Une aventure intemporelle
Si bon nombre de RPG issus des studios de Square mérite leur place au panthéon, certaines perles ont su marquer les esprit via une immersion et / ou un concept novateur et diablement addictif. Outre les Final Fantasy et autres Dragon Quest, la licence Chrono est, bien que courte, une véritable mine d'or d'ambiance et de richesse scénaristique. Sorti en 1995 sur Super Famicom, Chrono Trigger a immédiatement séduit les joueurs grâce à de multiples qualités qui seront développées dans ces quelques lignes. Toujours est-il que ce projet se voulait initialement ambitieux car développé conjointement par Squaresoft et Enix, bien avant leur fusion officielle de 2003. L'équipe de développement donnait également des frissons puisqu'elle se composait à la fois d'Hironobu Sakaguchi (créateur de la licence Final Fantasy), de Yoji Horii (créateur de la licence Dragon Quest), de Nobuo Uematsu à la composition musicale et bien évidemment du célèbre Akira Toriyama (designer de Dragon Quest et Dragon Ball).
Malheureusement commercialisé qu'au Japon et aux USA, le soft n'a jamais pu être appréhendé dans les boutiques européennes, si ce n'est sous forme d'import. Square a tout de même effectué une réédition sur PSone il y a quelques années, sans pour autant faire profiter l'Europe et ce, bien qu'il ait été édité de paire avec Final Fantasy IV. Quoi qu'il en soit, cette version était clairement mal optimisée et ce, en dépit de l'implémentation de cut-scenes animées de grande qualité. Il aura donc fallu attendre quelques années supplémentaires pour que ce chef d'œuvre parviennent en Europe dans une version intégralement localisée pour un confort à toute épreuve.
Le concept de Chrono Trigger puise son originalité dans le déroulement de son scénario, son rythme haletant et sur la vision héroïque offerte au joueur. En effet, comme une grande majorité des RPG, l'issue finale sera de secourir un monde en péril. Or, dans le cas de Chrono Trigger, il n'est pas question d'écumer uniquement la carte du monde pour faire la peau au vilain, mais d'intervenir dans le temps pour éviter le cataclysme. Ainsi, le joueur fera régulièrement face à des environnements variés, chamboulés par le temps, mais qui fera l'objet de la comparaison. Oscillant entre l'ambiance bon-enfant et une ambiance apocalyptique, Chrono Trigger prend le joueur aux tripes, l'impliquant corps et âme dans l'aventure de son équipe de fortune qui, au fil du temps, se soudera par des liens de fraternité et de loyauté.
Le début de l'aventure de Chrono Trigger offre le goût d'un bonbon acidulé. Réveillé par sa mère, le héros du soft - Chrono - ne se doute pas du destin qui lui est réservé. Son village natal accueille une fête foraine dans laquelle vous vous empresserez d'y participer. Après quelques recommandations, vous devrez retrouver votre amie-génie - Lucca - qui, à l'instar de Bulma de Dragon Ball, voue une passion à l'invention de machines technologiques plus folles les unes que les autres. Toujours est-il que vous êtes convié à participer à la démonstration de sa dernière invention, un téléporteur, la cause de vos pérégrinations. En chemin, vous ferez la connaissance de Marle, une jeune fille enjouée qui se verra piégée dans le téléporteur, expulsée dans le passé. Votre sang ne fera qu'un tour et vous vous lancerez dans le portail temporel pour secourir votre nouvelle amie. C'est donc par ce fait anodin que vous serez amené à parcourir les différentes ères, prenant conscience du mal qui guette le monde, Lavos. C'est alors qu'en sauveurs attitrés, Chrono et son équipe voyageront de -65.000.000 à l'an 2.300 pour empêcher les méfaits de Magnus et de ses acolytes.
