La clé de cette prouesse réside dans les mitochondries. La majeure partie de notre ADN se trouve dans le noyau de nos cellules, hérité de nos deux parents, définissant qui nous sommes.
Mais il existe aussi une petite quantité d'ADN en dehors du noyau, dans ces fameuses mitochondries, véritables "centrales énergétiques" de la cellule. Des mutations dangereuses à ce niveau peuvent entraîner des maladies graves chez l'enfant, provoquant faiblesse musculaire, convulsions, retards de développement, défaillances d'organes majeurs et parfois même le décès. La technique, développée notamment par l'Université de Newcastle au Royaume-Uni et l'Université Monash en Australie, consiste à transférer le matériel génétique de l'œuf ou de l'embryon de la mère dans un œuf ou un embryon donneur dont les mitochondries sont saines, après en avoir retiré l'ADN clé. Moins de 1% de l'ADN du bébé provient alors de la donneuse, un détail infime pour un impact monumental sur la santé de l'enfant.
Comment cette technique à "trois parents" fonctionne-t-elle ?
Le processus est complexe mais fascinant. Il s'agit d'une variation de la FIV classique. Les scientifiques prennent l'ADN (les chromosomes) de l'œuf de la mère biologique et le transfèrent dans l'œuf d'une donneuse. Cet œuf de la donneuse a été préalablement vidé de son propre ADN nucléaire, ne conservant que ses mitochondries saines. Ensuite, cet œuf "reconstitué" est fécondé avec le sperme du père. Le résultat est un embryon qui contient l'ADN principal de la mère et du père, et une infime portion de l'ADN mitochondrial de la donneuse. Le Dr. Zev Williams de Columbia University, bien que non impliqué, salue cette étape : "Élargir l'éventail des options de reproduction [...] permettra à davantage de couples de mener des grossesses sûres et saines."
C'est une porte ouverte pour les familles qui n'avaient jusque-là que peu d'options face au risque de transmission de ces maladies incurables.
Quels sont les résultats et les perspectives pour ces bébés ?
Les experts de Newcastle et Monash, dont les travaux ont été publiés dans le New England Journal of Medicine, ont réalisé cette technique sur des embryons fécondés issus de 22 patientes. Sur ce groupe, huit bébés sont nés en bonne santé apparente et semblent exempts de maladies mitochondriales. Une femme est toujours enceinte.
C'est un succès prometteur. Robin Lovell-Badge du Francis Crick Institute, bien que prudent, a noté qu'un des bébés présentait des niveaux légèrement plus élevés de mitochondries anormales que prévu, mais bien en dessous du seuil de 80% considéré comme pathogène. Un suivi à long terme de ces enfants est crucial pour s'assurer de leur bonne santé continue. Liz Curtis, dont la fille Lily est décédée d'une maladie mitochondriale, exprime un immense espoir : "C'est super excitant pour les familles qui n'ont pas beaucoup d'espoir dans leur vie". La technique, déjà légale au Royaume-Uni et en Australie, est encore interdite dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, où le débat éthique persiste sur les modifications héréditaires de l'embryon. Les 35 patientes déjà autorisées au Royaume-Uni témoignent de la demande réelle pour cette alternative thérapeutique.
Quelles sont les implications éthiques et réglementaires ?
Si l'espoir est immense pour les familles, cette technique soulève évidemment des questions éthiques complexes. Les critiques s'inquiètent de l'impact potentiel de ces "nouvelles" combinaisons génétiques sur les générations futures.
Aux États-Unis, par exemple, la Food and Drug Administration (FDA) est toujours interdite de financer la recherche clinique sur des techniques qui créent ou modifient intentionnellement un embryon humain pour inclure une modification génétique héréditaire. Le débat scientifique et politique est loin d'être clos.
Toutefois, les défenseurs de la méthode insistent sur le fait que la quantité d'ADN de la donneuse est minime et n'affecte pas les traits distinctifs de l'enfant. Pour Andy Greenfield de l'Université d'Oxford, la méthode n'est destinée qu'à un très petit nombre de femmes pour qui les autres options sont inefficaces. La Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA) du Royaume-Uni a bien accueilli les résultats, mais réitère que la technique est strictement réservée aux cas à très haut risque de transmission de la maladie. La science avance, mais la société doit continuer à dialoguer sur ses implications profondes.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu'est-ce que la technique de l'ADN à trois personnes ?
C'est une technique de FIV expérimentale qui utilise l'ADN du noyau de l'œuf de la mère et du sperme du père, combiné aux mitochondries saines d'un œuf donneur, pour prévenir la transmission de maladies mitochondriales héréditaires.
Combien de bébés sont nés sains grâce à cette méthode au Royaume-Uni ?
Huit bébés sains sont nés au Royaume-Uni en utilisant cette technique, et les recherches indiquent qu'ils sont actuellement exempts de maladies mitochondriales.
Cette technique est-elle autorisée partout dans le monde ?
Non, elle est actuellement légale au Royaume-Uni et en Australie, mais reste interdite dans de nombreux autres pays, notamment aux États-Unis, en raison de questions éthiques et réglementaires.