Mi-décembre 2009, l' Autorité de la Concurrence affirmait son intention d'évaluer le " cross selling " ou croisement des fichiers clients, entre accès à Internet fixe et téléphonie mobile chez les opérateurs de télécommunications.

L'Autorité s'inquiétait du risque de distorsion des conditions du jeu de la concurrence et avait décidé de regarder la situation de plus près après le bond du nombre de nouveaux abonnés à l'Internet fixe chez SFR et Bouygues Telecom, tandis qu' Orange prenait ses distances avec ce système, craignant un retour de bâton juridique.

Après examen, l' Autorité de la Concurrence estime que le mouvement de convergence fixe / mobile est inévitable et conduit à des opérateurs cherchant naturellement à combiner les offres, tendant vers un statut d' " opérateur universel " alors que les domaines étaient cloisonnés il y a encore quelques années.

De ce constat, il paraît difficile d'interdire aux acteurs de croiser les fichiers utilisateurs des différents services pour gagner du terrain sur de nouveaux marchés ou proposer des offres combinées de type triple play, et depuis peu quadruple play.


Oui au cross selling, attention pour les offres convergentes

L'Autorité considère que le croisement des fichiers chez un opérateur peut être bénéfique pour les consommateurs grâce à des offres réduisant le coût total par rapport aux mêmes services pris séparément et peut stimuler la concurrence.

Elle reconnaît également que l'utilisation de cette technique par un groupe dominant pourrait conduire à une situation de distorsion de la concurrence. Cela pourrait être éventuellement le cas pour Orange, d'où sa prise de distance en attendant une clarification.

L' Autorité de la Concurrence estime qu'Orange peut aussi utiliser le croisement de fichiers mais elle se montre plus réservée pour ce qui est de la mise en place d'une offre quadruple play. Elle voit en effet plusieurs problèmes, notamment du côté de la téléphonie mobile :

  • risque d'augmentation des coûts de changement d'opérateur pour les utilisateurs, les forfaits étant généralement pris sur des durées longues, tandis que sur le marché de l'Internet fixe, il faut faire face aux délais de raccordement. Le passage à une offre quadruple peut conduire à de nombreux frais supplémentaires pour l'usager.
  • risque de verrouillage du marché par les offres de convergence au niveau du foyer : tous les membres d'un foyer risquent d'aller vers le même opérateur, ce qui est en général bénéfique aux opérateurs dominants.
  • risque de distorsion de la concurrence au profit des trois opérateurs mobiles. Point intéressant, l'Autorité estime que l'arrivée de Free Mobile permettrait d'atténuer ce dernier point et recommande que son droit d'itinérance ne soit pas limité à la 2G mais étendu à la 3G, lui permettant de se mettre au niveau des autres opérateurs dans un bref délai. Or, les négociations sont bloquées ( les trois opérateurs mobiles n'ont aucune obligation de négocier sur l'itinérance 3G avec Free Mobile ).


Des mesures pour assouplir le marché
L'Autorité de la concurrence propose donc des pistes pour " améliorer la fluidité des marchés et prévenir les risques de verrouillage ". Cela commencerait par de nouvelles mesures pour faciliter le changement d'opérateur :

  • réduire les durées d'engagement
  • revoir les conditions de réengagement des clients prenant une offre couplée
  • synchroniser les fins d'engagement entre offre fixe et offre mobile
  • standardiser certaines fonctionnalités pour faciliter leur interopérabilité
  • standardiser la portabilité des services convergents de manière à conserver des services d'un opérateur à un autre

Ces mesures peuvent être mises en place par les opérateurs eux-mêmes ou être poussées par l' Arcep ( le régulateur national des télécoms ), qui doit remettre un rapport sur le développement de la concurrence au services des consommateurs au gouvernement d'ici cet été.