Système anti-rides
En dépit de son âge avancé, Chrono Trigger ne faiblit pas à l'occasion de sa réédition DS. Cela est dû au fait que le système de jeu était pour l'époque finement calibré et bien moins rigide que ses concurrents. Nous sommes donc en face d'une production simple à appréhender qui ne chute aucunement dans son rythme. En effet, les rebondissements son légion dans l'aventure, nous laissant guère l'opportunité de souffler. Vous aurez donc fort à faire en voyageant d'une époque à l'autre afin de modifier les traces du temps intelligemment, annihilant le mal tout en secourant les imprévus. Après avoir rallié quelques membres à votre noble cause, vous découvrirez la Fin des Temps, un lieu isolé dans lequel vous trouverez un vieillard endormi qui vous aiguillera sur la suite des évènements. Ce lieu permet également d'accéder efficacement aux différentes époques, avant d'acquérir un véritable vaisseau inter-dimensionnel.
Bien évidemment, cette version DS se montre fidèle au projet initial dans son approche en terme de gameplay, même si Square Enix a jugé utile d'appliquer des fonctionnalités tactiles en surplus. Comme le rendu se montre similaire à la version Super Famicom, la prise en main classique s'avère la plus pertinente face aux déplacements au stylet, quant à eux bien plus approximatifs. Quoi qu'il en soit, l'écran inférieur est d'une grande aide lors des phases d'exploration puisqu'il affiche efficacement le plan des lieux dans lesquels le joueur se trouve. De plus, des onglets jouxtant la carte permettent d'accéder rapidement aux différentes sections du menu, même si la majorité des consommateurs utiliseront le bouton affilié.
Si l'essence de Chrono Trigger se forme dans son background, le système de combat sera largement sollicité, d'autant plus qu'il s'avère intelligemment optimisé. Contrairement à bon nombre de RPG, le système ne se reposera aucunement sur des affrontements aléatoires. En effet, les ennemis seront parfaitement visibles sur l'écran d'exploration, ce qui permet - dans la plupart des cas - au joueur de choisir d'attaquer ou d'esquiver. Cette fonction plaira énormément aux amateurs du genre qui se lassent des combats à répétition. Toujours est-il que la lassitude ne sera pas au goût du jour sur ce point puisqu'aucune coupure ne se matérialise entre l'exploration et le combat, ce dernier s'amorçant très naturellement et rapidement. Évitant de se cantonner à une formation en ligne, le système de combat donne davantage l'aperçu d'une zone de pugilat, laissant l'ennemi se déplacer à sa guise sur la zone. Bien évidemment, cet effet n'est pas anodin puisqu'il donne lieu à quelques subtilités tactiques. En effet, la proximité entre un monstre et un allié peut parfois jouer en votre faveur, ou l'inverse, selon les caractéristiques respectives. Par exemple, un ennemi ne pourra pas contre-attaquer si vous chargez avec le personnage le plus proche de lui. Ainsi, une dimension tactique naît, vous forçant à anticiper les déplacements de l'adversaire et utiliser les alliés adéquats, sous peine de subir des dégâts considérables. Si certains ennemis nécessitent une once de stratégie, c'est surtout pour les boss qu'il faudra user d'ingéniosité et surtout de perspicacité, afin de noter ses points faibles.
Si le concept peut paraître déroutant de prime abord, sachez qu'il s'intègre très efficacement au confort de jeu. Les amateurs de Final Fantasy ne seront pas dépaysés car les barres d'Active Time Battle seront de la partie, mais également une fonction qui fera la marque de fabrique de la courte licence : la combinaison d'attaques. Au fil des affrontements, vos alliés affineront leurs relations techniques, permettant des attaques en duo, voire en trio, pour des dégâts monstrueux. Au même titre que pour les magies, ces combos utiliseront votre jauge de mana, appelée pour l'occasion PC. Cette fonction offre un réel dynamisme aux affrontements, agrémentant ainsi le rythme même du jeu. Qui plus est, chaque allié apportera sa pierre à l'édifice, ne laissant aucun élément inutile. Que se soit Marle, Lucca, Gren / Glenn, RoBo, Ayla ou Chrono, ils disposeront chacun de techniques particulières liés à leurs armes et affinités élémentaires bien distinctes. Si votre équipe ne se limitera qu'à un trio en combats, le joueur reformera fréquemment ses rangs, pour augmenter les statistiques mais aussi afin d'utiliser des techniques particulières dans des cas de figures bien précis.
