bien adaptés à vos mésaventures de jeune adolescent. On se surprendra même à retrouver un thème aux paroles françaises étranges dès le début du second cycle d'étude. En contrepartie, les thèmes nocturnes se montrent en cohabitation avec l'ambiance de la Dark Hour : lourde, pesante.

Quoi qu'il en soit, Persona 3 reste un bon jeu dans son genre. Si l'on fait abstraction des sous-titres en anglais et d'un doublage américain de qualité discutable, l'aventure peut être entamée et acheminée jusqu'à son terme avec délectation et sans difficulté insurmontable. Ensuite, tout est une affaire de goût.

Shin Megami Tensei : Persona 3 est disponible à l'achat à partir de 37,90€.

+ Les plus

  • Un concept de base diablement original.
  • Une difficulté homogène.
  • Une aura esthétique et sonore indéniable.
  • Une durée de vie conséquente.

- Les moins

  • Le mode 50Htz qui « tue » la dynamique du jeu initial.
  • Un doublage américain en adéquation avec l'ambiance.
  • Le côté répétitif de la progression.