L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publie un rapport alarmant sur l'état des pollinisateurs sauvages en Europe. En une décennie, le nombre d'espèces d'abeilles menacées a plus que doublé, passant de 77 à 172. Une hécatombe silencieuse qui met en péril la biodiversité et la sécurité alimentaire du continent, avec des causes bien identifiées.

Une hécatombe chiffrée par la Liste Rouge

Le nouveau bilan dressé par l'UICN, à l'occasion de son Congrès mondial, est particulièrement sombre. La mise à jour de sa célèbre Liste Rouge des espèces menacées révèle une accélération dramatique du déclin.

Sur les 1 928 espèces d'abeilles sauvages évaluées, au moins 172 sont désormais considérées comme menacées d'extinction, contre seulement 77 en 2014. Ce chiffre a donc plus que doublé en à peine dix ans, illustrant la terrible réalité d'une pression croissante sur ces populations.

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Certaines espèces sont déjà au bord du gouffre, comme l'abeille Simpanurgus phyllopodus, classée "en danger critique". Et le phénomène ne se limite pas aux seules abeilles.

Plus de 20 % des espèces de bourdons et de collètes (abeilles solitaires) sont également en péril. Les papillons ne sont pas épargnés, avec une augmentation de 76 % du nombre d'espèces menacées sur la même période. Le grand blanc de Madère, une espèce endémique de l'île portugaise, est même officiellement déclaré éteint.

Quelles sont les causes de ce déclin ?

Les experts pointent deux menaces principales qui agissent souvent de concert. La première est la destruction et la fragmentation des habitats naturels. L'UICN souligne particulièrement la disparition des marais et des prairies riches en fleurs, essentiels à la survie de ces insectes. L'urbanisation galopante et la modification des paysages agricoles réduisent drastiquement les zones de nourriture et de nidification.

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La seconde cause, tout aussi dévastatrice, est l'utilisation intensive de produits phytosanitaires. Les pesticides, herbicides et engrais chimiques employés dans l'agriculture moderne ont un impact direct sur la santé des pollinisateurs et réduisent la diversité florale dont ils dépendent.

Le débat est particulièrement vif en France, où la loi Duplomb, qui visait à réautoriser temporairement un pesticide jugé dangereux, a soulevé une vague de protestations citoyennes.

Un pilier de nos écosystèmes menacé

Le déclin des pollinisateurs est extrêmement problématique dans la mesure où près de 90 % des plantes à fleurs en Europe dépendent de leur travail pour se reproduire.

Cette interdépendance est le fondement de nos systèmes alimentaires. Jessika Roswall, commissaire européenne à l'Environnement, a qualifié la situation de "grave", insistant sur le fait qu'une action "urgente et collective" est indispensable.

L'illusion de pouvoir remplacer ces milliers d'espèces sauvages par des colonies d'abeilles domestiques est un leurre. Ces dernières ne représentent que moins de 1 % de la diversité des espèces de pollinisateurs et ne peuvent accomplir la totalité de ce travail écologique complexe.

L'urgence est donc bien là et il reste à trouver des solutions concrètes avant que des dommages irréversibles ne soient causés à nos écosystèmes...si ce n'est pas déjà le cas