Chaque année, un tiers de la nourriture mondiale finit à la poubelle. Ce gaspillage colossal n'est pas seulement une perte de ressources ; c'est une source majeure de méthane, un gaz à effet de serre puissant. Et si ces rebuts devenaient une solution ?

C'est le pari de l'Université de l’Illinois Urbana-Champaign. Une équipe d'ingénieurs agricoles a trouvé comment convertir ces déchets organiques en kérosène capable d'alimenter un avion de ligne.

Comment transformer des épluchures en pétrole ?

Le secret repose sur une réaction : la liquéfaction hydrothermale (HTL). Cette technique reproduit le processus naturel de formation du pétrole, mais en accéléré. La matière organique est soumise à 300 °C et à une forte pression.

Airbus A320

On obtient un "biobrut". Ce liquide, loin d’être exploitable, doit être purifié. Les chercheurs ont réussi à l'affiner grâce à une hydrocatalyse, utilisant un catalyseur à base de cobalt et de molybdène pour transformer l'huile en un carburant répondant aux critères stricts de l’aviation.

Pourquoi ce biocarburant est-il si différent ?

Ce qui distingue l'expérience, c’est sa capacité à produire un carburant « drop-in », c’est-à-dire utilisable sans mélange avec le kérosène fossile. Il peut être versé tel quel dans les réservoirs, sans modification moteur, car il respecte les normes de l'ASTM et de la FAA.

Airbus A321XLR

Selon l'étude (publiée dans Nature Communications), ce biocarburant durable pourrait réduire de 80% les émissions liées au vol. De plus, le procédé HTL n'exige pas de séchage préalable de la biomasse, ce qui réduit drastiquement les coûts de production.

Quel est le véritable obstacle ?

Le secteur de l'aviation vise un objectif ambitieux : la neutralité carbone d’ici 2050. Pourtant, les avions électriques ou à hydrogène restent limités par la densité énergétique des batteries ou la complexité du stockage.

Boeing 787 Dreamliner

Le carburant d'aviation durable (SAF) s'impose comme la voie la plus crédible. Le défi majeur reste le passage à l'échelle industrielle. Transformer quelques tonnes en laboratoire ne suffit pas. Le rôle des scientifiques est de lever les verrous avant que les entreprises ne déploient ce modèle d'économie circulaire.

Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que la liquéfaction hydrothermale (HTL) ?

C'est un processus thermochimique qui utilise de l'eau à haute température (environ 300 °C) et sous haute pression pour décomposer la matière organique (comme les déchets alimentaires) en un pétrole brut synthétique, appelé "biobrut".

Qu'est-ce qu'un carburant "drop-in" ?

Un carburant "drop-in" est un substitut direct au carburant fossile. Il est chimiquement si similaire qu'il peut être utilisé dans les moteurs et infrastructures existants (avions, pompes) sans aucune modification, pur ou mélangé.

Ce procédé fonctionne-t-il avec autre chose que la nourriture ?

Oui. La chercheuse principale de l'étude, Sabrina Summers, précise que la technologie HTL est très flexible. Elle peut aussi traiter efficacement des boues d’épuration, des résidus agricoles ou même des algues pour les convertir en biocarburant.