Compresser la vie (virtuelle)
Il serait regrettable d'avoir loupé avec Persona 3 l'un des RPG les plus ambitieux qui soit, car vous permettant de vivre une existence de lycéen à peu près normale le jour et de combattre de sinistres créatures la nuit tombée à l'aide d'entités intérieures, et ce dans le but de protéger votre monde et les habitants allant avec. Alors, on ne parlera pas vraiment avec ce volet Portable d'une session de rattrapage, car quitte à refaire son retard, nous vous conseillerons tout de même pour ce faire la mouture PS2. À qui s'adresse ce portage dans ce cas ? Bonne question ("...mais réponse difficile blablabla").
Sans doute à ceux ayant terminé Persona 3 et qui ont envie d'aborder l'aventure sous un jour différent. Parce que Persona 3 Portable (P3P) n'est pas qu'un simple copier/coller de la mouture de base, et à vrai dire, si tel avait été le cas, nous n'aurions pas boudé notre plaisir. C'est un fait, la PSP accueille un titre ne délivrant pas totalement la même expérience que celle vécue sur PS2, probablement à cause des restrictions techniques de la console. Nous nous retrouvons par conséquent avec un titre où la plupart des interactions n'interviendront que pour confirmer des choix. L'exploration des lieux, mis à part celle du Tartarus (donjon à plusieurs étages dans lequel se dérouleront en grande partie les combats du jeu), se réduira à voguer entre des écrans fixes où, à l'aide d'une petite sphère, vous irez converser avec des PNJ et vous rendrez d'une salle à une autre. La manière de jouer à Persona 3 s'en voit ainsi quelque peu modifiée, et je me suis par exemple surpris à faire usage de l'option "Go back to you room" le plus simplement du monde alors que je ne l'avais jusqu'alors jamais utilisée. L'immersion en prend donc logiquement un léger coup, mais creusons un peu, car ce P3P reste tout de même très attractif, malgré des défauts que l'on mettra sur le dos du support.
Cet opus conserve heureusement l'excellent doublage US de la mouture 128 bits, et nous offre aussi quelques nouveaux morceaux composés spécialement pour illustrer la principale nouveauté de Persona 3 Portable. À l'écran-titre du jeu (désormais sublimé par de délicates notes au piano), vous aurez en effet la possibilité d'incarner une demoiselle, pas désagréable à regarder d'ailleurs. On nous précise cependant bien que les joueurs confirmés de Persona 3 et de l'édition FES auront là une excellente occasion de redécouvrir ce grand jeu de rôle sous un nouvel angle. Belle excuse en tout cas pour ceux qui étaient tentés de s'essayer à ce Persona mais qui ressentent encore la trace de la version originale dans leur cerveau. Que les esprits ne s'échauffent pas toutefois, la trame ne sera que faiblement altérée par ce changement de sexe. Des "him" qui deviennent "her", les garçons de l'équipe qui viennent vous faire du gringue, une habitude à changer au niveau des toilettes, on reste dans le domaine de l'anecdotique, sauf pour les femmes frustrées de ne pas avoir eu ce choix plus tôt.
Nouveaux venus, bienvenue
Le joueur qui aura déjà parcouru Persona 3 de fond en comble trouvera sa première heure de "jeu" sur PSP assez pénible, puisque n'offrant guère de liberté. Sur PS2, on pouvait la considérer comme captivante car elle nous immergeait petit à petit dans une intrigue saisissante, et ces instants aidaient à installer un lien d'affection avec les résidents du dortoir. Mais on se montrera cependant ici moins patient, une situation qui ne concernera encore une fois que les "habitués". Les esprits vierges seront quant à eux probablement happés très facilement.
C'est dans le Tartarus que l'on constatera le plus de changements, aisément visibles par le passionné. Le plus important étant sans l'ombre d'un doute l'option vous permettant enfin de contrôler les personnages de votre équipe en combat (Direct Commands dans Tactics). Il sera donc maintenant possible de répondre à une situation critique en choisissant vous-mêmes les actions de l'ensemble de vos compagnons, et en mode de difficulté maximale (Maniac), ce n'est clairement pas un droit dont vous pourrez faire abstraction. Persona 3 devient donc plus accessible, moins dur. Rappelez-vous, auparavant, il fallait laisser un tour à un personnage tombé à terre pour qu'il se relève. Cette contrainte n'est maintenant plus, mais pas seulement pour vous car les ennemis seront de même libérés de ce carcan, en agissant juste après avoir repris leurs esprits s'ils avaient été sonnés. Par ailleurs, en s'attaquant une seconde fois consécutive au point faible d'un adversaire, au lieu de le remettre sur pieds, on l'étourdira. On remarquera également dans cet opus que le joueur sera désormais autorisé à reprendre son ascension du Tartarus à partir du point d'accès enclenché le plus haut. Pour se repérer efficacement dans les dédales, une pression sur Start, et le plan des zones traversées de l'étage actuel apparaîtra à l'écran. Et comme pour mieux souligner la plus grande facilité à arpenter le repaire des Shadows, même si vos compagnons sont fatigués en cours de route, ils ne rentreront pas dormir et continueront à vous assister. Mais je ne vous conseillerai sûrement pas de prendre à la légère le fait d'être exténué dans P3P, car vous frapperez alors moins fort, les sorts de soin seront moins efficaces, et surtout, les ennemis pourront vous achever en moins de deux. Et cela leur sera d'autant plus facile que le jeu à tendance à les privilégier quand vous les rencontrez dans le donjon, le programme informatique considérant dans certains cas que ce sont eux qui vous ont touché les premiers, parfois à tort.