Galerie d'images
Retranscription de qualité
Si sur la plupart des productions d'antan, le poids des âges a joué en leur défaveur, Chrono Trigger conserve une fraîcheur graphique évidente. Le moteur 2D étant pour l'époque un atout indéniable à la production, le rendu reste aujourd'hui très pertinent, offrant une palette de couleurs chatoyante et une animation plus que correcte. Au delà même des apparences, c'est l'aura dégagée qui laisse une excellente impression au joueur, notamment dans la qualité des attributs appliqués aux environnements, notamment à la carte du monde. De plus, cette version DS s'agrémente des scènes animées de la version PSone, en prenant soin d'améliorer le frame rate hachuré. Bref, Chrono Trigger a joué à l'époque la carte de la grande aventure naïve et épique, recette qui parvient toujours à accrocher à l'heure actuelle, pour les grands nostalgiques dont je fais partie comme pour les non-initiés. L'effet s'avère encore accentué par la présence de thèmes sonores vraisemblablement identifiables et largement immersifs. Il suffit d'écouter le thème principal pour sentir un vent d'adrénaline nous parcourir de part en part.
Bien que cette réédition ne tient pas réellement du remake puisqu'aucune refonte graphique n'a été - heureusement - appliquée, Square Enix a pris soin d'implémenter du contenu inédit, comme à son habitude. Pour le coup, deux donjons inédits seront accessibles, l'un à l'occasion de la première partie et l'autre au cours du New Game +. De plus, une arène inter-dimensionnelle a été ajoutée aux destinations de la Fin des Temps afin de faire combattre ses monstres dans des tournois solo ou en local contre un autre joueur, à l'image de ce qui se fait avec Dragon Quest. Toujours est-il que ces implémentations surenchérissent la durée de vie d''environ vingt heures de l'aventure de base. Tout comme la version initiale, il sera possible de découvrir pas moins de treize fins différentes selon les modifications que vous apporterez au temps. Il sera par exemple possible d'aller directement affronter Lavos dès les premiers instants de la partie. Quoi qu'il en soit, la version DS s'agrémente de quelques bonus qui plairont aux fans. Suivant l'endroit où vous êtes arrivé dans l'aventure, il sera possible de visionner les cut-scenes, d'écouter des thèmes musicaux, de visualiser les attaques spéciales de chaque personnage, ou encore de jeter un œil aux différents objets récoltés et ennemis combattus.
Suite à une interminable attente, Chrono Trigger foule enfin l'Europe dans une version DS intégralement traduite. Rien qu'avec ces éléments, tout amateur de RPG qui se respecte se jettera indéniablement sur cette version, surtout qu'elle conserve précisément sa prise en main et son aspect visuel. C'est ainsi une aubaine pour nous autres européens de toucher à ce qui se matérialise comme l'une des productions les plus appréciées de Square Enix. Cette production à elle seule met à l'amende bon nombre de RPG récemment sorti, prouvant ainsi que les véritables atouts du genre se focalisent essentiellement sur l'ambiance, le scénario et le rythme. Chrono Trigger est indispensable, tout simplement.
+ Les plus
- Techniquement indémodable
- Système de combat efficace et précis
- Scénario bien pensé
- Rythme imperturbable
- Réalisation sonore de caractère
- Ambiance conservée
- La traduction
- Les moins
- Durée de vie légèrement faiblarde
- Prise en main tactile peu efficace