Faire repousser un membre perdu. Ce qui relève de la pure science-fiction pour l'homme est une simple formalité pour une créature étonnante : l'axolotl. Cette petite salamandre au sourire désarmant détient peut-être le secret d'une future révolution pour la médecine humaine. Et des chercheurs, fascinés par ce super-pouvoir, viennent de comprendre l'un de ses plus grands secrets.
Comment l'axolotl déjoue-t-il les lois de la biologie ?
Le vrai casse-tête pour les biologistes n'a jamais été de constater ce miracle, mais de le comprendre. Comment le corps de l'axolotl sait-il s'arrêter dans le processus de régénération ? S'il perd une main, pourquoi ne fait-il pas repousser un bras entier à la place ? Une équipe de la Northeastern University a trouvé la réponse. Tout est une question de dosage d'une molécule : l'acide rétinoïque. Imaginez un signal dont le "volume" est très fort à l'épaule et très faible à la main. Les cellules de la blessure détectent ce "volume" et savent ainsi exactement où elles sont et ce qu'elles doivent régénérer. C'est cette mémoire de position qui est au cœur du processus.
Comment les chercheurs ont-ils testé cette hypothèse ?
Pour en avoir le cœur net, l'équipe du professeur James Monaghan n'a pas hésité à jouer les apprentis sorciers. Grâce à des axolotls modifiés pour devenir fluorescents en présence d'acide rétinoïque, ils ont pu visualiser le mécanisme en direct. Puis, ils ont tenté une expérience : en ajoutant artificiellement de l'acide sur une patte coupée au niveau de la main, ils ont trompé les cellules. Croyant être à l'épaule, elles ont fait repousser un bras entier. L'équipe a aussi identifié l'enzyme CYP26B1, qui agit comme un frein naturel, pour s'assurer que la régénération ne s'emballe pas.
Quel est l'espoir pour la médecine humaine ?
Aussi fascinant soit-il, ce super-pouvoir ne serait qu'une curiosité s'il n'y avait pas une connexion troublante avec nous. Car cette fameuse molécule, l'acide rétinoïque, nous l'avons aussi. Elle est même essentielle quand nous nous formons dans le ventre de notre mère. Le problème, c'est qu'une fois nés, nos cellules deviennent "sourdes" à ses instructions. En cas de blessure, elles créent une cicatrice, un point c'est tout. L'espoir de la médecine régénérative est donc de trouver comment "rebrancher le son" et faire en sorte que nos cellules écoutent à nouveau ce signal. L'idée n'est pas de faire repousser un bras demain, mais de pouvoir un jour permettre une guérison parfaite, sans cicatrice, ou de régénérer de petites parties comme un doigt.
Pour aller plus loin...
L'acide rétinoïque, c'est connu ?
Oui, très bien même. C'est un dérivé de la vitamine A. Le grand public le connaît surtout sous le nom de "rétinol", une star des crèmes anti-âge et des traitements contre l'acné. Son rôle dans la régénération des membres est cependant une découverte majeure.
Qui sont les chercheurs derrière cette avancée ?
Il s'agit d'une équipe de biologistes de la Northeastern University, une université américaine. Leurs travaux sont dirigés par le professeur James Monaghan et ont été publiés dans la très sérieuse revue *Nature Communications*.
La régénération humaine, c'est vraiment possible ?
Pour des membres entiers, cela reste un objectif de très long terme. Les scientifiques sont prudents. Par contre, cette recherche fondamentale est une étape indispensable. Elle pourrait mener bien plus vite qu'on ne le pense à des traitements concrets pour réparer des tissus abîmés.