Nous ne sommes pas encore arrivés au terme du chapitre des nouveautés, car des Personas inédits feront leur apparition, de même que des attaques combinées à deux. L'assistant d'Igor (l'homme au long nez et de petite taille de la Velvet Room) vous proposera même des missions d'un genre particulier. Et évidemment, il reste tout un tas d'éléments que les développeurs ont intégré dans cette version afin de ne pas léser le joueur déjà détenteur du Persona 3 original.
Un portage portable potable (à répéter très vite) ?
Les développeurs de chez Atlus ont repensé des composants du jeu qui pouvaient précédemment prêter à reproche, mais peut-être que ces ajustements étaient déjà présents dans Persona 3 : FES. Veuillez donc nous excuser si nous faisons fausse route. Premier point notable parmi tant d'autres, nous avons remarqué que les Persona, lorsqu'ils passaient au niveau supérieur, offraient par moments à leur détenteur une carte permettant l'apprentissage d'une capacité. Drôlement pratique lors des requêtes dans lesquelles il vous sera demandé d'amener un quelconque Persona doté d'une aptitude bien particulière, et que celle-ci semblera impossible à acquérir via des voies "classiques". En parlant de level-up, et c'est assez dommage et incompréhensible dans le même temps, les membres de votre escouade, excepté vous, n'indiquent plus qu'ils augmentent de niveau, quand cela se produit. Apparemment, ils seraient aussi liés à leur Persona sur ce point particulier.
Dans l'ensemble, on gagne du temps par rapport au P3 original, et quand on approfondit notre examen du jeu, on ne peut que reconnaître que c'est un bon point pour lui. Bien sûr, nous n'allons pas confesser que de nous déplacer dans les décors représentait une peine sur PS2, mais dans un soft où à aucun moment notre dextérité n'est mise à l'épreuve et où les décisions se font en confirmant une proposition ou une autre, on s'accommode assez vite de ne pas flâner "physiquement" dans les différents quartiers de la ville où se déroulera une bonne partie de l'histoire. Bien sûr, c'est moins bien, mais on fait avec.
Persona 3 Portable ne s'affranchit malheureusement pas des quelques défauts de son modèle, à savoir notamment ce gameplay frustrant, qui s'enrichit certes au fur et à mesure de votre avancée, mais qui reste désespérément limité si on adhère complètement au trip. En effet, quel est l'intérêt d'aller au karaoké du coin, si ce n'est uniquement pour augmenter votre Courage et non pour en profiter pour pousser la chansonnette dans un mini-jeu ? Une idée de l'utilité de s'essayer à un des jeux vidéo du Game Center, sinon pour seulement lire un message vous annonçant que votre Persona est désormais plus véloce ? On agit de manière mécanique, et même les Social Links souffrent de cette tare. La plupart du temps, on n'éprouvera nulle difficulté a élever son rang d'affinité avec tel ou tel individu, le temps ainsi que quelques pressions sur Croix feront l'affaire, alors que dans la réalité dans laquelle nous vivons à peu près tous, il faut batailler pour gagner toujours un peu plus d'estime de la part de ceux qui nous sont chers. Un brin de réalisme supplémentaire n'aurait donc pas tué le jeu. On sent au contraire vraiment qu'avec une petite dose d'efforts en plus, Persona 3 aurait pu devenir fantastique, mais il n'est que génial.
Vicieuse est la tentation
Quand un incontournable de la PS2 atterrit sur PSP, en reste-t-il pour autant indispensable ? Ne nous cachons pas les choses : si vous avez déjà succombé à son attraction sur la 128 bits de Sony, sachez demeurer sage et conservez votre argent pour autre chose que ce portage, toutefois bien réalisé, attention. Si vous avez la "chance" d'être une fille n'ayant pas encore touché à Persona 3 en revanche, et en supposant que vous soyez détentrice d'une PSP et prête à céder aux avances d'un RPG d'exception, n'attendez-plus et tentez le coup.
À noter que dans notre version, la boîte du jeu ainsi que la notice affichaient la langue française.
Acheter Persona 3 Portable (PSP - import US) à partir de 56,20€.
+ Les plus
- Vivre l'expérience Persona 3 partout, ou presque
- Un concept en béton
- Le choix du sexe
- Des personnages et une histoire attachants et crédibles
- Une alchimie qui prend
- Les heures défilent sans qu'on s'en rende compte
- Des ajouts pertinents
- Les moins
- Liberté de mouvements restreinte pour cette version PSP
- Limité sur certains aspects
- Priorité parfois douteuse lors des combats
- La représentation 3D un peu gamine des personnages
- Installation quasi obligatoire