Face à une rentabilité en chute libre, les géants américains du minage de cryptomonnaies opèrent une reconversion spectaculaire. Ils transforment leurs infrastructures énergivores en centres névralgiques pour l'intelligence artificielle, un marché aux revenus bien plus stables et prévisibles. Cette mutation soulève des questions sur l'avenir du réseau Bitcoin lui-même.
Ce qui semblait être un eldorado durable montre aujourd'hui des signes d'épuisement. Au cours des 18 derniers mois, une vague de fond a touché les plus grands noms du secteur : Bitfarms, Core Scientific, ou encore MARA Holdings ont tous annoncé des plans pour pivoter, partiellement ou totalement, vers l'intelligence artificielle.
Cette transition est la conséquence d'une tempête économique parfaite qui frappe de plein fouet les opérations de minage.
La fin d'un eldorado : pourquoi le minage n'est plus rentable
La profitabilité du minage Bitcoin dépend d'un équilibre précaire entre le prix de la cryptomonnaie, le coût de l'énergie et la compétition sur le réseau. Or, cet équilibre est rompu.
L'activité se durcit, exigeant une puissance de calcul toujours plus grande, tandis que la récompense par bloc miné a été divisée par deux en 2024, un événement programmé connu sous le nom de halving. Ajouté à la volatilité du cours du Bitcoin, le calcul n'est plus bon pour beaucoup d'acteurs.
Pour la plupart des entreprises, même les plus grosses, acheter de nouvelles machines de minage spécialisées (ASIC) ne garantit plus un retour sur investissement. Ces puces, conçues pour une seule tâche, deviennent inutiles et sont désormais démontées pour laisser place à un matériel bien plus convoité.
L'IA, une bouée de sauvetage aux revenus prévisibles
Face à l'incertitude de la crypto, l'intelligence artificielle apparaît comme une véritable bouée de sauvetage. Le marché de l'IA offre des marges supérieures et, surtout, des revenus prévisibles, sécurisés par des contrats pluriannuels avec les géants de la tech.
Ces derniers ont un appétit insatiable pour la puissance de calcul nécessaire à l'entraînement de leurs modèles. Pour les mineurs, la reconversion est une évidence stratégique.
Leur atout majeur réside dans leurs infrastructures existantes. Il est bien plus rentable de rééquiper ces immenses entrepôts que de construire de nouveaux centres de données.
Les mineurs arrachent leurs machines ASIC obsolètes pour que leurs nouveaux locataires y installent leurs propres accélérateurs IA, ces fameuses cartes graphiques dédiées si demandées.
Quelles conséquences pour le réseau Bitcoin et l'avenir du minage ?
Toutefois, cette transition ne se fait pas sans frictions ni résistances. Certains acteurs, qualifiés de pure-play, comme American Bitcoin, s'accrochent au minage traditionnel, misant sur une efficacité opérationnelle extrême pour rester rentables.
Des voix s'élèvent aussi pour questionner la compatibilité technique de ces installations. Un centre de données pour l'IA exige une disponibilité électrique quasi parfaite, là où les mineurs s'engageaient souvent à couper leur alimentation lors des pics de demande sur le réseau.
À plus long terme, ce pivot massif pourrait fragiliser la sécurité même du réseau Bitcoin. Une baisse drastique de la puissance de calcul mondiale augmente, en théorie, la faisabilité d'une "attaque des 51 %", où une entité malveillante prendrait le contrôle des transactions.
Si ce risque reste pour l'instant lointain, la question de la soutenabilité économique du minage se pose. Le minage pourrait alors se délocaliser massivement vers des régions du globe où l'énergie est abondante et bon marché, ou devenir une affaire de sécurité nationale pour les États détenant des réserves stratégiques de Bitcoin.